TnBA: Quand les  » Nouveaux saltimbanques » s’en mêlent


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TnBA: Quand les " Nouveaux saltimbanques" s'en mêlent

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 30/11/2007 PAR Joël AUBERT

D’un côté la jeune et pimpante Jeanne Mordoj, avec son éloge à la pilosité plus que loufoque et, de l’autre, un Bonaventure Gacon de la même génération, qui nous présente un Boudu terriblement attachant et intelligent.

Lorsque le poil interroge nos représentations

Avec un titre aussi évocateur « Eloge du poil », Jeanne Mordoj ne pouvait que susciter interrogation et convoitise. Lorsqu’on découvre qui plus est, qu’il est question d’une femme à barbe qui revendique sa part de féminité et assume sa pilosité, le pari semble presque gagné. Reste alors à s’installer dans son petit théâtre forain et à découvrir les premiers pas de cette danseuse voilée, quelque peu disgrâcieuse, pour comprendre que l’on va passer un drôle de quart d’heure. Barbue, certes elle l’est ! Mais elle ne saurait être réduite à ce simple atour. Jeanne Mordoj est amusante, expressive, décalée, complètement loufoque. Elle jongle avec des jaunes d’œufs (numéro incroyable, à voir de ses propres yeux) et parle à des crânes d’animaux morts, à qui elle redonne vie par la ventriloquie.La femme à barbe - Jeanne Mordoj
Ancienne icône des théâtres de foire et autres cabinets de curiosités en tout genre, là voilà reconvertie en grande prêtresse de la pilosité, vivant dans un lieu où les femmes sont piquantes et fières de l’être. Alors elle assume, exhibe, exagère un poil. Parfois sensuelle et agile, elle se fait androgyne et pataude à d’autres moments, évoquant la dualité inhérente à son étrangeté. Le beau et le laid…Aussi transgenre que son spectacle (situé entre le cirque et le théâtre), elle semble nous indiquer sur scène, qu’il existe un espace poétique, dans lequel les normes s’inversent pour laisser une entière place à la monstruosité décriée par notre société. Seulement voilà, tout n’est pas si simple. Car derrière les apparences, résident toujours les réalités. Adoratrice des miasmes et de la charogne pourrissante, elle n’en est pas moins seule, entourée de cadavres. L’abandon de soi et « le pourrissement pour mieux vivre » ont un prix et elle ne parviendra pas à le cacher plus longtemps. Faire semblant et s’enfouir pour ne pas y penser, cela ne ressemblerait-il pas à de la résilience plus qu’à du militantisme ? Mais alors dans ce cas, quelle leçon en tirer ?

Un monologue clownesque d’utilité publique


Dans un autre registre, mais également seul sur scène, Bonaventure Gacon campe un auguste cruel et attachant, personnage lunaire à mi-chemin entre le clown et le clochard. Du clown, il lui attribue le nez rouge et les yeux outrageusement peints en blancs comme le veut la coutume. Un côté bourru et maladroit aussi, un brin aventureux mais pas trop ! Du clochard, on reconnaît l’amoncellement de vêtements loqueteux, la bouteille de vin qu’il sirote et la vie décousue d’un être depuis longtemps à la rue. Lorsqu’on lui pose la question, Bonaventure Gacon prèfere répondre qu’il représente avant tout de l’humain. Ce spectacle, il le joue depuis six ans et c’est à chaque fois le même engouement. Une trouvaille ce Bonaventure ! Un artiste capable de créer un très juste mélange entre rire et empathie, propre à exposer sans « mélodramatiser », toute la solitude et la détresse d’un homme cerné par sa folie et de douloureux moments de lucidité. Car si le Boudu est très méchant, colérique, enclin aux plus bas instincts, il est également un poète du quotidien qui n’a d’autre moyen de survivre que de se réfugier dans cette médiocrité. Et ça le « fout dans un sale état » quand il se rend compte de tout cela. Alors il vivote, s’invente des passions pour des poêles, développe des tics qui le rassurent, bougonne, mange des petites filles, se lance des défis qui font mal. Il est un peu cinglé mais on le comprend. Et puis il nous fait rire, dans un humour noir bien sûr, mais pourquoi se priver puisque ses cabrioles et autres facéties sont là pour ça. Le texte est à l’image de l’interprétation : juste, émouvant, amusant et sensible. Comme une seconde peau dans laquelle il se serait glissé juste avant d’entrer en scène, Bonaventure Gacon nous offre avec ce personnage qu’il maitrise, de bout en bout, un moment rare au théâtre. Constamment sur le fil, il excelle sans jamais déraper, et nous interpelle sur l’envers du décor et la réalité du dehors. Plus sociétal qu’intégralement clownesque, Par le Boudu replace les exclus au centre de la représentation et nous rappelle avec tendresse et finesse, qu’il est des personnes qu’on ne devrait pas oublier.

Photos : Denis Grégoire et Camille Sauvage

Hélène Fiszpan


Eloge du Poil / Jeanne Mordoj/ au TnBA les 27 et 28 novembre
Par le Boudu / Bonaventure Gacon / au TnBA les 27 et 28 novembre

A suivre dans le cadre des Nouveaux Saltimbanques
Parfums d’Est / Cirque Rasposo / au TnBA du 28/12 au 01/12
L’Oratorio d’Aurélia / Aurélia Thierrée-Chaplin / au TnBA du 29/11 au 01/12
Tiger Lillies / au TnBA le 30/11
Exutoire / Angela Laurier / au TnBA le 01/12

Renseignements et locations :
Par téléphone au 05 56 33 36 80 / Par courriel billetterie@tnba.org / en ligne www.tnba.org



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