La salle Quintaou d’Anglet était comble — près de 800 personnes — pour ce débat des Régionales sur la Nouvelle Aquitaine, entre cinq des dix candidats pour les échéances des 6 et 13 décembre. De nombreux maires étaient présents, mais aussi le député européen et ancien maire d’Anglet, Alain Lamasoure. Avec un casting de choc : de gauche à droite, du moins sur scène, la challenger Virginie Calmels, tête de liste de la Droite réunissant, Les Républicains, centristes du Modem et de l’UDI, du moins d’un représentant choisi par les États majors. À propos du président de l’ACBA et maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, présent dans la salle et dans la dissidence, elle lança un peu cinglante : « J’ai pas à me prononcer sur les problèmes de l’UDI ; quant aux propos du maire de Bayonne, ils n’engagent que lui » ; Jean Colombier, Le Front national girondin « ravi d’être pour la première fois depuis 40 ans, convié à un débat pour donner son avis sur ce mastodonte des eurorégions » ; Françoise Coutant (Europe Écologie les Verts), la représentante du Poitou Charente, qui glissa en douce à Alain Rousset qui déployait son arsenal des industries aux énergies renouvelables dans sa Région : « Sur ce sujet, le Poitou — Charente n’a pas de leçons à recevoir de l’Aquitaine » ; Olivier Dartigolles, Parti communiste qui d’une certaine manière séduisit l’assistance avec son humour décapant et balança quelques phrases du style : « Le gouvernement a donné naissance à un monstre de région et ils ont du mal à la nommer. » « Quand Juppé dit que la région bordelaise doit être le vaisseau amiral, cela veut dire que les autres sont des sous-régions ». « Un jour, je suis allé en Poitou-Charentes. Une dame m’a dit vous avez un accent du sud. Ben oui, je suis Béarnais. Ce simple exemple démontre la complexité de cette nouvelle région. »
Enfin la tâche n’était pas aisée pour le président sortant Alain Rousset qui se déploie tout azimut ces temps-ci et qui, malgré des sondages favorables semblait être un peu fatigué et seul contre tous. Olivier Da rtigoles reconnut toutefois qu’« il n’y avait pas que du mauvais dans ce qu’il avait fait. » Président qui rappela que « cette grande région aussi étendue que l’Autriche était au départ une idée de Jean-Pierre Raffarin et d’Edouard Balladur, qui sera fer de lance de l’agriculture, de la Fôret et de l’industrie aéronautique ». Mais l’essentiel en ce Pays basque profond, que le transfrontalier aidant Alain Rousset veut transformer en « Académie du savoir-faire » se trouvait dans deux thèmes : le projet d’établissement de coopération intercommunale (EPCI) intéressant le territoire basque et évidemment la LGV. Les antis qui s’attachent aux basques d’Alain Rousset dès qu’il franchit la commune de Bidache ou arrive en provenance de Soule, n’ont évidemment pas manqué, bruyamment, le rendez-vous de mercredi soir renforcés par des syndicalistes CGT de la SNCF.
Quels territoires et intercommunalités pour demain ? Oivier Dartigolles (PCF). — On est choqué par la méthode. Le préfet ne propose qu’un choix de 158 communes qui ne seront pas toutes représentées par la gouvernance. C’est une perte d’autonomie pour les plus petites communes, les plus petits villages. Je vois que l’on joue sur la question identitaire. Certes, il y a cette demande d’EPCI, mais nous demandons que d’autres options soient travaillées, que d’autres équilibres soient trouvés. La porte d’entrée, ce sont les besoins sociaux. Il faut réfléchir aux bassins de vie. Je pense que le maire de Tarnos peut être aussi intéressé, pourquoi ne regarderait-on pas du côté du Seignanx ? Il faut plusieurs options, sinon c’est le passage en force. Les syndicats intercommunaux offrent des services de qualité au public et ils sont menacés.
Virginie Calmels (Les Républicains). — Je suis plutôt d’accord avec Monsieur Dartigolles, il faut remettre de la démocratie et du débat. Au Pays basque, je sais combien à quel point les cultures et les identités doivent être préservées. Au sein de ma propre liste, il y a des pour et des contre. Localement un vrai débat démocratique doit s’installer. Ce sont les gens du territoire qui savent le mieux ce qui est bon pour eux. Je souhaite clairement que les centres de décision ne soient pas à Bordeaux. Il existe des pouvoirs de décision à Poitiers. Le Pays basque pourrait en être un pour les langues régionales. Si nous voulons que cette région vive au XXI siècle, il faut travailler en réseau, à distance et mailler le territoire. »
Jacques Colombier (Front national). — L’EPCI ? Non et non ! C’est une proposition de l’État sans concertation. Et pour le Béarn ? On ne fait rien ? 158 communes, cela participera à supprimer les petites communes au profit de grosses agglomérations. Au déplacement du Pays basque rural vers la Côte et une strate supplémentaire dont le coût va revenir encore aux contribuables. Je propose que l’on fasse des économies en diminuant nos indemnités de 10 % et en ne mettant pas un euro pour les vagues migratoires. Notre devoir est de « occuper d’abord des Frnçis qui souffrent.
