Seulement voilà, fin décembre dernier après que nous l’ayons appris à la lecture d’un article de Libération, faisant suite à une convention nationale, une jeune élue aux dents longues, figure de proue du Rassemblement National, a posé son sac rue du 11 novembre avec la ferme intention de devenir maire de la commune. Surprise et incrédulité alentour.
Elle s’appelle Edwige Diaz, elle a trente deux ans, est conseillère régionale et secrétaire départementale du R N…Mais pourquoi donc venir affronter le suffrage universel dans ce village de Haute Gironde ? Question osée ? Certes pas, car la candidate a réponse à tout, habituée au débat et prompte à faire une mise au point à usage de l’auteur de ces lignes. Il est vrai qu’au lendemain de la visite de Marine Le Pen à Cavignac, commune à deux pas de Saint-Savin, dont le maire ex-LR fut à l’origine des embrassades et des convergences avec le FN de quelques maires du secteur, nous évoquions le « laboratoire girondin du Frant National ». Et allions jusqu’à imaginer que cette candidature en annonçait une autre, aux élections départementales de l’an prochain : « Non je ne serai pas candidate aux départementales » Et d’ajouter : « Il y a un an Marine me dit :veux-tu te présenter à Bordeaux ?Je refuse car je n’y pense même pas… » Pensait-elle donc, déjà, à Saint Savin ? Disons qu’elle butinait alentour, dans ces communes qui ont voté RN aux législatives et aux européennes et où elle-même a suscité des candidatures aux municipales, Laruscade, Cubnezais, Pugnac, Saint Yzan…. Dans cette 11° circonscription qui, justement, a donné quelques 42,98 % à une certaine Edwige Diaz au printemps 2017.
L’ancien maire UMP comme parrain
Et puis, à Saint Savin, n’y avait-il pas un ancien maire UMP de souche, de 73, ans à l’esprit revanchard qui, oubliant sans état d’âme qu’il soutint un certain Alain Juppé aux primaires de la droite, était prêt à faire cause commune, en manière de parrain empressé, avec une jeune élue ? Le 14 février dernier l’évidence sautait aux yeux lors de la présentation de la liste « Unissons nos forces pour Saint Savin », bien entendu « d’intérêt communal » : Jean-Claude Récappé prenait la parole en premier, égrénant les critiques financières à l’égard de son successeur sans s’attarder sur les raisons qui l’amenaient, ces dernières années, à voter les budgets communaux, 2019 y compris ( et abstention sur le compte administratif ) présentés par le maire sortant socialiste, Alain Renard et son équipe.
Ce soir là de jeunes Saint-Saviniens qui ont décidé de s’engager sur la liste d’Edwige Diaz avouaient, avec des accents de sincérité, qu’ils n’avaient aucune étiquette politique et n’en auraient pas. Une aubaine pour la candidate du RN qui jure, la main sur le cœur, qu’elle n’est pas venue là pour « faire carrière mais pour montrer qu’on peut faire de bonnes choses en partenariat avec la société civile ». Lesquelles donc ? Après avoir été élue, demander le classique « audit des finances communales , privilégier les entreprises communales lors des appels d’offre, en accueillir de nouvelles, créer un conseil des commerçants, dépoussiérer le site internet et créer une application smartphone propre à Saint-Savin, veiller à ne pas augmenter les impôts locaux sans oublier l’entretien des trottoirs dont « me parle un habitant sur deux. » Et de s’occuper du patrimoine de la commune.
Le patrimoine comme argument
Le patrimoine ? Un thème inattendu dans la campagne mais qui y a pris un tour aux accents de patriotisme local qui serait bafoué depuis la vente pour 300 000 euros, par la commune au département, de l’ancien presbytère vide pour y installer une maison destinée à accueillir des enfants de « l’Aide sociale », placés sous protection judiciaire par le juge des enfants, le temps de soulager les familles comme l’a a rappelé Jean-Luc Gleyze, le président du département venu visiter les lieux le 14 février. Une maison dont Alain Renard confie que la création prochaine plaît aux sœurs de la congrégation de la Sainte Famille qui ont quitté le lieu en novembre de 2017. Et, sur le même registre, Julie Rubio l’adjointe au maire en charge des associations qui n’est pas peu fière de sa proximité avec les 39 associations de la commune rappelle, en compagnie de Jean-Luc Besse l’adjoint qui s’est personnellement impliqué dans ce dossier, que Saint Savin a réussi à obtenir le maintien de sa perception en décidant, dès le début du mandat, en 2014, de faire les travaux nécessaires à l’intérieur. Un soutien qui n’a pas compté pour rien dans la décision de l’Etat de maintenir ce service public d’autant plus précieux pour ce territoire rural et les habitants des communes alentour qui s’en félicitent.
