Pollution : les silences du bassin de Lacq


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Pollution : les silences du bassin de Lacq

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 14/04/2015 PAR Jean-Jacques Nicomette

Le bassin de Lacq vient de mettre un terme à l’exploitation du gaz commercial longtemps tiré de son sous-sol. Il se tourne aujourd’hui vers la chimie fine et l’exploitation de nouveaux matériaux. C’est dire si, en matière environnementale,  les installations classées n’y manquent pas. Les problèmes non plus à en croire le rapport que la Cour des comptes a envoyé aux ministères de l’Industrie, de la Santé et de l’Ecologie.

Cancérigène et destructeur de la couche d’ozoneLes Sages rappellent ainsi que de « forts dépassements de limite d’émission de tétrachlorure de carbone », une substance cancérigène et attaquant la couche d’ozone, ont été  constatés pendant des années au niveau de l’usine d’Arkema à Mont. En 2011, ces rejets involontaires, liés à des installations dont le fonctionnement posait un problème, étaient « sept fois supérieurs  au quota alloué pour l’ensemble de l’Europe ».

Des aménagements techniques, ainsi que la révision d’une règlementation jusqu’alors mal adaptée (les normes de rejets imposées par l’Etat ne tenaient pas compte des pannes ou arrêts des installations), ont permis de résoudre la question. Mais des leçons doivent être tirées, estime la Cour des Comptes. D’autant plus que les nouvelles activités qui se développent sur le bassin « utilisent des substances très toxiques, comme l’acrylonitrile, dont les effets sur l’homme demeurent mal connus (cas des nanotubes de carbone)» . Selon cette juridiction indépendante, ces aménagements pourraient d’ailleurs intéresser d’autres zones industrielles chimiques classées Seveso.

Transports des produits dangereux : circulez, il n’y a rien à voir

Un autre problème concerne la sécurité des transports. « L’offre de stockage de produits dangereux sur le bassin de Lacq n’est pas en adéquation avec la demande des acteurs. Le stockage de courte durée est souvent réalisé à bord de véhicules citernes ou de wagons » poursuit la Cour des Comptes. Tout en remarquant que « les contrôles sont trop peu nombreux pour être dissuasifs ».

Certes, la loi Bachelot impose que des études de danger soient menées dans les pôles qui accueillent des trafics de produits dangereux. Mais seuls les sites considérés comme majeurs (c’est-à-dire avec 50 wagons présents en même temps) sont concernés par cette mesure. Ce qui exclut l’Aquitaine du dispositif.

Par ailleurs, la Cour estime que les responsabilités sont mal définies entre le public et le privé pour le contrôle, et donc l’entretien, des terminaux ferroviaires. Alors que ces derniers ont connu depuis 2008, trois accidents « qui auraient pu être graves ».

Des rejets en suspension dans le gave de PauLe bassin de Lacq s’est industrialisé à une époque où l’environnement était très peu protégé, rappellent également les Sages. Ils invitent donc les services de l’Etat à « mieux anticiper » les enjeux liés aux pollutions passées. Car elles continuent encore à faire lourdement sentir leurs effets, en particulier sur les nappes phréatiques. Que ce soit à Mont, à Pardies ou à Mourenx.

De même, pour le traitement des effluents industriels, la Cour note que « les substances médicamenteuses ne sont pas spécifiquement traitées par la station d’épuration ». Mais aussi qu’un problème de rejets de matière en suspension dans le gave de Pau, ayant fait l’objet d’une mise en demeure préfectorale voici quatre ans, n’est toujours pas traité.

Une surmortalité qui pose questionLe dernier point concerne la sécurité sanitaire. Des mesures ont  été prises en Béarn pour surveiller et réduire les émissions de dioxyde de soufre et d’azote. Mais elles  ont aussi montré que « la population est exposée à plus de 140 substances différentes  et elles n’estiment pas les « éventuels effets cocktails » que tout cela peut provoquer.

Pour la Cour des Comptes, cela ne relève pas du détail. Car une étude menée en 2002  par l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (ISPED) de l’université de Bordeaux 2 a donné des résultats inquiétants.

Ce travail concernait une période de trente ans (1968-1998). Il a révélé une surmortalité de 14% chez les moins de 65 ans dans la zone proche des installations industrielles .

Les causes n’en étaient pas indiquées. C’est pourquoi une étude épidémiologique complémentaire a été préconisée à l’époque. « Cette recommandation n’a pas été suivie » remarquent les Sages. Tout comme ils constatent qu’aucun échange d’informations anonymes n’a été établi entre la médecine du travail et les services de santé publics, contrairement à ce que préconise le plan national travail santé.

Mieux contrôler, mieux encadrerAu final, plusieurs recommandations sont formulées par la Cour des Comptes. Que ce soit pour renforcer le rôle d’expertise et de contrôle de l’Etat, mieux encadrer les quotas d’émission de rejets industriels, améliorer la prévention des risques en matière de transport, et mieux assurer la sécurité sanitaire des sites industriels. 

En attendant que les sénateurs et les députés débattent du dossier, le ministère de l’Ecologie a admis, dans sa réponse, qu’il est nécessaire de « renforcer les efforts de recherche » et de faire évoluer la règlementation en matière de transport. Par contre, celui de la Santé ne pense pas qu’une étude épidémiologique soit « pertinente ». Cela, notamment en raison du trop faible échantillon de population concernée (60 000 habitants).

Pour un Observatoire de la populationCe point de vue a le don de faire sortir la SEPANSO hors de ses gonds. « Car, en épidémiologie, on travaille en raisonnant en personnes par année. Or, 60 000 habitants multipliés par 40 ans, c’est 2,4 millions de personnes. Il faut que l’étude se poursuive.  Car un allongement de la période d’observation permettrait de voir si les décès attendus sont confirmés ou non ».

Selon elle, d’autres recherches peuvent également être menées, en particulier à partir des caisses de retraite des travailleurs du complexe de Lacq.

Très remontée contre l’Agence régionale de santé qui, à ses yeux, « pratique la politique de l’autruche » et favorise une  stratégie du silence, l’association déplore également que les problèmes de pollution ne soient généralement rendus publics que plusieurs années après qu’ils aient trouvé une réponse.

Elle souhaite enfin la mise en place d’un Observatoire de la population. Tout comme elle réclame que des panneaux lumineux annoncent, le long de la route nationale à Lacq, les teneurs des principales substances polluantes présentes dans l’air. Afin que tout le monde sache bien ce qu’il respire.

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