« Savoir boire, savoir vivre; peut-on vendre du vin et des spiritueux et promouvoir la consommation modérée? Y-a–il contradiction ou complémentarité? » Telles étaient les questions qui étaient poséesdans le cadre des conférences de Vinexpo. Questions d’actualité, car en parcourant les allées du salon agroalimentaire sans doute le plus somptueux du monde, on sent bien que sous la moquette perce l’inquiétude. Si les perspectives de la consommation de vin dans le monde sont encore à la hausse, les statistiques révêlent en revanche une régression dans tous les pays européens de production, en particulier en France. Dans notre pays, comme l’a rappelé José Ramon Fernandez, secrétaire général du « Comité Vin » européen (structure émanant de 24 associations et représentant quelque7000 entreprises), cette consommation n’a-t-elle-pas baissé de 60% en 50 ans!
Bientôt comme le tabac?
Comment avancer des arguments fortscôté exportation à propos d’un produit si peu prisé dans son propre pays, lequel l’enferme dans un carcan modérateur supplémentaire? Il n’est pas le seul il est vrai: la plupart des pays développés mettent en oeuvre une législation incitant à la modération . La filière viti-vinicole n’en est pas pour autant au bout de ses malheurs: selon José Ramon Fernandez, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) travaille à l’élaboration d’un programme concernant le vin calqué sur celuidu tabac. Peut-on imaginer des étiquettes de bouteilles de vin arborant les mêmes expressions dissuasives que sur les paquets de cigarettes? Voila qui poserait de sérieux problèmes aux acteurs du marketing vinicole. D’autant que l’on connait déjà l’exemple du logo avertissant les femmes enceintes. Marie-Christine Tarby-Maire, présidente de Vin et Société, citait en effet le cas de femmes inquiètes qui découvrent lefameux logo après avoir bu un verre et demandent « si elles doivent procéder à une interruption de grossesse ».Elle juge ce logo « brutal et abusif » et ne correspondant pas à la psychologie des femmes attendant un enfant
Arbois invente le jurabag
La filière ne cherche plus à s’opposer à ce mouvement incontournable, mais plutôt à vivre avec. L’exemple de l’Arbois, largement développé par Mme Tarby-Maire, montre que dans le contexte actuel (pas encore aggravé) on peut concilier sobriété et économie. Cette région viticole a choisi le conseil d’une consommation raisonnée, tout en acheminant son propre message. On le trouve sur affiches (slogan: »sur la route, pas d’abus, un verre pas plus ») sets de tables, dans un guide des saveurs,etc. Un accord avec les restaurateurs permet à ces derniers de proposer à leurs clients, plutôt que de faire un repas sans vin, « un jurabag » qui leur pemettra de finir l’excellent vin jaune chez eux. Des conventions sont passées avec les organisateurs de fêtes, notament celles du vin jaune. Les participants sont invités à déposer leur clés de voiture qu’ils ne pourront reprendre que si le résultat de l’alcootest le leur permet. Sur 1500 dépôts de clés seulement 14 contrôles positifs!
Contribution de la Sopexa
De son côté la SOPEXA, comme l’a rappelé son président Dominique Chardon, travaille en faveur de la consommation modérée de vin à travers son opération « l’apéritif à la française » sur les marchés étrangers, et il souligne que « la modération est la meilleure alliée du goût ». Quant au Comité Vin européen, José Ramon Fernandez a expliqué comment il met en place un un programme qui prévoit de développer le message de modération, une éducation « art de vivre », et la création d’un conseil d’information du vin. Il s’agit d’encourager les « modes de consommation responsables » tout en incitant à la reconnaissance des différences régionales culturelles.
Gilbert Garrouty