« Le nucléaire est mort ». Ces mots ont été prononcés il y a quelques jours, non par un militant antinucléaire, mais par Jérémy Rifkin, spécialiste mondial de prospective économique, président de la Fondation pour les tendances économiques. Il ajoute: « Je préside un groupe de 120 des plus grandes entreprises du monde dans le domaine de l’informatique, des transports, de la logistique, de l’énergie, de la distribution d’électricité, de la construction […], ces sociétés savent que le nucléaire est mort ». Pour illustrer son propos sur la disparition prochaine de la filière électronucléaire, M. Rifkin fait l’analogie avec l’industrie du disque, laquelle n’a pas anticipé le partage de fichiers sur Internet ; ou encore avec Bill Gates qui n’aurait jamais imaginé le succès du logiciel libre Linux. La logique implacable à chaque fois à l’œuvre est celle des réseaux décentralisés et autonomes s’affranchissant d’un pouvoir tutélaire.
Les arguments économiques du déclin du nucléaire sont multiples : l’absence depuis 50 ans de solutions pour les déchets radioactifs, l’augmentation du prix de l’uranium, le manque d’effet réel sur les émissions de CO2 (il faudrait 1 500 réacteurs, soit des milliards d’euros pour ne gagner que quelques pour cent d’émissions), le manque de ressources en eau pour le refroidissement (40 % de l’eau douce consommée en France est utilisée pour refroidir les réacteurs ; rappelons que l’énergie dispersée dans l’environnement par ce refroidissement représente 900 milliards de kWh/an, soit bien plus que la quantité d’énergie nécessaire au chauffage de tous les bâtiments du pays…), le coût astronomique et non provisionné du démantèlement…N’est-ce pas un signe frappant que la France n’ait vendu que 9 réacteurs en 50 ans ?
Un scénario alternatif existe. Outre les arguments financiers, les raisons techniques au maintien du nucléaire s’évaporent. Le rapport du GIEC du 9 mai dernier estime que les énergies renouvelables – biomasse, solaire, géothermie, hydraulique, énergies marines, éolien – pourront couvrir jusqu’à 77 % des besoins énergétiques mondiaux à l’horizon 2050, pour des coûts de développement inférieurs à 1 % du PIB mondial. A l’échelle locale, les études de l’Agence Locale Energie-Climat Bordeaux-Gironde montrent qu’une planification du facteur 4 du territoire ainsi que nos gisements locaux rendent accessibles de tels résultats. Si l’on travaille simultanément sur la demande et la production d’énergie, en combinant les différents types d’énergies renouvelables et les « smart grids » (les réseaux informatiques intelligents pour la régulation des consommations : faire en sorte que, par exemple, les appareils ménagers ne démarrent pas en même temps), la transition énergétique se met en marche, tel qu’en Allemagne ou en Autriche, où des territoires fonctionnent déjà en étant approvisionnées à 100 % par des énergies renouvelables produites localement.
Au-delà d’une transition vers l’indépendance, c’est le déploiement d’un secteur industriel créateur de milliers d’emplois (déjà 400 000 en Allemagne ; projection de 680 000 créations nettes en France à 2020 selon l’institut Négawatt). A un an des présidentielles, le jeu est ouvert : aux décideurs de s’affranchir du poids des lobbies, aux élus locaux d’engager une décentralisation énergétique et aux citoyens d’être les acteurs, ici et maintenant, de ce virage !
Peggy Kançal, conseillère régionale EELV, et Claudio Rumolino, énergéticien membres fondateurs de « Virage Energie Aquitaine
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