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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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04/07/2022

Faut-il un terme à la perpuité ?

"On juge l'état d'une civilisation à l'état de ses prisonniers", peut-on lire sur la stèle commémorative d’un ancien camp de prisonniers allemands, du côté de Sainte-Mère-l’Eglise, près des plages du débarquement en Normandie.

La toute récente condamnation de  Sala Abdeslam, auteur des attentats du 13 novembre, à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté incompressible, et les dossiers de deux prisonniers basques, malades et âgés, emprisonnés depuis plus de trente ans et qui commencent à agiter le Pays basque, indiquent qu’il est sans doute temps de renvoyer à la réflexion collective cette notion d’enferment définitif.

En préambule, il faut préciser que les cas cités ci-dessus ne sont pas égaux en toutes choses. Les causes qui ont « justifié » la commission de ces crimes, l’ampleur et les conditions: il ne saurait être question de comparer ici des choses non comparables. Seulement de réfléchir à l’enfermement définitif voulu par la société.

L’islamiste Sala Abdeslam est condamné à perpétuité sans aménagement possible. La loi prévoit quand même qu’au bout de trente ans, il pourra saisir un tribunal d’application des peines, et demander à revenir sur cette impossibilité, dans un cadre juridique exigeant.

Cette sanction rarissime, sans aménagement possible, la plus lourde du code pénal, n’a été prononcée qu’à quatre reprises précédemment. Instaurée en 1994, elle est initialement destinée aux crimes commis sur des enfants par des récidivistes. Puis elle est étendue en 2011 aux meurtres ou tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique, puis après les attentats de 2015, aux crimes terroristes.

Au Pays basque, dans un contexte qui n’a rien à voir, redisons-le, des associations pour la Paix, se mobilisent contre le maintien en détention de Ion Parot et Jakes Esnal, deux prisonniers septuagénaires, arrêtés et emprisonnés en 1990. Ils étaient impliqués dans un attentat meurtrier survenu à Saragosse en Espagne. Ils ont été condamnés à la perpétuité en 1997. Aujourd’hui, le parquet anti-terroriste fait appel à chaque fois qu’ils obtiennent une libération conditionnelle devant un tribunal, ce qui entraîne le maintien en détention de ces hommes âgés et malades. En écho à ce blocage judiciaire, les associations basques prévoient de bloquer les voies de communication du Pays basque, le 23 juillet.

Face à des actes meurtriers qui ont tué et blessé des innocents, commis sous l’emprise d’un cocktail de lâcheté, d’idéologie mal placée et d’extrême violence, il est impensable pour les familles des victimes d’imaginer les auteurs en liberté, fut-ce seulement pour recevoir des soins. Et pourtant, cet Etat civilisé duquel nous nous réclamons, ne sortirait-il pas grandi de savoir mettre un terme à une perpétuité qui heurte l’humanisme, philosophie qui porte à espérer que tout homme peut devenir meilleur?

Le Corse Yvan Collona, lui aussi condamné à perpétuité est mort en prison. Ce qui a réveillé sur l’île de Beauté un sentiment de haine contre l’Etat. La société civile du Pays basque, qui a accompagné le désarmement et la dissolution d’ETA, n’a aucune envie de renouer avec la violence et les années de plomb. Il est temps de chercher une solution. Il sera sage d’en trouver une.

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