L'ÉDITO
par Solène MÉRICMacron et Barnier : Les derniers sont les premiers
De Philippe Katherine, tout bleu et tout nu, entouré de drag queens dans un tableau de festivités entre dieux de l’Olympe, à Michel Barnier à Matignon… Comment en est-on arrivé là ?
Emmanuel Macron, lui-même s’était dit fier de ce premier grand acte des JO, salué pour son audace, bien loin des lisses représentations de la France éternelle. Il vient pourtant de mettre à la tête du gouvernement un ancien parlementaire qui avait voté contre la dépénalisation de l’homosexualité. Certes, c’était il y a longtemps, en 1981, mais est-ce une excuse à l’intolérance ? Evidemment non. Un peu plus tard, ses convictions personnelles l’ont aussi amenées à voter contre le PACS… Un peu plus près de nous, alors candidat de la primaire LR en vue de la présidentielle 2022, le « gaulliste social » proposait deux-trois mesures loin d’être anodines, comme la retraite à 65 ans, un moratoire sur l’immigration ou encore une augmentation du nombre de centres éducatifs fermés, etc.
De quoi s’étrangler pour les électeurs de gauche qui avec leurs 180 élus, pensaient être, au sortir des urnes, la première force de l’Assemblée nationale, même relative. Les LR (et leurs alliés divers droite) comptent eux 66 sièges à l’assemblée, sur 577, et pourtant, donc, à eux le poste à Matignon. Cela dit, quand on part du principe, comme le président, que « personne n’a gagné » ces élections législatives anticipées, peut-on être sincèrement étonné que, finalement, les derniers soient les premiers...?
Mais alors, il ne faudra pas non plus être étonné lors de prochaines élections, du sentiment, déjà grandissant, de l’illégitimité du vote, ou d’un durcissement supplémentaire de l’électorat vers l’extrême droite, non seulement chez les électeurs d’aujourd’hui mais aussi chez ceux de demain. Car deux mois sans Premier ministre, et le ramdam, mérité, qui a accompagné ces élections anticipées, nul doute que les lycéens s’en souviendront à leur proche majorité. Comment alors, expliquer l’acte fondamental du vote à des jeunes gens, déjà peu convaincus de son importance, quand l’assemblée qui en est issue peut être court-circuitée par le Président de la République juste, au fond, parce qu’il en a l'envie et l’opportunité ?
Repensons à Philippe Katherine, à la cavalière sur la Seine ou à la performance des Landais (fierté régionale !) de Gojira à la Conciergerie. Après tout le choix d’Emmanuel Macron n’était-il pas fait dès cette interview donnée sur France 2 quelques minutes avant cette première cérémonie des JO, le 26 juillet ? Celle où il promettait un Premier ministre au 15 août (râté) et disait rêvé d’une "union nationale" (râté aussi) comme l’avaient réussie les hommes et les femmes de diverses appartenances partisanes, impliqués dans l’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024. Michel Barnier a, en effet, avant d'être le négociateur en chef du Brexit, endossé peu ou prou le même rôle d’écoute, de conviction, de proposition, de conciliation, et de négociation pour l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver d’Albertville en 1992. Il le rappelait d'ailleurs avec fierté lors de la passation de pouvoir avec Gabriel Attal, « ça a pris 10 ans de ma vie ». La France, les Français, et l’Europe eux, n’ont pas 10 ans.