C’est le champion toute catégorie de la race bovine limousine, un élevage primé depuis plus de 65 ans avec 41 prix de Championnat au Salon de l’Agriculture de Paris pour ses taureaux, génisses et vaches suitées. Cette année, Alain Pimpin sera à nouveau sur le Grand Ring, jeudi à 9 h, avec Jersey 5 ans 1,5 tonne le tenant du titre, Maréchal un taureau de 2 ans sélectionné pour la première fois sur un concours de même qu’Olympe, une génisse pleine de deux ans. L’an dernier, l’éleveur avait été ému jusqu’aux larmes en brandissant le trophée remporté par Jersey car il n’avait pas pu venir en 2018 au Salon, ni l’année précédente car il était juge. « J’étais hospitalisé mais l’élevage avait fait trois fois deuxième et nous n’étions pas présent en 2017 » se souvient-il. Il montera à Paris dès mardi, avec l’espoir, de rapporter une fois de plus quelques trophées. Quarante limousines seront en lice dans sept catégories, la pression sera à nouveau sur les épaules de l’éleveur avec quatre autres concurrents pour le titre. « Ce sera le dernier concours de Jersey, il prendra sa retraite au pré après le Salon annonce-t-il, il a fait 3ème aux concours de Cournon et Périgueux, il est très bien mais cette année, le concours est ouvert, je pense que Jersey domine largement mais il y a plusieurs taureaux qui peuvent prétendre au titre. On sait qu’on est champion quand le juge a signé la plaquette de concours, pas avant. » Maréchal, 1,4 tonne, affrontera six taureaux pour sa première sélection. « Il est très bon, il faudra voir dans le ring… » Enfin, sa génisse Olympe de 900 kg sera en concurrence avec cinq autres limousines. « Il y en a une qui est très bonne dans la section admet-il, Olympe fera peut-être deuxième. »
Une sélection drastique et des lignées de champions
Pour atteindre un tel niveau, les efforts sont constants pour Alain Pimpin, son frère Didier et ses trois filles Christelle, Fabienne et Maïté qui ont rejoints le GAEC après leur BTA au lycée agricole des Vaseix. Les cinq associés exploitent 300 ha et élèvent 210 limousines, 500 veaux et génisses, tous leurs animaux sont inscrits au Herd Book Limousin. Pour les nourrir, ils cultivent 30 ha de céréales (orge, avoine) et 30 ha d’ensilage de maïs. Le cheptel dispose de 50 ha de prairies artificielles, 30 ha de prairies temporaires, le reste étant en prairies naturelles.
Chaque année, sur la centaine de génisses qui naît, quarante sont gardées jusqu’à Noël puis ils sélectionnent les dix meilleurs. Au printemps, il en restera six et en septembre, seulement quatre. « Ces quatre là sont des cracks qui répondent aux critères de la race, les épaisseurs de dessus, la finesse d’os et les ouvertures du bassin pour garantir un bon vêlage, sans oublier la docilité, la vraie qualité de la Limousine détaille Alain Pimpin. C’est ce que nos parents nous ont appris et nous le transmettons à nos enfants. Il n’y a pas de secret, il faut savoir les fabriquer, c’est un peu comme un grand chef cuistot qui va chercher un peu de ceci et peu de cela. » Les animaux qui défilent sur le Grand Ring sont, en quelque sorte, génétiquement programmés pour remporter des prix de championnat. « Ce sont des recoupements de lignées de taureaux champions à Paris, que ce soit Ecu, Prodige, Disney et aujourd’hui Jersey, avec des accouplements raisonnables et du sang nouveau. Ces animaux sont des champions en conformation mais également en production. Si vous avez un taureau champion mais s’il ne produit rien, vous ne ferez jamais rien en l’accouplant ! Tout est une question de coup d’oeil, mes petits-enfants font déjà la différence entre les génisses.»
