Tribune Libre – Alexandra Siarri – « Pour des villes plus solidaires, au-delà de la crise, mettons fin à la fracture digitale »


Alexandre Siarri

Tribune Libre – Alexandra Siarri - "Pour des villes plus solidaires, au-delà de la crise, mettons fin à la fracture digitale"

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 12/05/2020 PAR Alexandra Siarri

« Pour des villes plus solidaires, au-delà de la crise, mettons fin à la fracture digitale. Etonnant changement de sens, si rapide. Souvenons-nous : le numérique était en passe de devenir, dans nos esprits, dans tant d’essais, dans les prises de position publiques, un phénomène essentiellement aliénant, synonyme de « virtualisation » des relations sociales, de régression sociétale. Il conviendra assurément de reprendre ce débat et de ne pas baisser notre vigilance citoyenne et politique. Mais les termes du débat ont changé. Les perceptions et les priorités aussi. Le tsunami de la pandémie, le confinement et la suspension des activités économiques et administratives ont révélé plus crûment, et plus cruellement, l’immense inégalité de nos concitoyens face au numérique. Nous avons vu les fragilités qu’un accès limité, qu’une maîtrise trop incertaine des interfaces occasionnent dans ces moments-là, qui amplifient des souffrances déjà existantes. Le confinement a levé le voile. Ce sont bien sûr ces nouveaux regroupements virtuels aux contenus affectifs bien réels, avec la chaleur de la voix et les prouesses d’une vidéo de plus en plus performante, où tout passe : les rires, les hésitations, la tendresse, l’écoute, les conseils, bref, la vie. Un monde de sociabilité en ligne à l’abri des risques, dont un pan entier de notre population a été privé faute d’accès et de maîtrise des outils. Double peine, double isolement, au moment où la sociabilité classique devient impossible.

« Fossé invisible »
C’est aussi l’accès aux produits culturels de tout type via le net, dont le volume prodigieux a même menacé la fluidité des réseaux dans les premiers jours de la pandémie. Là encore, fossé invisible entre les connectés et ceux qui n’en perçoivent qu’un lointain écho. Et que dire alors des effets plus fondamentaux encore : l’accès aux droits, l’accès à l’éducation, l’accès à la santé. L’utilisation des démarches administratives en ligne, souvent cruciales pour les bénéficiaires d’aides, ou tout simplement pour les administrés les moins familiers avec Internet constitue en temps normal un sujet de grande préoccupation. Ceci devient un sujet d’alerte quand les mécanismes de médiation, les aides au remplissage des formalités s’arrêtent brutalement, remplacés par un numéro de téléphone souvent encombré. Et bien sûr, car les handicaps sont toujours cumulatifs, ces mêmes publics sont confrontés à de nouvelles exigences, nées de la crise : imprimer son attestation de sortie pour la remplir, utiliser telle application nationale…

Triple peine
Le constat vaut tout autant pour certaines de nos écoliers, dont au moins 5% ne seraient pas aujourd’hui en mesure de se connecter aux plateformes en ligne qui permettent la continuité de l’expérience scolaire. Difficilement joignables, les élèves déconnectés ne vivent certainement pas les longues semaines du confinement de la même façon que les foyers raccordés à la fibre. Et plus fondamentalement encore : la télé-médecine a franchi, ces deux derniers mois, un palier décisif : pré-diagnostic en visioconférence, échanges via les plateformes en ligne de prise de rendez-vous, prolongement d’une première consultation à distance, pour affiner, atténuer l’inquiétude, prévenir une aggravation : autant de téléservices en pleine croissance, inaccessibles si la connexion ne le permet pas, ou si les interfaces, encore trop obscures pour nombre de nos concitoyens, empêchent de communiquer avec son docteur ou son spécialiste. Et là, c’est une triple peine de la souffrance voire des pathologies de complication qui auraient pu être évitées. Scandale humain de la consultation à laquelle on renonce. Inacceptable. Nous le savions, nous le savons plus encore, et nous sommes tenus de faire que « plus jamais cela » dans le domaine du numérique aussi.

Eteignons-la, cette fracture-source-de-fractures !
Mobilisons opérateurs et bailleurs pour un accès au web à la portée de tous les milieux sociaux. Déployons plus largement dans nos villes, nos départements, nos régions, le wifi à très haut débit qui permettra à chacun de se connecter dans des espaces publics bien repérés, même aux horaires où tous les services sont fermés. Equipons aussi les scolaires pour la longue coupure de l’été Formons nos agents, dans toutes les collectivités, dans les services sociaux, pour que chacun maîtrise assez pour être aidant le moment venu. Installons des opérations en pied d’immeubles, faisons vivre des projets d’art numérique qui dédramatisent le sujet, innovons, sans relâche, avec les animateurs, avec les bénévoles, à tous les niveaux de décision. C’est un combat où nous, élus locaux, n’avons jamais baissé la garde. Mais la pandémie nous montre qu’il est temps de pousser plus fort encore, et de passer un cap, pour faire refluer, et pour éteindre, dans les faits, l’intolérable fracture digitale qui nous barre le chemin. »

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