C’était un questionnement en quatre thèmes qui avait été préparé par les étudiants de Sciences po Bordeaux à l’attention des candidats. Quatre thèmes devant aller, on l’imagine, crescendo dans l’intensité du débat, partant des parcours personnels des prétendants à la Présidence de la future Grande région, jusqu’à la présentation de leurs projets politiques, en passant par leur vision de la grande région, sans oublier le détour sur le désormais quasi incontournable dossier du prêt de la région au groupe SO. Mais, c’était sans compter sur la volonté des candidats de ne pas s’en laisser conter par l’autre, dès les premiers échanges. Un débat lors duquel le public n’aura donc pas échappé aux guerres de chiffres, aux petites phrases, aux accusations de « mensonge, à moins que vous n’ayez pas travaillé vos dossiers», ou encore au « bon » mot qui agace quand il est bien placé, mais qui fait toujours mouche auprès, au moins, d’une partie du public.
Attaquer plutôt que détaillerSi chacun visiblement connaissait les arguments de l’autre, Virginie Calmels, n’ayant pas de bilan à défendre, si ce n’est quelques « recettes du privées appliquées à la Mairie de Bordeaux » a choisi souvent de se positionner dans un rôle de commentatrice critique de chacune des interventions du Président sortant, quitte parfois à donner l’impression de préférer attaquer plutôt que de détailler les idées qu’elle suggérait. Son but affirmé : tenter de souligner « des incohérences entre notamment les propos tenus en Aquitaine par Alain Rousset et les votes du député Rousset à Paris ». Autant d’arguments récusés à chaque fois par le Président sortant. Quand ce ne sont pas des « incohérences », c’est « une inefficacité des systèmes mis en place » que Virginie Calmels pointe du doigt, citant la mauvaise position de l’Aquitaine sur les chiffres du chômage (300 000 demandeurs d’emplois) et plus particulièrement chez les jeunes (« le plus mauvais chiffre régional au niveau français») ou encore sur le nombre d’emplois industriels perdus. Mais quand l’une cite les chiffres à la baisse de la DIRRECTE, l’autre sort une courbe visiblement à la hausse de l’INSEE… Et globalement malgré tous les efforts d’une challenger « qui n’a pas froid aux yeux », selon les mots d’Alain Rousset c’est bien ce dernier, Président sortant, qui part assez naturellement avec un point d’avance sur la connaissance des dossiers. Impression d’ailleurs confirmée à l’applaudimètre de l’amphi Montesquieu.
Administration en réseau vs nouvelle administration opérationnelleDes différences de point de vue des candidats qui se confirment, quand ils évoquent leurs projets pour la prochaine mandature régionale. Tant sur leur vision et leur appréhension de la grande région que sur les orientations de leur politique de développement économique ou de transport par exemple. Sur la Grande région Virginie Calmels croit en une administration régionale décentralisée, avec l’installation de services régionaux entiers à Limoges ou Poitiers, imaginant, grâce au numérique, une administration en réseau entre « Bordeaux, capitale régionale, et Poitiers et Limoges, capitales territoriales ». A cette administration, elle ajoute des politiques différenciées sur le territoire via « des contrats de développement avec les territoires dans tous les domaines, ainsi que la possibilité de déléguer l’instruction des aides aux acteurs de proximité ; collectivités locales ou chambres consulaires ».
A l’inverse, Alain Rousset propose quant à lui, que les services fonctionnels de la Région restent à Bordeaux, « pour assurer la sécurisation des actions administratives et la bonne coordination des services », tout en envisageant « une nouvelle administration opérationnelle à Limoges, Poitiers, mais aussi pour accompagner les territoires à Chatelleraut, Fumel, la Souterraine, etc… ». Egalement à son projet, « des contrats de territoires sur mesure pour les accompagner notamment par de l’ingénierie d’accompagnement, qui porteraient trois priorités : le très haut débit, la santé et la mobilité ».
Infrastructures: très haut débit et transportUne question du très haut débit sur laquelle Virginie Calmels n’a pas été avare de critiques, une fois encore, quant à la méthode et aux objectifs d’Alain Rousset. Selon elle « il faut mettre massivement de l’argent, avec les opérateurs privés». Opérateurs qu’elle connaît bien puisqu’elle siège, notamment, au Conseil d’administration de Free. Elle estime la facture minimum à « 500 M€ si on veut atteindre au moins 70% de la population régionale couverte à 2020». Point de vue à son tour critiqué par Alain Rousset estimant que ces mêmes opérateurs privés ne s’intéressaient à équiper que les zones rentables à savoir les zones urbaines laissant de côté une ruralité pourtant importante dans la future région…
Un réseau très haut débit qui est, dans le projet de la candidate adoubée par Les Républicains, « un des fondements du développement économique régional », au côté des transports routiers. Une dernière thématique dont refuse d’entendre parler Alain Rousset considérant que ce n’est pas de la compétence de la Région. Seule exception à son positionnement: les routes Limoges-Bordeaux et Limoges-Poitiers, qu’il concède à ses collègues de Poitou-Charentes et Limousin. L’intervention de la Région sur le transport doit selon lui se prioriser sur la voie ferrée « sur laquelle on a encore un effort à faire et sur les TER tant à l’échelle des déplacements dans la grande région que pour un contournement de Bordeaux. C’est le seul mode de transport qui pourra limiter les bouchons en entrée et en sortie de ville». Quant à ses positions sur la LGV, il ne bouge pas d’un pouce, « si on veut sortir un tiers des camions des routes, il faut libérer des sillons. Je me bats pour ça, avec le risque d’avoir des votes « contre » sur ça ». Si Virgnie Calmels est convaincue de la nécessaire intervention de la Région sur un certain nombre de routes, comme condition fondamentale au développement économique des territoires, elle considère aussi que « sur les TER on peut faire mieux, en terme de retard, d’obsolescence, ou encore sur la mise en concurrence de la SNCF, qui est un vrai sujet ».
Enfin, sur le développement économique, Alain Rousset reprend dans son projet un triptyque déjà mis en œuvre en Aquitaine : le développement de centres de transfert de technologie entre laboratoires et PME, la mise en place d’un écosystème de confiance pour les entreprises (via des aides et des clusters notamment), et le développement d’une formation professionnelle en cohérence avec les besoins de l’emploi. Un triptyque auquel il ajoute un élément « encore à renforcer : le développement les fonds propres ». Pour la candidate des Républicains et du Centre, « il faut flécher les aides sur les PME et TPE, via un plan de soutien global, et une simplification des règlements d’intervention de la Région. Il s’agit aussi d’accentuer l’effort sur la formation professionnelle et l’apprentissage notamment en rehaussant la prime d’apprentissage à son niveau d’il y a deux ans en la passant de 1000 à 2000 € ».