Quatre toiles monumentales sur le drame du 10 juin 1944


Le peintre Gabriel Godard a fait don de quatre œuvres au Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane qui retracent le massacre commis par la Division allemande Das Reich.

La tétralogie figurative et abstraite est exposée au Centre de la Mémoire.Corinne Merigaud

La tétralogie figurative et abstraite est exposée au Centre de la Mémoire.

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 20/04/2022 PAR Corinne Merigaud

Après avoir découvert enfant le village en ruine, Gabriel Godard a porté toute sa vie cette vision d’épouvante avec ce besoin de décrire le drame subi par des civils innocents. Bouleversante évocation.

Oradour-sur-Glane, 10 juin 1944, les Allemands de la division SS Das Reich encerclent le village et exterminent, un à un, les habitants faisant 643 victimes. Gabriel Godard, un lorrain alors âgé de 11 ans, n’a jamais oublié cette journée qui le hante toujours. Il a voulu retracer les heures terribles vécues par ces habitants au travers de quatre oeuvres monumentales. Entre 2009 et 2012, il s’est consacrée entièrement à cette mission, donnant vie à trois toiles figuratives mesurant 3,40 m sur 9 m aux titres évocateurs « Le supplice », « L’épouvante » et « La mort » complétées par une dernière, de style abstrait, « De l’humain… et de l’ignominie ordinaire » de 3,70 m par 9 m. Le 2 septembre 2020, il a choisi d’en faire don au Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane. Cette tétralogie a été dévoilée, le 14 avril, devant une trentaine d’invités touchés par les expressions d’effroi de ces personnages qui vivent, sous nos yeux, l’horreur absolue.

Alors qu’il était réfugié dans la Sarthe durant l’occupation, le peintre avait découvert le village martyre juste après le 10 juin. « Je suis venu à Oradour le lendemain ou le surlendemain du massacre nous confie-t-il, j’ai trouvé ça abominable et c’est à partir de là que ça a pris racine. Il fallait que je frappe les gens parce qu’on n’oublie pas une chose comme ça. Mon problème, c’est de réveiller ces choses là, de dire que cela existe mais qu’il ne faut pas que cela existe. Cela me turlupine toujours et je ne pense pas qu’on puisse véritablement trouver la paix intérieure. »

Des toiles qui rappellent Guernica

Pour peindre ce moment à jamais gravé dans la mémoire des rescapés et des familles de victimes, Gabriel Godard a travaillé durant quatre ans, chaque nuit, juché sur une échelle à trois de mètres de hauteur. Cette prouesse picturale fut aussi un défi physique puisque le peintre a commencé ce travail de catharsis à l’âge de 76 ans. « Je suis tellement en désaccord avec les gens qui font des saletés s’emporte-t-il, je ne peux pas supporter ça, c’est une révolte que je vis quand je vois ça.»

Ses toiles font écho à « Guernica », le chef d’oeuvre de Picasso, et résonnent particulièrement aujourd’hui avec les images terribles des massacres commis contre le peuple ukrainien. « Je retrouve la même amertume quand je vois des Russes qui tuent des Russes et je suis toujours en colère » lâche-t-il d’un air dépité.

Un moment éprouvant pour le dernier rescapé

Dernier rescapé du massacre d’Oradour, Robert Hébras a découvert l’exposition, la veille de l’inauguration, guidée par Babeth Robert, directrice du centre. Comme tous les hommes du village, il avait été emmené dans les granges pour y être mitraillé, les Allemands mettant ensuite le feu pour achever leur forfait. Blessé comme son copain Marcel Darthout, les deux hommes avaient réussi à échapper à une mort certaine. Au même moment, les femmes et les enfants étaient enfermés dans l’église. Un engin incendiaire déposé à l’intérieur explosait, embrasant l’édifice. Les deux rescapés ignoraient alors tout du drame qui se jouait au même moment à l’autre bout du village.

Le peintre Gabriel Godard a rencontré Robert Hébras, dernier survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane

La découverte des trois premières oeuvres de Gabriel Godard a profondément marqué Robert Hébras aujourd’hui âgé de 96 ans. « Cela m’a bouleversé, c’est violent constate-t-il, on peut imaginer ce qu’ont vécu les femmes et les enfants. Je vois ce qui a dû se passer à l’église, je n’y étais pas. Je suppose que c’était encore plus violent que la toile. »

Très ému lors de sa prise de parole, Jean-Claude Leblois, président du Conseil départemental, a évoqué les massacres de civils ukrainiens qui rappellent le supplice enduré par la population d’Oradour. « C’est un geste très particulier que vous faîtes M. Godard dans le contexte que l’on connaît aujourd’hui a-t-il signalé, nous pensons au village de Boutcha et au peuple ukrainien confronté aux atrocités et aux crimes de guerre commis par l’armée russe. Le massacre d’Oradour occupe une place unique dans la mémoire de notre pays au point que le nom de ce village a une portée universelle .» Le message de mémoire laissé par Gabriel Godard est le reflet du sentiment qu’éprouve chaque visiteur en parcourant les rues de ce village martyr figé depuis le 10 juin 1944. « Les artistes sont le réceptacle des émotions collectives face à l’inacceptable et l’inimaginable a-t-il ajouté, vous avez, par vos œuvres, le moyen de traduire ce ressenti, de le porter et de le transmettre. Leur présence au Centre de la Mémoire, à proximité du village, a toute sa signification. »

 

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