Un kurde réfugié à Bordeaux : une attente interminable


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Un kurde réfugié à Bordeaux : une attente interminable

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 31/10/2007 PAR Joël AUBERT

Bilal Sahin est un jeune homme à l’allure frêle et au visage expressif. A 25 ans il a connu la torture, l’exil et la peur de mourir. Raconter son passé, est un moyen de tourner la page. Mais c’est toujours douloureux. Bilal Sahin vivait avec sa famille dans la zone kurde de Turquie, au sud-est du pays, à la frontière avec l’Iran. Dans les années 1990, comme aujourd’hui, des guérilleros se battent pour la reconnaissance du Kurdistan. « Ils combattaient pour notre liberté », explique le jeune homme. Catalogué comme « terroriste » et soutien du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), les collèges refusent l’adolescent. A 14 ans, il est arrêté et devant son petit frère de 11 ans et demi Il est torturé. « Tu n’as pas le choix, il faut mentir et dire que tu ne connais aucun des guérilleros, sinon ils te tuent sur place », répète plusieurs fois le jeune homme. Il sort de cette garde à vue avec les yeux boursouflés, incapable de marcher. Son père veut l’emmener à l’hôpital le soir même. Mais le couvre-feu interdit de sortir après 21 heures. Le lendemain Bilal Sahin est opéré des yeux. Résultat : il ne récupère que 10% de sa vision à l’œil droit.

« Si tu veux vivre, tu dois partir »

Après cet épisode, le garçon part chez des amis de son grand-père quelques temps. Lorsqu’il revient dans son village les militaires le harcèlent de nouveau. Lui et toute sa famille. Il est arrêté de nouveau. « Si j’avais eu un pistolet dans ma cellule, je jure que je me serais tué », déclare-t-il les yeux brillants. Malgré les tortures Bilal Sahin ne craque pas et reste muet. Ce n’est pas le cas de guérilleros qui, capturés, donnent le nom du garçon en échange de la liberté. « Ma grand-mère m’a dit ‘si tu veux mourir, tu restes ; si tu veux vivre, tu dois partir’ », se souvient le jeune homme qui se tord les mains.
Il prend la fuite et va à Istanbul où son grand-père lui procure une fausse carte d’identité. Il monte dans le chargement d’un poids lourd et reste caché pendant cinq ou six jours. Lorsqu’on lui ouvre la porte, il est à Marseille. Il rejoint un cousin à Bordeaux, qui l’aide à faire sa demande de réfugié politique en juillet 2002. Son dossier envoyé à l’OFPRA, il attend la décision. C’est un refus. Bilal Sahin fait appel et passe devant la commission de recours des réfugiés. Il précise : « Le traducteur était turc. Il m’a dit qu’on ne pouvait pas parler de la Turquie comme ça à l’étranger, que cela donnait une mauvaise image ». La réponse de la commission est négative.

Grève de la faim de 44 jours

Il entame, avec d’autres réfugiés, une grève de la faim dans une ancienne gendarmerie à Mérignac. Elle dure 44 jours et se solde par l’obtention de papiers uniquement pour les représentants qui sont allés négocier avec la préfecture. Sourire de dépit sur les lèvres de Bilal Sahin. Un premier arrêté de reconduite à la frontière est annulé par le tribunal administratif en raison de son état de santé. Bilal Sahin est suivi par des médecins, psychologues et psychiatres pour l’aider à se reconstruire. Un avocat, Me Landette, l’aide dans les démarches juridiques. Il demande une autorisation de travail en 2005 puis obtient une autorisation de séjour, « vie privée et familiale », pour raison médicale. Il lui faut la renouveler tous les ans. Le jeune Kurde travaille ainsi légalement pendant trois ans, dans la maçonnerie. « J’ai 37 ou 38 bulletins de salaires », précise-t-il. Il parle désormais français.

« La préfecture ignore les avis médicaux »

Mais, en mars 2007, on lui refuse le renouvellement de sa carte de séjour. Détenteur du code, il ne peut plus passer le permis. Et l’arrêté de reconduite à la frontière suit le 29 août. Son avocat fait appel de ce deuxième arrêté. Le 14 septembre, Bilal Sahin est parrainé publiquement par Michèle Delaunay et Odile Touzet. « J’ai un appartement, un compte en banque, tout ce qu’il faut, sauf des papiers. Et je ne peux retourner en Turquie où je suis condamné à 3 ans, 9 mois et 12 jours de prison pour soutien au PKK », affirme-t-il.
« Le plus inquiétant c’est que la préfecture n’a pas tenu compte des deux avis médicaux qui soulignent les troubles psychiques de Bilal », complète Odile Touzet. « Ce n’est pas que je ne veux pas retourner en Turquie, c’est que je ne peux pas », clame le jeune homme. Après son passage devant le tribunal administratif, le 31 octobre, le jeune homme attend maintenant la décision qui commandera son avenir.

Estelle Maussion




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