Promouvoir la Limousine
La première année est donc déterminante pour l’éleveur, sachant qu’une seule génisse est sélectionnée par élevage pour la Concours Général. Le deuxième critère à prendre en compte est déterminant, la génisse est saillie ou inséminée par un taureau petit à la naissance pour ne pas l’abîmer au premier vêlage. « C’est le virage le plus compliqué car, en cas de césarienne, elle sera éliminée, idem si elle a un coup de bistouri, si elle a un pis mal équilibré… Pour un taureau, c’est plus facile. Aujourd’hui les éleveurs sont tous très bons, il n’y a pas de secret et, au final, et cela se joue à très peu sur les fondamentaux pour les trois premiers à Paris.»
Après tant de prix de championnat, les associés ne se lassent pas de ce challenge permanent qui oblige le GAEC à se maintenir dans l’élite de la race. Le travail de toute une année est jugé après quelques tours de ring. « On se remet en compétition tous les ans en voyant la concurrence comme un sportif ou une miss avoue l’éleveur , si vous restez chez vous, vous serez toujours le plus beau ! A Paris, on fait connaître notre élevage et on fait aussi la promotion de la race limousine. La vingtaine d’éleveurs présents tire le wagon. C’est grâce à cette vitrine que des marchés sont signés Hongrie, en Tchéquie ou ailleurs. On peut être fier de nous car la race était en disparition dans les années 60 et aujourd’hui, elle est deuxième et grignote petit à petit la Charolaise avec 1,3 million de vaches contre 1,5 million pour la première. On est sur une bonne dynamique alors qu’il n’y avait que 300 000 limousines avant. »
Un climat de défiance et une situation inquiétante
Malgré tout, l’envers du décor n’est pas aussi rose qu’à Paris avec des revenus qui ne suivent plus le cours de la vie depuis longtemps et un prix d’achat du kilo de viande qui stagne voire régresse. Une situation très préoccupante pour l’éleveur qui dresse un bilan alarmiste de la situation. « Il y a 50 ans on vivait avec dix vaches, en 1970 un broutard de 300 kg était acheté 900 € contre 800 € aujourd’hui, même si on a toujours été habitué à avoir peu, bientôt on n’aura plus rien déplore-t-il, en moyenne on se dégage un salaire de 600 € par mois en travaillant sept jours sur sept. Une vache était payée 35 F il y a trente ans soit 5,30 € et actuellement 4,20 € ou 4,30 € c’est déjà un prix exceptionnel ! Il y avait un million d’exploitations voilà trente ans, il n’en reste que 400 000 en 2020, c’est dramatique. D’où viendront les vaches demain ? » Maigre consolation, les contrats signés avec la coopérative Altitude Pays Vert et Interlim lui assurent une garantie de paiement donc une visibilité indispensable. A contrario, ses changes explosent, le prix du gasoil flambe, idem pour le coût du matériel, l’entretien des équipements, les charges sociales…
Le climat de défiance généré par l’agribashing et les végans couplé aux cambriolages de plus en plus fréquents minent le moral des éleveurs qui se battent pour vivre de leur activité et porter haut les couleurs de telle ou telle race. « Une minorité de gens veulent imposer des méthodes, si tout le monde était raisonnable, il y a de la place pour tous, pour celui qui veut être végétarien ou végan, pour celui qui veut produire de la viande de qualité mais ce n’est pas bien d’imposer quoi que ce soit, moi je ne mange pas de carottes ! Ce n’est pas avec des images choc tournées dans des abattoirs qu’on empêchera les gens de manger de la viande.» Victime d’un cambriolage l’an dernier, il subit aussi les gestes déplacés d’automobilistes lorsqu’il passe le pulvérisateur. « C’est courant dès qu’on passe un fongicide mais il faut bien soigner la plante sinon vous n’avez pas de récolte. Aujourd’hui, les produits ne risquent rien et on devient presque des écolos vu leur prix exorbitant, on n’en met pas cinq grammes quand il en faut deux. J’espère que la tendance va s’inverser, que les gens vont se rendre compte de la situation. J’invite nos hommes politiques à faire un stage d’une semaine dans une ferme pour qu’ils réalisent.» A bon entendeur…