Pour une poignée de drones


ABBOTT

Pour une poignée de drones

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 19/05/2016 PAR Romain Béteille

Aujourd’hui, les drones sont encore vus comme des gadgets de loisirs ou des équipements adaptés à la surveillance. Ces derniers mois, les survols de centrales nucléaires ont été une preuve supplémentaire d’une certaine méfiance à leur égard. Mais en se penchant un peu plus sur le projet du consortium Drones For Life, on se dit que tout cela pourrait bientôt changer. L’idée : concevoir des drones 100% autonomes pour transporter des produits de santé (analyses de sang, d’urine et médicaments) vers les hôpitaux et les établissements de santé. Une idée qui a vu le jour il y a deux ans dans la tête de la société Abbott, multinationale pharmaceutique américaine employant environ 90 000 personnes (dont le siège social est à Chicago et qui a revendiqué en 2010 un chiffre d’affaire de 32,5 milliards d’euros) et dont Jean-Luc Silberstein fait partie en tant qu’ingénieur d’affaires dans le diagnostic. 

La naissance d’un besoin

« En discutant avec des clients, CHU et laboratoires privés, on s’est rendu compte qu’il a été demandé aux laboratoires de procéder à des concentrations et des mutualisations. Pour des questions d’économies budgétaires, on a demandé à ces structures de se regrouper sur un seul site, c’est le cas dans le privé mais aussi dans les CHU. Au niveau de Bordeaux, la mutualisation s’est principalement faite à 70% d’activité sur Pellegrin », résume ce responsable bordelais; « ça implique toute une logistique pour acheminer les tubes, des transports sur routes. Le problème, c’est que c’est polluant, ça prend beaucoup de temps et ça coûte très cher. On était dans cette réflexion d’optimisation de cette logistique. J’ai donc proposé un système par drones, sachant qu’entre Haut-Lévèque et Pellegrin, il faut sept minutes à vol de drone ».

L’idée germe, reste à l’organiser. L’employé d’Abbott passe par Thalès et son cluster AETOS (Cluster Aquitain Services et Systèmes de Drones), qui le met en contact avec Sysveo, fabriquant de drones landais et BeTomorrow, spécialiste du hardware et développeur de logiciels. Reste la question légale, qui pourrait représenter un frein. « On est allé rencontrer l’Agence Régionale de Santé (ARS) et la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) qui nous a dit que ce qu’on souhaitait faire, c’était pour l’instant interdit mais le projet leur plaisait. On a présenté ça à la direction générale du CHU de Bordeaux qui nous a demandé de passer du simple transport d’échantillons de sang en transports d’échantillons biologiques et produits de santé, notamment les médicaments d’urgence », précise Jean-Luc Silberstein. Le projet de drones reçoit des aides publiques directes (un prix régional de 200 000 euros) ou indirectes (une aide métropolitaine sur des stands et une démonstration dans le stade Chaban-Delmas lors du dernier congrès ITS). Aujourd’hui, on estime le budget total de l’opération depuis son lancement aux alentours de 500 000 euros.

Les choses s’accélèrent

En juillet dernier était annoncée la création du consortium Drones For Life, qui regroupe toutes les entreprises travaillant en collaboration sur le projet et une convention de partenariat avec le CHU de Bordeaux signée en bonne et due forme. Mais alors, le drone médical, comment ça marche ? « Le drone va voler hors vue (à 100 mètres de hauteur), il sera entièrement radioguidé, étanche, il aura tout un système de double batteries, doubles parachutes et de largage automatique de son caisson de chargement. On est en train d’étudier les possibilités de zones de report sur le parcours pour permettre au drone d’atterrir en cas de problème. On réfléchit à la possibilité de construire un « drone-port » au niveau du CHU. On fera aussi beaucoup de tests au niveau de la résistance des échantillons ». Le CHU de Bordeaux, lui, devrait disposer d’une flotte de cinq ou six appareils au départ, et le système se développer si l’idée fonctionne.

Mais selon Jean-Luc Silberstein, son but n’est clairement pas de remplacer le transport sur route, et l’éthique autour des questions de sécurité entourant les drones pas vraiment un problème. « On ne s’est pas posés la question de l’éthique, notre problématique c’était de trouver comment faire pour qu’un patient qui a une suspicion d’infarctus puisse avoir son résultat d’analyse le plus rapidement possible. On était plus dans cet enjeu d’urgence vitale, pouvoir donner des résultats dans les 45 minutes. Le groupe Flash Logistique, qui s’occupe du transport, ne s’est pas opposé à ce projet de drones parce que la voiture restera présente. On ne travaille pas sur une offre de drone unique, mais sur une offre de service complémentaire. Ca restera interdit, mais la DGAC pourra donner des dérogations provisoires sur des couloirs déterminés ». 

L’attaque des drones

Altruiste, il précise qu’ABBOTT ne toucherait rien sur ce projet de drones, et que les brevets des machines appartiennent au consortium, avec tous les contrats d’exclusivité que cela implique. « L’objectif, c’est de montrer que ce drone à une utilité et de minimiser les risques. Il y a des scandales lorsque la distribution pharmaceutique veut aller trop vite. Là ce qu’on veut, c’est gagner du temps et sauver des vies. Même si ça peut nous faire gagner quelques marchés si ça marche. Le verdict tombera bientôt : la phase de prototypage s’étalera entre les mois de juillet et décembre et le drone transporteur de produits médicaux sera présenté pour la première fois en public sur le stand Abbott lors du congrès JIB (Journées Internationales de la Biologie)/ACNBH, du 22 au 24 juin prochain à Paris. Certaines villes et même d’autres pays lorgneraient déjà d’un oeil sur cette idée, qui pourrait apporter une solution alternative aux systèmes de tubes pneumatiques. Et permettre enfin aux drones de sortir des jardins et des champs. 

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