Le projet de rénovation du mythique stade bordelais est loin de faire l’unanimité. Nous avons rencontré Aurelien Rol-Tanguy, chef de projet et urbaniste, avant le point presse le 12 février à l’hôtel de ville de Bordeaux.
Quel avenir pour Lescure ?
C’est lors de la candidature de la France à l’organisation de l’Euro 2016 que l’avenir du stade Chaban-Delmas s’est vu mis en question. L’arène de style art-déco inaugurée en 1938 fut le premier stade au monde à disposer de tribunes entièrement couvertes sans le moindre pilier pouvant gêner la visibilité du public. Seulement voilà, malgré plusieurs vagues de rénovations en 1986 et 1997, Lescure (renommé Stade Chaban-Delmas en hommage à Jacques Chaban-Delmas, qui fut maire de Bordeaux de 1947 à 1995) n’est pas le premier choix pour une compétition comme l’Euro, aussi bien de par sa capacité d’accueil que par sa localisation très citadine. Après moult péripéties, la décision de construire un nouveau stade au lac est prise, et l’avenir du légendaire parc Lescure devient incertain.
Présentation du projet
À la fin de l’année 2012, la ville de Bordeaux lance un appel à idées quant au devenir du vieux terrain de jeu d’Alain Giresse. Les concertations entre la municipalité, les actionnaires et les riverains se solderont par le choix de rénover le parc Lescure, et d’y faire jouer l’Union Bordeaux-Bègles. Le rugby prend donc la place du foot. Une fois les accords passés, la ville de Bordeaux lance un appel à projets qui obtiendra quatre réponses ; une seule proposition est retenue. Celle du cabinet d’architectes Ferret, père et fille, historiquement bordelais, en partenariat avec Philippe Prost.
L’avant projet a été présenté au mois d’avril 2015. L’enjeu principal, pour concilier les attentes de chacun, était de garder les bases de l’architecture art-déco des années 30 en conservant un maximum d’éléments, tout en améliorant l’aspect fonctionnel de la structure sportive. Ainsi, ce n’est pas seulement le stade qui est repensé, mais tout le parc Lescure et ses abords.
Pour ce qui est du stade en lui même, la capacité d’accueil des spectateurs passerait donc de 33 000 à 25 000 places, avec plus de 200 assises supplémentaires en loges. Un salon de réception de 1200 m2 verrait aussi le jour au dessus du virage Sud, et un espace « sport-santé » de 1300 m2 se retrouverait niché dans les hauteurs du virage Nord. Suite à la destruction du gymnase actuel au profit d’un nouveau, plus moderne et plus adapté, le complexe sportif repensé comportera 33% d’équipements sportifs supplémentaires.
Mais ce n’est pas tout. Le projet, c’est aussi 123 nouveaux logements situés aux abords du parc, ajoutés à cela 120 chambres dans la nouvelle résidence pour étudiants, et 100 lits dans celle qui sera destinée aux séniors. Pas besoin de calculs savants, ce sont presque 1000 nouveaux habitants potentiels qui sont invités à vivre dans le quartier. Une répartition qui se veut plurigénérationnelle mais qui ne plait pas à tout le monde. Tout comme l’apparition de 6500 m2 d’espaces commerciaux, et 2500 m2 de bureaux et autres zones de coworking… Pour ce qui est du stationnement, un parking sous-terrain de 400 places est aussi annoncé.
Quant au financement, il est partagé d’égal à égal entre la municipalité et le groupe Adim, filiale immobilière du géant Vinci. Les retombées économiques des logements et autres locaux commerciaux seraient par la suite remboursées à la ville de Bordeaux.
On ne peut pas plaire à tout le monde…
Évidemment, ce changement radical dans un quartier à la paisibilité presque solennelle n’est pas du goût de chacun. Et si beaucoup s’accordent sur la nécessité de raviver l’éclat du stade Chaban-Delmas, lorsqu’il s’agit d’apporter de réelles nouveautés, les contestataires crient avant d’avoir mal. Derrière la crainte d’être dérangé dans son voisinage, on récuse le projet dans son ensemble et la métamorphose du quartier : « Le résultat figuré est certes souriant, mais avec ses nombreuses boutiques, il préfigure une volonté des promoteurs d’aller aussi loin que possible dans la marchandisation de l’espace sportif, alors que de nos jours, la frugalité du sport a bien besoin d’être restaurée » remarque Henri Bourguinat dans un courrier adressé à la mairie.
C’est pourquoi la ville de Bordeaux a installé une permanence durant tout le mois de janvier, place Johnston, au sein même de l’édifice controversé. De grandes illustrations explicatives, une maquette plastique du projet et différents interlocuteurs sont employés par la mairie pour éclairer la lanterne des riverains inquiets, comme celle des bordelais curieux.
Lorsque l’on demande à Aurélien Rol-Tanguy, urbaniste et chef de projet à la mairie de Bordeaux, les retours et appréciations des gens avec qui il a pu échanger au sein de la permanence en question, le bilan est assez mitigé. « Les gens sont globalement enthousiastes à l’idée que l’on apporte un coup de neuf à cette infrastructure » explique-t-il, « même s’il reste toujours une petite part d’opposants formels, les gens sont rassurés de voir que le projet ne trahit ni l’architecture ni l’histoire de ce lieu mythique ».
Les inquiétudes les plus récurrentes touchent au futur fonctionnement de l’espace ; serait-il ouvert la nuit, quel serait le système de gardiennage ? et le stationnement.
C’est pour quand ?
« Ce que nous présentons ici n’est que l’avant projet. Rien n’est encore figé même si le projet final serait – au cas où la décision pencherait vers le « oui » – très proche de la maquette » explique Aurélien Rol-Tanguy, « Si ce projet a été retenu par les élus et les membres du jury de l’appel à projet, c’est parce que c’est à n’en pas douter la proposition qui entache le moins le patrimoine architectural, en proposant le maximum de réutilisation. Nous sommes confiants tant sur le bien fondé de ce projet que sur son aspect bénéfique pour le quartier ».
Réponse au conseil municipal du 6 juin 2016, où sera prise la décision finale de validation ou non du projet.