Les rappels comptables d’Alain Renard
Quant au maire lui-même comment est-il entré en campagne, face au défi de la candidate du Rassemblement national ? Avec une manière de sourire entendu, matiné de l’humanisme qu’on lui reconnaît et sans tomber dans le piège de l’agressivité. A 66 ans et en charge, au sein de la vice-présidence du département de « la préservation de l’environnement, de la gestion des risques et des ressources et infrastructures routières », il affiche un bilan sans emphase, en pointant ce qu’il reste à faire pour améliorer la vie quotidienne de ses concitoyens .
Au préalable, cependant, il met vigoureusement les choses au point en rappelant à l’ancien maire, soutien d’Edwige Diaz, quelques données de nature comptables. Celles-ci en tout premier lieu : la dette entre janvier 2008 et le 1° janvier 2014 quand JC. Récappé était au pouvoir avait augmenté de 22% ; sous le mandat d’Alain Renard elle a fait exactement le chemin inverse -22% et ceci, ajoute l’intéressé, en « optimisant les recettes, en investissant, sans augmenter la fiscalité et en mobilisant « les subventions de l’Etat, de la Région, du Département ou de la Communauté de communes. » Façon aussi de rappeler l’importance de disposer d’un réseau soigneusement cultivé. Mais tout n’est pas, dans une élection comme celle-là, qu’affaire de bilan ponctué du rappel suivant : 2 millions d’euros ont été dépensés pour la voierie soit plus de la moitié des investissements communaux.
Et une ambition d’aménagement
Quant à la vie communale, s’il fallait répondre à la critique, façon slogan RN, « sauvons Saint-Savin de la situation d’endormissement dans laquelle l’a plongée la politique socialo-macroniste » , l’équipe municipale met en avant, entre autres, son action en faveur de l’école, six classes nouvelles et une cantine mise aux normes, dans les domaines sportifs et culturels avec au passage, en manière de renvoi d’ascenseur sur le thème de la modernité, la création de « Terra Aventura » un espace game qui, avec le soutien de l’office de tourisme, a attiré plus de 6000 participants en six mois.
Pour ce qui est du proche avenir Alain Renard rappelle que les travaux de la nouvelle gendarmerie vont débuter en septembre, que la commune s’apprête à soutenir l’aménagement de locaux professionnels et de services, prioritairement d’accès aux soins qui ne manquent pas mais nécessitent la venue de jeunes médecins pour prendre le relais de ceux qui vont tourner la page. A noter son ambition, dans une commune bien plus marquée du sceau de la ruralité que celles que tangente la RN 10 et qui ont du mal à conserver leur identité, de mettre en chantier un aménagement foncier où la protection de la forêt, des espaces agricoles, des zones humides serait une priorité.
Banc d’essai
Le vote ce 15 mars aura été marqué par une campagne de dimension de politique nationale voulue par le RN, sous la houlette d’une Edwige Diaz proactive, entre Saint-Savin, les communes voisines et plus largement les territoires néo-ruraux, à moins qu’ils ne soient déjà périurbains. Ce banc d’essai a suscité, plus que de la curiosité, une interrogation sur le mode de l’inquiétude, sinon de l’indignation, chez celles et ceux qui au-delà de la sincérité proclamée de la candidate, s’imaginent sans mal qu’elle est en terre de mission, au service de la stratégie présidentielle de Marine Le Pen. C’est ainsi que l’ancien député UDF du Nord Gironde, l’avocat Daniel Picotin, est venu apporter un soutien remarqué à Alain Renard, le 28 février, avec quelques autres élus de gauche et du centre. Comme un sentiment profond que les valeurs du parti d’extrême droite ne devaient pas trouver droit de cité dans ces lieux habitués à la modération et au compromis intelligent. Au-delà de la reconstitution ponctuelle d’un « Front Répulicain » dont on se souvient que le point culminant, en 2002, vit la mobilisation contre un certain Jean-Marie Le Pen puis son échec majuscule face à Jacques Chirac.