Le dispositif JPPJV financé par le Conseil régional à hauteur de 55 000 €, ainsi que par le Rectorat et l’Acsé pour 10 000€, permet la mise en place d’une préparation au concours d’entrée de Sciences Po Bordeaux dans 24 lycées ciblés d’Aquitaine. « Ciblés » car désavantagés d’un point de vue social et/ou géographique, explique Vincent Le Quéré, chargé de mission au Conseil régional, et membre du convoi JPPJV. Assurée par des professeurs des lycées à destination des élèves de 1ère et terminale volontaires, cette formation se déroule le plus souvent le mercredi après-midi, et prépare aux 3 épreuves du concours: composition sur un thème d’actualité, histoire-géographie et langue. Autre point fort du dispositif: les lycéens qui en bénéficient paieront 20€ les frais d’inscription à l’examen d’entrée au lieu de 105€… Un dispositif reconnu au niveau national et labellisé au titre des «Cordées de la Réussite» par le Ministère de l’Enseignement Supérieur.
« Pas l’idée de tenter Sciences Po »Pour Eléonore, en 1ère année Sciences Po, ancienne élève de Laure-Gatet à Périgueux, embarquée dans l’aventure de la camionnette bleue: «C’est sûr et certain, si je n’avais pas suivi la préparation JPPJV, je ne serais pas à Sciences po. Je n’aurais même pas envisagé de passer le concours». Landdry, compagnon de route, étudiant en 4ème année venu quant à lui du lycée Gaston-Fébus d’Orthez, est moins catégorique. JPPJV ou pas, il aurait tenté l’école, mais il partage le point de vue d’Eléonore: «bénéficier de la préparation, c’est un plus par rapport aux autres candidats au concours». Une opportunité dont ils ont pu profiter et qu’ils ont à cœur de faire connaître et de partager auprès d’élèves qui, à quelques années près, auraient pu être leurs camarades de classe.
Des élèves de terminale, première et seconde dans des lycées souvent éloignés de Bordeaux, et dont spontanément peu d’entre eux auraient eu la prétention, ou simplement «l’idée de tenter Sciences Po». L’image à tout le moins sélective et, avouons-le «fils à papa», qui colle à la peau de la grande école n’y est sans doute pas étrangère. Vu de Nontron, de Fumel ou d’Oloron-Sainte-Marie, on ne se sent a priori pas vraiment concerné par les grands airs de l’école bordelaise.
Le refrain, indispensable, sur l’égalité des chancesUne image qui déplaît aux membres du convoi «JPPJV». Sélective, oui mais discriminante non. C’est pour ça d’ailleurs qu’a été créé ce programme JPPJV: «Science Po est une école publique, et à ce titre nous tenons à ce que son accès puisse être ouvert à tous, quelles que soient les origines sociales ou géographiques des candidats.» Pour autant «pas question de mettre en place des quotas à l’entrée ou un deuxième concours», explique Jean Petaux, enseignant et chargé de la communication à Sciences Po Bordeaux, par ailleurs créateur du dispositif JPPJV.
Et ce refrain, indispensable, sur l’égalité des chances, l’enseignant le reprend dans chacun des lycées visités. Quand ce n’est pas lui, c’est un des élus du Conseil régional, venu rejoindre l’équipe du marathon sur l’une ou l’autre de ses étapes, qui le souligne. Une manière de mettre à l’aise les élèves, «vous aussi science po, vous y avez droit. Le tout, c’est de tenter le concours». C’est d’ailleurs tout l’objet de cette tournée: rassurer et informer les élèves pour les inciter à passer l’examen d’entrée. Ce que s’obstinent aussi à faire avec conviction Eléonore et Landdry devant chaque groupe rencontré au fil de ces deux jours. Et qu’ils aient face à eux 5, 20 ou 50 élèves, ils ne s’économisent pas sur les conseils.
