À Bordeaux, Florian et Cazenave défendent « un rassemblement qui tombait sous le sens »


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 03/06/2020 PAR Romain Béteille

Après l’annonce de l’union ce lundi soir, il était temps pour le maire de Bordeaux, Nicolas Florian, et le candidat LREM Thomas Cazenave, d’en formaliser davantage les raisons. L’exercice s’est déroulé ce mercredi 3 juin, dans un bar à deux pas de la mairie. Les deux candidats, qui étaient arrivés respectivement en première (34,56%) et troisième (12,69%) position au premier tour, le 15 mars dernier, y ont défendu un rassemblement « qui tombait sous le sens. Il nous paraissait naturel d’aller vers une union. Sur le fond, nous avions des points communs. Nous n’avons pas identifié de points durs », a affirmé le maire de Bordeaux. « Quand vous superposez les programmes, il y a quand même un tronc commun de 80% des idées. C’est vrai un peu partout : tout le monde, par exemple, veut porter la transition écologique. On a en tête le cadre de l’urgence dans les six mois qui viennent et de façon plus structurelle, la transformation et la reconstruction de notre ville ».

Contexte et finances

Dans l’entourage proche des deux candidats, on précise qu’un programme et des propositions communes devraient être au cœur d’une campagne en très grande partie dématérialisée. « Je considère que faire de la politique autrement, c’est dépasser des étiquettes. On s’est mis d’accord sur le projet, pour moi rien n’est plus essentiel que ça. On a des divergences, on a une identité politique différente mais on peut se dépasser », a pour sa part ajouté le candidat En Marche, se défendant d’avoir opéré un transfert pour occuper un poste clé, à la mairie comme à la métropole. « Je n’ai pas fait ça parce que j’étais à la recherche d’un poste, je me suis investi avec tout un collectif parce qu’on a une vision sur la ville et qu’on a l’opportunité de la mettre en œuvre ». Cette « vision » comprend notamment un redécoupage de la ville, davantage organisée autour des quartiers, que Thomas Cazenave a défendu pendant sa campagne avec le collectif Renouveau Bordeaux.

Surtout, défendent-ils, c’est avant tout au contexte de la crise sanitaire et économique que le « projet » commun tel qu’il est cité à de multiples reprises, se serait adapté. La polarité économique de Thomas Cazenave ne devrait pas être altérée. En revanche, son ambitieux plan autour du logement (300 millions d’euros) pourrait bien être revu à la baisse, même s’il faudra attendre les propositions détaillées pour en être sûrs. Certains projets, à l’image de la Rue Bordelaise, opération d’aménagement chiffrée à 450 millions d’euros, dont Nicolas Florian était le dernier défenseur, devraient aussi changer de forme.  » On va le revoir totalement. On ne peut pas expliquer qu’on veut favoriser la concertation et l’implication des citoyens et décider ensuite d’un trait de plume de ce qu’on fait ou non. On est d’accord pour reprendre le dossier, en respectant l’aménageur (Euratlantique) », a confirmé ce mercredi Nicolas Florian. Adieu aussi le projet de piscine sur les quais, auquel on préfèrera visiblement la végétalisation du quartier Mériadeck, avec notamment la création d’un parc.

Dans cette « alliance pour Bordeaux », le contexte économique incertain a largement été évoqué par les deux candidats. « L’épreuve que nous traversons à des conséquences sur les finances. L’un des premiers travaux que l’on a déjà entrepris dans la mandature actuelle, c’est d’identifier les impacts financiers sur nos recettes et nos dépenses. Sitôt l’élection passée, il faudra voir la priorisation que l’on donne sur les grandes politiques d’aménagement et remettre en perspectives certains grands projets comme le réaménagement des boulevards ou les extensions des transports en commun. Il nous faudra faire des choix en évitant cette politique du guichet entre les 28 maires ».

« Logique de sacrifice »

Parmi les conséquences de cette négociation qui s’est accélérée ces derniers jours pour aboutir à une liste commune, il y a aussi une « logique de sacrifice », qui selon Nicolas Florian, est propre au second tour et divergente des « choix du cœur » du premier. Ainsi, si le détail de la liste est arrivé ce mercredi soir (elle est composée de 65 noms) on sait aussi que quelques figures du conseil municipal de Bordeaux et de la liste de Nicolas Florian ont dû laisser la place. Yohan David (adjoint à l’emploi), Laurence Dessertine (maire adjointe du quartier de Bordeaux Centre), Arielle Piazza (adjointe aux sports), Jean-Michel Gauté (adjoint à la commande publique, aux affaires juridiques et aux ressources humaines), Brigitte Collet (adjointe à la petite enfance et à la famille, qui avait rejoint En Marche en 2017) ou encore le député LREM du Médoc Benoît Simian, qui avait fait quelques remous en rejoignant la liste de Nicolas Florian.

