Pour bien commencer l’année, la part belle est consacrée aux metteurs en scène et auteurs dramatiques de l’humain: Joël Pommerat, Jean-Paul Sartre/ Michel Raskine et Jean-Luc Lagarce/ François Berreur. Et une fin de mois dédiée à la découverte, qui placera sous le feu des projecteurs les écritures régionales émergentes ou en voie d’institutionnalisation. Une bonne occasion de se laisser surprendre (ou non) par des artistes made in Aquitaine.
L’humanité au cœur de la représentation
Invité la saison passée avec son spectacle « Cet enfant », Joël Pommerat avait séduit public et
programmateurs par son théâtre de l’intime, puissant et bouleversant tant par la narration que par les codes scénographiques et esthétiques utilisés. Aujourd’hui réinvité dans un cycle qui lui est consacré (son spectacle « Je tremble » est donné à Gradignan), il présente le dernier opus de sa trilogie sur le pouvoir économique et politique: Les marchands. Un récit du quotidien qui, par le biais d’un personnage féminin central, dénonce , à la fois, avec virulence et poésie toute l’hypocrisie d’un monde marchand où le pouvoir économique règne en maître omnipottent et asservit nos existences. Dans un registre plus personnel, Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, explore le destin croisé de personnes d’une même famille qui se retrouvent après plusieurs années de séparation. Entre non dits et acceptation de l’autre, cette tragédie qui ne dit pas son nom, révèle avec sensibilité le talent incomparable de Jean-Luc Lagarce pour jouer avec les mots et les situations inconfortables. Mise en scène par son compagnon de route François Berreur, cette exploration de l’existence reste l’un des textes les plus forts du poète, trop tôt disparu, et dont on ne cesse de célébrer la prose. De l’individualité à l’altérité il n’y a qu’un pas. Celui accompli par Jean-Paul Sartre dans Huis Clos est sans doute l’un des plus fameux du XXème siècle. À l’affirmation « l’enfer c’est les autres », Michel Raskine, le metteur en scène, répond par un univers clos et décati, au sein duquel les trois personnages mènent un combat contre la représentation insoutenable de leurs propres vices à travers le regard des autres. Une session de rattrapage bienvenue pour ceux qui n’avaient pu assister à sa première édition en 1991 au théâtre de la Salamandre à Lille.
Des contemporains aquitains à découvrir
Conscient du rôle de soutien à la création régionale qui lui incombe, le TnBA organise pour la première année un cycle dédié entièrement aux metteurs en scène aquitains. À cheval entre janvier et février, cinq metteurs en scène régionaux sont invités à présenter leur démarche artistique, pour la plupart en compagnonnage avec un auteur attitré. Renaud Cojo ouvrira le bal, avec un texte de Daniel Keene sur la monstruosité et la norme. Un opéra contemporain version « talk show » dans lequel les phénomènes de foire croisent le rock du groupe bordelais Married Monk, présent en direct sur le plateau. Du Daniel Keene encore, pour le spectacle de Kristian Frédric ; l’histoire de deux frères qui se retrouvent après dix ans d’absence, le tout dans une mise en scène inquiétante où se mêlent théâtre, cinéma, arts plastiques et création sonore. Le spectacle de Gianni-Grégory Fornet (très remarqué l’année passée dans les circuits officiels) proposera une réflexion métaphysique exigeante sur le délitement de l’humanité à travers la mise en parallèle d’une femme claustrée dans son intérieur et la lapidation d’une autre femme. La partie chorégraphiée est signée Régine Chopinot; le texte écrit par Roland Fichet pose la délicate question « n’avions-nous donc quitté l’animalité que pour éprouver notre insupportable supplément de bestialité? »
Enfin, début février, deux spectacles à surveiller de près. Celui de Frédéric Maragnani, qui met en scène le texte « Par les routes » de Noëlle Renaude ; un road movie théâtral décalé et humoristique autour du thème de la perte de la mère. Et Ajour, de Valère Novarina, mis en voix par Christine Dormoy, décidemment très active après la mise en scène de Génitrix à l’Opéra de Bordeaux.
Photos : JP Maurin et Michel Cavalca
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