« Oubliez le blanco, et pensez au sandwich »A Saint-André-de-Cubzac, Nontron, Périgueux, Saint-Vincent-de-Tyrosse, Saint-Jean-Pied-de-Port et Orthez, ils répondent ou anticipent les questions qui inquiètent les futurs candidats au concours: épreuves, méthodes de travail, niveau d’anglais, gestion du temps, mais aussi fonctionnement de l’IEP, orientations professionnelles… Les deux étudiants partagent leurs expériences, et leurs «trucs et astuces» pour se préparer au mieux le jour J. «Rendez-une copie propre et aérée, relisez-vous au fur et à mesure, écrivez à la plume, oubliez le blanco et chassez les fautes d’orthographe… Ce sont des choses toutes bêtes mais qui font la différence» insiste Eléonore. Derrière elle, le hochement de tête régulier et convaincu du correcteur de copie Jean Petaux, vient appuyer son discours.
Landdry se colle quant à lui au pratico-pratique: «Arrivez la veille si possible, amener un sandwich, pour ne pas avoir à faire la queue dans les cafétérias bondées du domaine universitaire. Si la foule des candidats vous impressionne, placez-vous au premier rang des amphis pour passer les épreuves,…». Et Eléonore de conclure, «et puis surtout, rappelez vous que malgré les grands airs que certains peuvent se donner, ils sont des lycéens comme les autres, comme vous!». Le message passe, et bien souvent la discussion s’installe entre étudiants et élèves.
« Un lauréat JPPJV sur deux est boursier »Mais les élèves qui assistent à ces rencontres, sont tout aussi attentifs aux propos de Jean Petaux qui explique, statistiques à l’appui, qu’en suivant le dispositif JPPJV, ils ont «deux fois plus de chance de réussir que les autres candidats. En moyenne, le taux de réussite au concours des bacheliers est d’environ 6 %. Pour les candidats JPPJV, on est à plus ou moins 11%». Un argument qui fait mouche auprès des élèves mais aussi des proviseurs et enseignants, très impliqués dans la démarche.
Un succès reconnu, appuyé par un bilan social dont l’équipe est plutôt fière. «Près d’un lauréat JPPJV sur deux est boursier, alors qu’au global la proportion de boursiers à Sciences Po Bordeaux est de 28%», explique Ibrahim N’Diaye, chargé de mission JPPJV à l’IEP de Bordeaux. De quoi provoquer l’enthousiasme au sein des équipes pédagogiques. «Nous avons sans cesse de nouvelles demandes de lycées pour entrer dans le programme» confirme Vincent Le Quéré. Le dernier lycée admis, c’est Philippe-Cousteau à Saint-André-de-Cubzac, le premier visité lors du marathon. Avant cette année, «les élèves interessés allaient jusqu’à Blaye pour suivre la préparation», explique Mme Colin, la proviseure.
« Une vie à côté de Sciences Po »Ces rencontres organisées au sein des lycées sont aussi l’occasion pour le Secrétaire général de Sciences Po, Didier Chabault, de revenir sur les travaux en cours à l’IEP et d’annoncer de bonnes nouvelles pour les années à venir: «L’école double sa superficie. Or, qui dit plus de places, dit plus d’étudiants, et donc une sélectivité moins forte à l’entrée. Dès 2015, le nombre de places sur la liste principale sera doublée pour le concours Bac + 0». Et pour cause, le niveau bac +1 n’existera plus. Une information qui séduit et motive particulièrement les élèves de première, futurs candidats du concours 2015… mais qui effraie un peu les bacheliers 2014. Et pour cause, s’ils ratent leur entrée au printemps, il devront attendre de valider un bac+2, pour pouvoir retenter le concours…
Cela dit, si tel était le cas, «il y a une vie à côté de Science Po» dédramatise Jean Petaux. «La préparation reçue ne sera jamais inutile pour présenter d’autres concours ou, dans un premier temps, améliorer vos résultats au baccalauréat».
Le prochain rendez-vous JPPJV est au mois de mars. Cette fois ce sont les lycéens qui seront accueillis à Sciences Po Bordeaux, et le déplacement est pris en charge par la Région. Ils découvriront l’école, les lieux où se déroulera le concours et rencontreront les enseignants de Sciences Po, correcteurs du concours d’entrée… Là encore, un certain nombre de clés pour réussir leur seront délivrées.