Un seul rassemblement, et deux cris de ralliement : « Zapatero, tu n’es pas seul » pour les partisans du président du Gouvernement espagnol, « Zapatero, démission » pour ses adversaires. La bande sonore de la manifestation de mardi soir à Madrid est un reflet fidèle de la réaction politique et sociale de l’Espagne face au dernier meurtre de l’organisation terroriste basque ETA.
L’oeil sur le calendrier électoral
Officiellement, la concentration « Pour la liberté, pour la défaite de l’ETA » est le premier rassemblement unitaire contre le terrorisme depuis les attentats islamistes du 11 mars 2004. En réalité, les deux principales formations politiques, le Parti Populaire (PP, conservateur) et le Parti socialiste (PSOE), ont accepté de mettre en sourdine leurs différends, l’œil fixé sur le calendrier : trois jours après la mort à Capbreton de Raúl Centeno, le garde civil tué lors d’une rencontre avec trois etarras dans un centre commercial, et surtout, trois mois avant les élections générales.
Droite et gauche savent que 80% des Espagnols, selon un récent sondage, exigent la cohésion de leurs représentants face aux terroristes. PP et PSOE ont donc accepté les concessions minimales pour parvenir à un accord : les socialistes n’ont pas rechigné face au slogan proposé par la droite et jugé il y a peu trop belliciste, les conservateurs ont oublié leur exigence d’une mention au Parlement pour désavouer la tentative avortée d’un dialogue avec les terroristes basques.
Seules 5.000 personnes ont manifesté face à la Puerta de Alcalá de Madrid. Parmi les absents, la puissante Association Victimes du Terrorisme (AVT), qui a convoqué une demi-douzaine de manifestations, bien plus nombreuses, contre le gouvernement, et dont le président est actuellement jugé pour injures conte Zapatero, taxé de « complice de l’ETA ». Pour la première fois, PP et AVT manifestent contre l’ETA de manière séparée. Le PP opère sa conquête du centre et semble mettre en retrait ses amitiés encombrantes pour laisser le micro à ses porte-parole les plus modérés.
Zapatero : la fermeté
Autre absent remarqué, le président du Gouvernement prépare lui aussi une évolution de son discours politique. Après la mise en avant de ses qualités d’écoute et de « talante » -la disposition au dialogue-, Zapatero entend affirmer sa fermeté en matière antiterroriste.
La première victime désignée est l’Action Nationaliste Basque (ANV), un parti pour lequel Batasuna, le bras politique illégal de l’ETA, a demandé le vote lors des élections municipales de mai 2007. « Chaque fois que l’ANV ne condamne pas la violence, elle se rapproche de l’illégalisation », a prévenu le ministre de l’Intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba.
Le terrorisme a été au cœur des affrontements entre la gauche et la droite depuis la victoire surprise de Zapatero le 14 mars 2004, trois jours après les attentats islamistes attribués alors à l’ETA par le gouvernement du PP. En 2008 l’enjeu sera de se présenter comme rassembleur, ou d’attribuer les divisions à l’adversaire. L’unité réelle attendra.
Mathieu de Taillac