Première surprise en entrant dans ce lieu où l’on se bouscule et parle au moins six langues, de l’anglais au chinois, de l’espagnol à l’allemand, du français au thaï, Angélus nous convie à découvrir d’autres appellations, d’autres terroirs, ce dont Hubert de Bouard, le maître des lieux n’est pas peu fier, ne serait-ce que parce que le monde du vin n’est pas fait que d’étiquettes prestigieuses.Par exemple les voisins de Lussac Saint-Emilion, « château Munch » ou de Montagne Saint-Emilion « Vieux château Palon » ou château de Francs, « les Cerisiers » s’offrent aussi à la dégustation dans cette ambiance singulière où les premières impressions soigneusement annotées sont consignées sur un petit carnet riche d’informations essentielles : cépage, terroir…
Et puisque ce lieu est dédié à la qualité pourquoi ne pas d’emblée évoquer un grand des Graves, ici présent, le château de Fieuzal. Deux couleurs et deux vins majuscules pour ce 2010 ! Un blanc de haute volée 70% sauvignon et 30% sémillon, né de raisins cueillis le 24 septembre ( ! ) dont le gras, la fraîcheur et la vivacité sont un hymne au terroir ; un rouge extraordinaire d’expression, étonnamment soyeux en bouche et dont le nez de cassis rappelle à l’auteur de ces lignes le moment où, dans le jardin familial, une grand mère cueillait les petites baiestrès mûres destinées à la liqueur… Ce 2010 de Fieuzal a su tirer le maximum y compris dans un assemblage un peu atypique pour la propriété (65% cabernet sauvignon, 35% merlot) d’une grande année de cabernets. On croise les doigts pour qu’un excès de bois que l’on distingue à peine – il n’est présent que depuis trois mois – ne vienne pas déranger un équilibre si prometteur.
La vérité…Laquelle?
Car, en ces instants de primeurs où se joue, sans doute beaucoup trop, le sort d’un millésime on mesure, face à d’autres dégustations, que le palais humain, sauf à faire dans la cuistrerie est bien impuissant pour émettre un pronostic sérieux sur l’avenir d’un vin. Constat d’autant plus évident que dans le cas de ce 2010, souvent explosif, dont certains affirment qu’il ne vaut pas 2009 et d’autres qu’il lui est très supérieur, il n’y a aucune vérité absolue. Des vins de faible rendement, issus de baies noires et peu chargées en jus, se présentent dans votre verre, tellement puissants et concentrés qu’il faut souvent résister au choc de la mise en bouche et de sa sortie…Les merlots pourtant les plus aptes à la finesse, sur un somptueux terroir comme celui de Saint-Emilion, réclament ainsi la plus grande humilité. Angélus notamment dont l’alliance particulière cette année de 55% de merlot et 45% de cabernet franc nous surprend un peu puis nous enchante, Angélus dont le Carillon, le second vin, présente un équilibre et une finesse déjà remarquables. Très belle dégustation du château Haut-Corbin, grand cru classé appartenant à Philippe Dambrine, où la finesse du merlot présent à 65% emporte déjà l’adhésion. Autre beau moment: la dégustation qui ne cède en rien à celle-ci, celle du château « La Commanderie » (80% merlot et 20% cabernet franc) où rondeur et souplesse se conjuguent harmonieusement puis du Clos des Jacobins, autre grand cru classé chers à Thibaut et Magali Decoster dont M. Decoster glisse à votre oreille qu’il sera au moins aussi bien que les 2009… A suivre.
J.A