Françoise Coutant (EELV). — « Notre projet écologiste, c’est d’abord une méthode participative. Nous souhaitons travailler avec tout le monde pour construire les politiques régionales et les mettre en œuvre ensemble. Ce n’est pas moi depuis Angoulême qui vais m’immiscer dans ces questions spécifiquement basques. Mais si les territoires en ont envie, ces projets d’EPCI me semblent pertinents. Il y a intérêt général et celui des territoires. On me parle d’explosion des coûts, mais je n’en suis pas sûre. Il devrait y avoir moins d’élus, 232, et on parle d’une économie de 800 000 euros d’indemnités. Le potentiel pour travailler et donner une puissance économique ou agricole me paraît existant.
Alain Rousset (PS). — L’Aquitaine est passée d’une économie de rente et de cueillette à une économie d’innovation. L’EPCI, ça me séduit. L’avenir est à la coopération entre la Grande Région et ses interlocuteurs qui seront capables de porter des dossiers plus puissants. Qund on est ensemble on est plus. Avec 80 syndicats mixtes, on n’en sort plus.
Ne nous cachons pas derrière la question du débat qui dure depuis des dizaines et des dizaines d’années ici. Il fallait trouver une modalité juridique. Un département Pays basque avait été évoqué, mais il allait complexifier les choses. Cette fois ce n’est pas le cas. Cette intercommunalité ne fera rien perdre à la Soule, à Biarritz ou au piment d’Espelette. Aujourd’hui on a une identité qui négocie un contrat. Ce sont des engagements sur mesure. L’Eurorégion créée avec le Pays basque espagnol incarne aussi une belle idée qui gère les crédits européens pour le transfrontalier. Si bien que d’ici quatre ans, un train direct mettra moins d’une heure pour relier Bayonne à Saint-Sébastien.
LGV : D’“Améliorons l’existant” à “l’investissement pour un siècle” Alain Rousset. — La Région a investi 2,2 milliards d’euros dans le ferroviaire ; en 2016, la Région a permis de rétablir ligne Bayonne-Saint-Jean-Pied de-Port….Mais il faut que la SNCF se réforme, il n’est pas normal que 25 trains par jour soient supprimés ou qu’il y ait de retards. Il y parfois un bras de fer entre nous. On est en bagarre avec la SNCF parce qu’elle ne fait pas bien son boulot. La LGV ? Il y a 9 000 camions et on élargit les voies sur l’autoroute, l’arrivée de la LGV permettra de passer de 9 à 18 millions de passagers et tripler le nombre de voyageurs à Bayonne par le moyen de transport le plus sûr.
L’État entre 2020 et 2030 aura un budget de 4000 milliards. OK ? Si on n’a pas 8 milliards pour une priorité alors il faudra qu’on me l’explique. C’est un investissement public pour cent ans. C’est de l’intérêt général.
Jacques Colombier. — Pour ce qui concerne les transports de proximité il faut élaborer un plan régional et la création d’une police régionale des transports et choisir une entreprise française, Alstom et non canadienne (Colombier) pour renouveler le parc des trains. Par ailleurs, je tiens à dire mon opposition à la ligne LGV Bordeaux-Dax. C’est une saignée dans les vignobles et dans la nature. Et deuxièmement, il existe des lignes. Ces lignes évidemment, il faut les moderniser fortement.
Françoise Coutant. — En tant que vice-présidente de la Région Poitou Charente, je tiens d’abord à dire que chez nous les trains ont beaucoup moins de retard qu’en Aquitaine. Il faudra à partir du mois de janvier établir un maillage que nous devons accomplir dans le cadre de cette nouvelle grande Région et nous devons travailler avec la SNCF. Il existe un bras de fer avec la SNCF, mais il faut travailler ensemble. Sur cette ligne Bordeaux-Bayonne, on a la possibilité d’arriver à la grande vitesse. La grande vitesse c’est 220-250 km/h. Ces lignes-là on peut les moderniser en faisant un certain nombre de travaux d’infrastructure qui nous coûteront nettement moins cher. Arrêtons les frais, Il est hors de question que le Conseil régional finance la LGV.
Olivier Dartigoles. — On assiste à un dépeçage du ferroviaire en France, notamment avec l’arrivée des autobus Macron. J’aimerais que la SNCF revienne à son métier d’origine, le rail et non les autocars. Je choisis la rénovation des trains du quotidien à la LGV. Pour moi un kilomètre de LGV c’est 30 crèches de 50 places, c’est un lycée de 850 places avec l’ensemble des ordinateurs, des salles de cours ; c’est trois maisons de 85 lits et je m’en arrêterai la ligne fantome Pau-Canfranc.
Virginie Calmels. — Il nous faut aujourd’hui un vrai plan d’urgence pour les infrastructures routières et du rail. J’en appelle à une négociation avec la SNCF. Le fait que la Région mette 0 euro sur les routes est un sujet. Sur le rail il faut améliorer la ponctualité, comme sur la ligne Bayonne-Pau-Tarbes. Si je suis présidente du futur Conseil régional, j’arrêterai la ligne fantôme Oloron-Canfranc à Bedous. Je suis ouverte à l’expérimentation de la concurrence des TER à la fin des conventions pour favoriser l’intermodalité. La LGV ? Si je regrette que l’on ait rayé d’un coup de crayon les conclusions de l’enquête publique, je pose la question : aujourd’hui qui peut financer ? nous avons 2000 milliards de dettes dans ce pays, la SNCF a 37 milliards de dettes et elle perd 3 milliards d’euross par an!