Aqui! : Comment l’Université a-t-elle eu l’idée d’organiser un colloque consacré au rugby et à ses images?
H.C. En 2003, des chercheurs en sciences humaines se epèrent et se contactent en vue de produire un ravail collectif sur le rugby et sa culture, à ‘occasion de la Coupe du Monde en France en 2007.
Après un rapprochement avec la cellule Recherche rugby de la Direction technique Nationale à Marcoussis (Daniel Boutthier), lui ébauche une cartographie de la recherche sur le rugby, nous fondons un axe « cultures etmédias », en partenariat avec l’INA, l’Institut national de l’Audiovisuel, et uneassociation, Rugby, cultures et sociétés. Plusieurs colloques étaient proposés par notreréseau en 2007 ; l’un a eu lieu à Béziers (13-15juin). D’autres (Lille, Paris), n’aurontpas lieu, faute de partenaires intéressés par lascience ou la culture. De notre côté, nous avons rencontré et continuons à le faire, des joueurs et cadres, de toutesgénérations. La qualité humaine des cespersonnes, le tissu relationnel fort qui les unitest admirable.
@! : Ce choix de mettre l’accent sur l’image en tant que représentation est logique dans la>société télévisuelle mais n’accentue-t-il pas l’effet de caricature d’un sport qui ne devient que spectacle?
H.C. Surtout depuis les modes de filmage explorés par Canal + (Jean-Paul Jaud notamment dès 1995, qui tiendra au colloque), le rugby est devenu une attraction même pour des non-avertis, car il y trouve des affrontements, des gestes étonnants de force ou de vitesse, des efforts collectifs, et un esprit d’auto-dérision ou d’humour assez présent chez les reporters. Un cliché voudrait que le rugby constitue depuis le gaullisme un vecteur d’un sain nationalisme, qui mobilise les campagnes les plus reculées. Toute une génération, dans le Sud-Ouest, a grandi avec les débuts de la télévision, où des héros locaux sont devenus des figures nationales ou internationales. Ce sont ces télescopages de valeurs, à l’heure dela globalisation, que nous étudions, depuis les débuts de la radio et de la télévision. L’image renvoie donc autant aux imaginaires qu’aux images produites par des supports.
@! : Pourquoi ne pas s’attacher aux mots qui rendent compte du rugby d’aujourd’hui? Au verbe
nettoyer ou exploser qui font tant recette dans la bouche des commentateurs?
H.C : Dans l’ouvrage collectif qui va être publié parDe Boeck/INA (ci-joint OVALUC et intro-som), au
moins trois articles analysent la langue du rugby, dans sa dynamique, ses emprunts aux idéologies du moment. D’un autre côté, ce vocabulaire est second par rapport à une certaine façon de s’en servir : la fibre rugbystique réveille des expressions et connotations de tous ordres, qu’elles soient d’origine anglo-saxonne,gasconne, argotique, ou qu’elle en forge d’elle-même, avec ces sous-entendus qui alimentent des complicités et connivences à plusieurs niveaux. L’époque actuelle véhicule de la violence dans les mots ; c’est aussi la posture managériale quand elle évoque la conquête. Plus les médias reprennent et amplifient cet aspect langagier, plus ceux qui parlent (joueurs et entraîneurs) veulent s’en tenir à des propos édulcorés… Mais comme en rugby on ne peut évacuer le combat, cela revient vite. Les gestes décisifs sont maintenant « encadrés », mis en évidence, louangés par le montage des images ; de là une sorte de geste, de type homérique, peut les auréoler d’un récit héroîsant : à cette condition, ce n’est plus la tendance brutale-physique qui serait promue, mais l’intention, le sacrifice, le don de l’individuau groupe.