Minh Tran Huy, lauréate du Prix littéraire Gironde – nouvelles écritures 2008


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 08/06/2008 PAR Piotr Czarzasty

C’est pour la 19ème fois qu’est decerné le Prix Gironde, nouvelles écritures. Lancé à l’initiative du Conseil Général de la Gironde et du Courrier Français, il récompense des écrivains francophones sur leur premier ou deuxième roman. « On veut privilégier des romans qui dénotent le début d’une oeuvre. » explique Bernard Cattanéo, président du Courrier Français « … l’ambition étant, de faire sortir un écrivain, dont l’écriture touche le plus grand public et fait tout simplement rêver le lecteur dit « moyen » ». Le prix est doté, chaque année, d’un chèque de 7 600 €.

Retour à l’adolescence
La lauréate de cette année, Minh Tran Huy, est née à Paris en 1979, de parents Vietnamiens. Très tôt, elle s’intéresse à l’écriture, mais journalistique. A 27 ans, elle est déjà rédacteur en chef adjointe du Magazine Littéraire et dirige la chronique « Mots de Minuit » sur France 2. Elle fait paraître son premier roman « la Princesse et le pêcheur » en août 2007. L’idée de celui-ci germait en elle tout de même depuis une dizaine d’années. Mais comme elle l’explique « Je ne me sentais pas encore prête à raconter mon adolescence avec suffisamment de recul. »

Le Vietnam cette face caché

La princesse et le pêcheur de Minh Tran Huy
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Et, c’est en effet un récit presque autobiographique que nous livre l’auteur, bien qu’une grande partie des faits évoqués soitfictive. Le trait principal du récit ne laisse cependant pas d’ambigüité. L’héroïne, née en France de parents Vietnamiens, part en voyage au Vietnam. Elle y découvre les multiples tragédies et souffrances, cachées pendant des années par ses parents, de ce pays qu’elle n’a jamais pu vraiment connaître, ni retrouver. « L’itinéraire de ce voyage ressemble à une carte postale ; d’un côté on voit que de belles choses, mais quand on la retourne, la réalité s’avère bien différente. »

Une histoire d’amour
Le déclic, qui a donné un vrai élan à l’ouvrage, fut la rencontre de l’auteur avec un jeune Vietnamien, qui avait fui le régime communiste pour s’installer clandestinement à l’étranger. Contrairement à la réalité, la rencontre débouche sur une vraie histoire d’amour. Un amour cependant impossible, entre une jeune fille issue d’une immigration aisée et un « boat people ». Mais cet amour est justement pour la fille « le reflet d’un pays qu’elle ne connaît pas » selon Mme Minh. Elle a donc besoin de cet inconnu qui représente « le seul moyen d’approcher le Vietnam, de déterrer ses mystères. » Le sentiment d’isolement que connaît l’héroïne en tant qu’enfant unique, mais aussi par rapport à ses parents, ne fait que rendre le couple encore plus proche.

Le conte: une passerelle entre le réel et l’imaginaire
Cette histoire d’amour, qui est au fond plus une création de l’imaginaire qu’un sentiment réel, se voit relayée dans le roman par un conte vietnamien sur… « la princesse et le pêcheur ». Celui-ci raconte l’histoire d’une princesse, vivant dans une tour, qui, isolée, écoutait chaque jour un pêcheur chanter au bord de la rivière. Ne l’ayant jamais vu, elle tombe amoureuse de lui ou plutôt du fantasme né de son chant. Tout au long du livre, l’auteur a recours à ce conte et bien d’autres encore, en maintenant ainsi la confusion entre le réel et l’imaginaire.

« Mono no awari »
Le conte, tout comme l’histoire vraie, parle ensuite de la disparition du mystérieux jeune homme. L’héroïne ne pourra plus le retrouver. L’auteur aborde ainsi un autre sujet, celui de la nostalgiMinh Tran Huye envers les gens, qu’on aimait et qui nous ont brusquement quittés ; envers des souvenirs d’évènements, d’expériences qui ne reviendront jamais. Elle évoque le crédo japonais « mono no awari » – la poignante mélancolie des choses, que l’on ressent lorsque quelqu’un disparaît, que l’on perd de vue. Une nouvelle métaphore sur le passé de Mme Minh, qui a « perdu de vue » son pays d’origine. Elle en a gardé des souvenirs mais est parfaitement consciente que ceux-ci ne deviendront plus jamais réalité.

Journaliste et écrivain, un mariage difficile
En dehors du caractère de l’histoire elle-même, l’écriture n’est pas venue facilement pour une autre raison. « J’ai dû me débarasser de certains réflexes et tics journalistiques. » avoue l’auteur «… abandonner les raccourcis, et se lâcher au niveau du style ; il me fallait décoquiller la plume pour perdre les instincts de journaliste. » Si l’on ajoute à cela les nombreux soupçons de copinage qui accompagnent la publication d’un ouvrage dont l’auteur est journaliste, le résultat final n’était pas du tout évident.

Le succès… on peut en avoir parfois assez
Mme Minh semble dailleurs déjà un peu épuisée par ce succès inattendu. Elle, qui aimerait bien travailler à un nouveau roman, devant encore assumer la rédaction d’un magazine et d’une chronique, en ne parlant même pas de ses obligations familiales, ne trouve pas le temps. « La promotion d’un livre c’est beaucoup de déplacements, rencontres, qui prennent du temps. » avoue-t-elle « Je ne sens pas de disponibilité d’esprit, j’attends donc vraiment les vacances. »

Piotr Czarzasty

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