En 1989, Solidarnosc s’est retrouvé à un tournant. Après avoir « arraché », au gouvernement communiste sortant, l’accord pour convoquer les premières élections semi-libres depuis 1945, Solidarnosc ne savait plus quel rôle il devait endosser. Rester fidèle à ses fonctions et statut de syndicat ouvrier, ou, en tant que contrepoids politique du pouvoir communiste, briguer sa place? Au cours de son histoire post-communiste, Solidarnosc ne semble jamais avoir été en mesure de résoudre ce dilemme. Sauf entre 1997 et 2001 lorsqu’il arriva au pouvoir sous l’égide de son organe politique « Action Electorale Solidarnosc » (AWS). Cette expérience, très brève, se termine néanmoins brusquement avec l’échec du président de l’AWS – Marian Krzaklewski – aux présidentielles de 2000 et la défaite du parti aux législatives l’année suivante. La désintégration de l’AWS a laissé ses derniers partisans rejoindre les partis alors naissants de… Platforme Civique (PO), avec l’actuel premier ministre D. Tusk ; et de son homologue de droite, le parti de Droit et Justice (PiS) des frères Kaczynski.
89′- un défi politique pour Solidarnosc
Solidarnosc n’a-t-elle donc pas réussi à relever un défi politique, ou, une fois ses principaux objectifs acquis, la transition vers la démocratie libérale et l’économie de marché s’est-elle avérée plus difficile que prévue? « Nous avions trois missions à accomplir avec Solidarnosc. » nous dévoile son ex-président Lech Walesa : « d’abord, l’établissement d’un pouvoir soudé autour d’un monopole le plus large possible, afin de s’opposer aux communistes. Ensuite, une division afin de garantir un pluralisme politique ; et enfin une coalition rationnelle pour gérer le pouvoir dans un esprit de compromis. » Ces trois missions furent accomplies avec succès selon Walesa. Le président de la filière territoriale de Solidarnosc à Gdansk, Krzysztof Dosla, ne semble pas partager cette lecture optimiste de l’histoire contemporaine.
Un bilan mitigé
Il souligne, certes, les succès évidents de l’entrée de la Pologne dans l’UE ou dans l’espace Schengen ;l’aboutissement à la fondation d’une démocratie, d’un Etat de citoyens libres, après celui ou le pouvoir résidait du côté de « la matraque policière, du tank et du fusil. » Les coûts de la transition furent néanmoins considérables avec notamment, une privatisation souvent mal conduite et trop précipitée, le manque d’emploi, une émigration massive « gagne-pain », « Ces derniers facteurs ont prouvé que pour tous ces émigrés on a manqué de place en Pologne. » explique Krzysztof Dosla. L’instabilité au sein des élites au pouvoir venait encore renforcer le désenchantement pour la nouvelle démocratie, ainsi que pour Solidarnosc.
« Je répétais toujours que Solidarnosc devait faire attention de ne pas mêler ses missions de syndicat avec ses ambitions politiques » s’impatiente Lech Walesa. « Il ne faut pas oublier que M. Walesa n’était pas libre de faire usage de Solidarnosc en tant qu’outil politique » rétorque M. Dosla: « Cette période de mésalliance entre Solidarnosc et AWS est bel et bien terminée. Le mouvement se concentre aujourd’hui sur ses tâches de syndicat. On revient aux origines. » conclue-t-il.
Walesa quitte Solidarnosc
L’histoire de Solidarnosc semble avoir décidément tourné la page. Et ceci après que Lech Walesa, le leader emblématique du syndicat, ait quitté les rangs de celui-ci en août 2006. « Je ne me voyais plus parmi ceux qui s’affichent clairement du côté des frères Kaczynski. » explique Walesa: « …du côté d’hommes politiques, dont le discours est rempli de populisme et de démagogie ; qui ne savent pas gouverner sans chercher d’ennemis autour d’eux. » Krzysztof Dosla voit les raisons du départ de l’ex-président polonais d’un oeil différent: « A partir du moment où Walesa est devenu président de la République, son chemin et celui du Syndicat se séparaient. » remarque-t-il : « son départ n’était que la conséquence logique de ses nouvelles fonctions. »
Un vent nouveau
En octobre dernier, le pouvoir en Pologne a changé de camp. Un « descendant » libéral de Solidarnosc, Donald Tusk, qui plus est, originaire de Gdansk, vient de prendre les rênes du gouvernement. « Je pense que la direction est la bonne. » confie Walesa. Un sentiment de nostalgie émane cependant encore de ses réflexions: « J’ai été leader de Solidarnosc, président, maintenant je suis ex-président de la République. » rappele-t-il: « J’ai toujours suivi la voix de la nation. On ne pourra, tout de même, jamais me reprocher, que j’ai manqué de projets pour le pays. On ne m’a plus fait confiance, c’est tout. »
Piotr Czarzasty
Photos: Aqui!, mmarek