Il s’affranchit des conclusions des différents rapports, des avertissements de la Cour des comptes, des réserves de l’Autorité environnementale et du Commissariat Général à l’Investissement. À travers cette décision, il contredit ses propres prises de position et cède, couard, à l’approche des élections, aux injonctions et aux menaces d’une poignée de grands élus. Une décision qui suscite une indignation que les citoyens ne tarderont pas à manifester.
Mais reprenons le fil de l’histoire…
Des constats alarmantsDès 2008, la Cour des comptes s’inquiète du « lancement de nombreux projets dont la rentabilité socio-économique est insuffisante » d’autant « que les bilans a posteriori mettent en évidence une rentabilité en général bien plus faible qu’espérée initialement ».
En 2011, Hervé Mariton met en garde l’État sur les « conséquences négatives pour l’équilibre financier du système ferroviaire » des investissements dans de nouvelles LGV.Louis Nègre rapporteur au Sénatappelle à renoncer aux réseaux futurs pour concentrer les efforts sur le réseau existant.
Les assises du ferroviaire de 2011 concluent : « Devant les fortes incertitudes sur la rentabilité des futures LGV de reconnaître la rénovation du réseau comme une priorité absolue » et de « suspendre toute nouvelle opération de développement »
En 2012, la Cour des comptes dénonce des méthodes d’évaluation socio-économique et financière « insuffisamment transparentes » et conseille « une contre-expertise des principaux projets indépendante des maîtres d’ouvrage. »
En 2013, le rapport Auxiette souhaite sortir « de cette logique du toujours plus vite ». Jean-Louis Bianco préconise des « trains circulant à 200 km/h, sur les voies existantes et offrant un niveau de service de très bonne qualité ». Le rapport Mobilité 21 confirme que les LGV sont « des projets extrêmement coûteux et d’une efficacité socio-économique controversée […] une modernisation de l’existant permet souvent d’atteindre une performance quasi équivalente à celle d’une infrastructure nouvelle, pour un coût et une empreinte écologique bien inférieurs.»
Une nouvelle charge de la Cour des comptesFin 2014, la Cour des comptes produit un sulfureux rapport1 s’attaquant à l’argumentation des pro-LGV estimant que « la portée et la pertinence de ces motivations se révèlent souvent contestables, sinon inexactes.». Elle conclut :« Les effets paraissent donc incertains et ne suffisent pas par eux-mêmes à justifier le niveau des investissements nécessaires à la construction de LGV. »
L’enquête publique s’ouvre malgré les avis de l’Autorité environnementale qui relève notamment « une rentabilité tout juste atteinte pour un projet de 13 milliards » et du Commissariat Général à l’Investissement qui émet des réserves « sur le caractère prioritaire du projet au vu de sa faible valeur actualisée nette (VAN) par euro investi. ».
Peu importe. Fuyons les réalités !
L’avis défavorable de l’enquête publiqueC’est une attaque en règle des « insuffisances et faiblesses » du projet : gain de temps « peu probant », « infrastructure lourde et coûteuse pour un service non garanti », « financement public incertain »,« rentabilité socio-économique insuffisante », « alternatives à la grande vitesse insuffisamment explorées », impacts environnementaux « insuffisamment pris en compte ». Quant au développement économique, il se « concentrera autour des gares des deux métropoles et drainera l’emploi au détriment du développement local ». La réduction des émissions de gaz à effet de serre « demeure faible tant vis-à-vis du coût de l’infrastructure que des objectifs européens de réduction de 75%. ».
Toute l’argumentation des pro-LGV vole en éclat.
Un cinglant démentiLa LGV Paris-Barcelone est « une grande réussite » déclarait François Hollande lors de son inauguration fin 2013. Après quatre ans d’exploitation TP Ferro, le concessionnaire franco-espagnol de Figueras-Perpignan dépose le bilan pour « insuffisance de trafic » Rien n’aura eu prise sur ce gouvernement qui cède au lobbying indécent et aux menaces de quelques « grands élus » et du BTP.
Un gouvernement qui n’en est pas à une contradiction près. N’est-ce pas Manuel Valls qui qualifiait « d’erreur » le « Tout TGV » le 15 juillet dernier ? Il ajoutait : « Le choix des majorités précédentes a été au développement à tout crin de nouvelles lignes. La priorité doit changer. Il s’agit de faire baisser l’âge moyen du réseau, de concentrer les moyens humains et financiers sur les lignes les plus empruntées, sur les transports du quotidien »
On voudrait se moquer des citoyens que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
1 « La grande vitesse ferroviaire, un modèle porté au-delà de sa pertinence »