Au total, ce sont 13 noms en position éligibles qui ont ainsi été remplacés par des marcheurs . Julia Mouzon, coordinatrice de campagne, reste numéro 2, Thomas Cazenave est troisième (chargé de la proximité), suivent Alexandra Siarri et Fabien Robert. Certains de ces élus évincés ont réagi sur les réseaux sociaux. Benoît Simian, lui, s’est dit « heureux que mon retrait ait permis l’union ». Brigitte Collet, elle, avoue que son retrait « n’est pas du tout volontaire mais s’il peut contribuer à faire gagner mon (ancienne) équipe, alors je l’accepterai ». Yohan David est « extrêmement triste mais heureux du parcours et des actions faites » et Laurence Dessertine a « une pensée pour tous les habitants du quartier centre qui pendant douze ans ont été ma préoccupation quotidienne ». Du côté de Thomas Cazenave, on pourra notamment compter sur la présence de la députée Catherine Fabre ou encore du référent départemental Aziz Skalli.

Derrière ces cartes rebattues et ce nouveau projet municipal se dessine également, en filigrane, l’avenir de la métropole de Bordeaux. Là-dessus, beaucoup d’inconnues et des doutes sur la présidence qui n’ont pas vraiment été levées ce mercredi. « On ne peut pas se projeter dans les six prochaines années avec un système de cogestion et de donnant-donnant, il faut qu’on se soit mis d’accord avec le conseil de métropole sur ce qu’il va faire », a tout de même précisé Thomas Cazenave, qui avait à plusieurs reprises durant la campagne avoué son hostilité à la cogestion métropolitaine des 28 maires, que le maire de Bordeaux souhaite placer sous le signe de la « coopération territoriale. On doit œuvrer pour que la loi MAPTAM, qui prévoyait dans son article 54 que le suffrage universel direct s’applique pour la métropole. Ça aurait dû être le cas en 2020. Mais sur l’urgence du moment, je veux être 100% bordelais. Si Thomas Cazenave est d’accord, je siègerai à la métropole pour apporter mon concours mais je veux me concentrer sur ce qui se passe sur Bordeaux, on en a besoin ».

Présidence et ingérence 

La présidence de la métropole n’a pour l’instant pas forcément d’élu désigné, d’autant qu’à priori l’actuel président Patrick Bobet, récemment réélu maire au Bouscat, a dit ne pas vouloir réendosser le costume et que le candidat En Marche, qui a émis le souhait d’une « métropole forte », a su négocier un poste d’adjoint à la mairie et de vice-présidence à la métropole, au sein de laquelle son souhait d’un groupe « autonome » pourrait occuper huit postes en cas de victoire. À la mairie, aussi, En Marche constituerait un groupe politique propre, ce qui pose la question de sa place réelle sur le thermomètre politique. Mais Nicolas Florian l’assure, « il y aura une seule majorité municipale composée de sensibilités différentes, même si ce sera un peu plus organisé. Dès lors qu’on s’est mis d’accord sur le fond, il n’y a pas de raison qu’on ne le soit pas sur la mise en œuvre ». Pas de « casting avant les élections », donc, mais des interrogations quand on connaît le poids de la métropole dans la prise de décision et les moyens financiers qui lui sont alloués.

Avec quelques cartes encore retenues dans leurs manches, Nicolas Florian et Thomas Cazenave se sont, enfin, défendus de toute « ingérence venue d’en haut » dans le choix de ce mariage rapide, démentant ainsi les déclaration d’un proche d’Édouard Philippe à l’AFP, assurant qu’il avait bien œuvré à ce rapprochement. « On s’est d’abord parlés nous-mêmes. On n’a pas besoin d’aller dans le bureau d’un tiers ou d’aller chercher le haut-patronage de tel ou tel grand élu. Nos personnalités font qu’on est propriétaires de nos convictions et pas sous tutelle. J’ai tenu au courant Alain Juppé et j’étais heureux d’informer le Premier ministre de la situation bordelaise. En aucun cas on a eu à demander l’intervention d’un tiers, aussi prestigieux soit-il, pour sceller cette phase d’union », a assuré le maire de Bordeaux, qui devrait tout de même bénéficier d’un interlocuteur privilégié auprès du gouvernement et d’Emmanuel Macron notamment, par exemple, sur des dossiers comme la récupération de la gestion de la rocade.

Reste que pour l’opposition, incarnée notamment par Pierre Hurmic, « ce retournement ne bouleversera pas un scrutin qui a déjà traduit une soif de changement, y compris pour plus d’éthique en politique. Les accords politiques du vieux monde sont des caricatures qui traduisent la fébrilité de l’équipe sortante et l’opportunisme de ceux qui ont échoué à convaincre les Bordelaises et les Bordelais au premier tour ». Ce sera, comme toujours, à eux de trancher le 28 juin prochain.

L’info en plus pour un point de vue extérieur à cette alliance et ses conséquences, vous pouvez retrouver notre interview du politologue à Sciences Po Bordeaux, Ludovic Renard à cette adresse.

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