Notre voyage a débuté par le désert du Néguev. Première nuit au kibboutz de Mashabé Sadé dont la création remonte à 1947. Dormir dans un kibboutz, autre rêve de jeunesse, car dans les années 60 je m’imaginais bien partir vivre l’aventure de la vie en communauté dans un kibboutz où tout était à construire.
Aujourd’hui, tout est construit ! Il est en effet extraordinaire de voir, en plein désert, l’alimentation en eau pour les cultures mais aussi pour l’usage quotidien. Ce kibboutz comprend deux parties : l’une pour les résidents israéliens (270 familles adhérentes) agriculteurs, pratiquant l’élevage de volailles et de vaches, l’autre pour le tourisme avec la transformation des hébergements vacants en gîtes ruraux, restaurant.La première nuit aurait pu être paisible. Elle fut troublée par des tirs d’armes automatiques. Questionnement le matin : le kibboutz jouxte un très grand terrain militaire.
Le désert du Neguev investi par les militaires.
Nous partons visiter les gorges d’Ein Avdat et nous arrêtons en chemin sur le site où se trouve la tombe de David Ben Gourion et de sa femme Paula. Nous entrons dans l’histoire de ce pays. D’un côté un site archéologique de l’époque nabatéenne et byzantine, ou encore Tel Shéva proche de Beershéva, centre caravanier grâce à ses puits et où Abraham fit une alliance de paix avec son voisin bédouin, le roi Abimelek,de l’autre l’évocation de l’artisan de l’Etat d’Israel… et au-dessus de nos têtes des avions de chasse. Serions nous dans un pays en guerre ? La guide nous explique que le désert du Neguev a été en grande partie investi par les militaires. Conséquence : le peuple bédouin s’est vu interdire le nomadisme et est parqué dans le nord du désert !
Le lendemain nos pas nous conduisent vers Qumram, lieu où furent découverts les manuscrits de la mer Morte. Nous passons au pied de Massada, symbole de la résistance du peuple juif, les Zélotes contre l’oppresseur romain et nous dirigeons vers la mer Morte. Spectacle étonnant que cette mer qui régresse d’un mètre tous les ans, rapprochant Israël de la Jordanie située sur l’autre rive. La baignade n’est autorisée que sur une petite partie car des crevasses se forment dans le sol ce qui la rend très dangereuse. Etonnant aussi de voir le mélange de baigneurs : européens en maillot de bains, femmes musulmanes entièrement habilléesou encore amoureux du bien être se recouvrant de la boue noire salée aux vertus soit disant bénéfiques.
Nous reprenons la route vers Jéricho. Nous entrons en territoire Palestinien (géré par les Israéliens). Nous passons un contrôle. Rapide.La ville est en liesse car c’est la fête de Lahit pour les musulmans. Les enfants nous vendent des petites bananes, délicieuses.Nous poursuivons ensuite notre route vers Nazareth. Je m’attendais à voir une petite bourgade aux maisons basses entourée de rochers ! Certes, il y a du rocher, mais il est couvert de maisons. Quant à la grotte où Marie a reçu la visite de l’ange Gabriel, elle est située dans une immense basilique moderne…. au sein de laquelle le pèlerin vient se prosterner.
Nous partons le lendemain vers le Lac de Tiberiade. Pour les juifs le lac s’appelle la mer de Galilée ou la Harpe (Kinnéreth) car vu d’avion il a la forme de la harpe dont jouait le roi David. Le Mont des Béatitudes domine le lac. La végétation y est luxuriante, flamboyants en fleurs, bougainvilliers. La plaine que nous traversons est extrêmement fertile avec manguiers, orangers, bananiers, avocatiers. Nous allons ensuite à Capharnaüm. Tout y est calme ! Cependant au premier siècle la ville était une cité de commerce connaissant une forte activité. Nous visitons les vestiges de la ville ainsi que de la maison de Pierre où Jésus a séjourné.Bel endroit, paisible où on peut ressentir ce que pouvait être la vie au 1er siècle. Il nous semble être hors du temps ! Même impression à Césarée Maritime au bord de la Méditerranée. Cette ville fut construite par Hérode le Grand et devint au début l’ère chrétienne la capitale des procurateurs romains (dont Ponce Pilate) Nous visitons son théâtre antique entièrement restauré, son ancien hippodrome et son aqueduc et les vestiges des croisés. Pas le temps d’y demeurer: la prochaine étape est Bethléem. Je vais enfin découvrir la grotte où est née l’enfant Jésus. Eh bien non. Les byzantins sont passés par là et on recouvert le lieu d’une immense basilique. Le sanctuaire originel, dont il reste quelques vestiges, fut édifié au IVème siècle par l’empereur Constantin. Heureusement la visite du champ des Bergers, où selon une antique tradition ils apprirent des anges la naissance du Christ, se rapproche de l’image que je pouvais avoir, enfant, de la grotte !!
Traverser le mur
Route vers Jérusalem. Nous sommes hébergés à Beit Jala, village proche. .. et là nous retombons dans la réalité de ce pays. Il faut traverser le mur. Attente d’au moins une demi heure. Check point, mirador, jeunes soldats (filles et garçons) en armes. Montée dans le bus,inspection de chacun de nous. Nous passons. Et là nous prenons conscience de tout ce que vivent les palestiniens quotidiennement pour aller travailler, pour aller se soigner, pour vivre tout simplement. Ce mur encercle toute la Cisjordanie. Comment est-ce tolérable ? Après le mur de Berlin ? L’histoire ne doit-elle pas être exemplaire ? Ou bien est-ce à cause de l’histoire ?Notre rencontre avec l’auxiliaire du Patriarche latin de Jérusalem, Mgr William Shomali, palestinien, nous permet d’avoir une vue de la complexité de la situation, du point de vue religieux. Dans chacune des trois églises monothéistes présentes en Israël, des courants différents existent et n’ont pas les mêmes objectifs. Rien que chez les chrétiens, sept patriarcats cohabitent (maronites, cooptes, chaldéens, latins, syriens etc…). Il est donc important qu’un dialogue oecuménique s’instaure mais aussi un dialogue inter religieux. Ce sont quelques unes des propositions finales du Synode du Moyen Orient. Mais Mgr Shomali, comme tous les personnes rencontrées au cours de ce séjour, ne cachent pas leur pessimisme quant au rôle des politiques « qui compliquent tout » ! Pour Mgr Maurice Gardès, Archevêque d’Auch, Président du Conseil National pour l’Unité des Chrétiens et les Relations avec le Judaïsme (1) « la situation est très tendue et complexe entre Palestiniens et Israéliens, cela marche dans les deux sens. Le problème c’est le rapport à la terre. Jérusalem est un lieu hautement symbolique siège des trois religions monothéistes. Une meilleure connaissance des uns et des autres est indispensable.».
Aujourd’hui les Chrétiens quittent en masse le pays alors qu’ils peuvent représenter une sorte de tampon face au deux blocs.
Quel avenir pour la Palestine ? Quel avenir pour les bédouins ? Quelle solution sans bain de sang ?
Selon Mgr Shomali, la solution viendra soit par l’émergence d’un homme au grand charisme … soit par la prière ! Inch Allah !
1. Mgr Maurice Gardès a été nommé à cette fonction par le Cardinal Lustiger en juin 2005, pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. Ce conseil national comprend deux services. Le premier qui se penche sur l’unité des chrétiens (notamment la reconnaissance de l’autorité du Pape et les Ministères), l’autre sur le Judaïsme.