Municipales à Bordeaux : Emmanuelle Ajon, la voie du PS


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Temps de lecture 10 min

Publication PUBLIÉ LE 22/11/2019 PAR Romain Béteille

@qui.fr – En mai dernier, le premier secrétaire fédéral du Parti Socialiste Thierry Trijoulet (interrogé par France Bleu) vous a désigné comme candidate potentielle pour le Parti Socialiste à Bordeaux. Aujourd’hui, la gauche bordelaise est encore dans des couloirs séparés : Vincent Feltesse se présente seul, Matthieu Rouveyre (qui n’est pas encore officiellement candidat) parle autour de Bordeaux Maintenant et Pierre Hurmic, le candidat EELV de Bordeaux, a été crédité de 30,5% des intentions de vote au premier tour dans un sondage Elabe paru en octobre en cas d’union avec la gauche. Où vous situez-vous dans cet échiquier politique, quelle identité se profile derrière la gauche bordelaise et comment comptez-vous faire porter votre voix dans cette campagne ?

Emmanuelle Ajon, élue PS au conseil municipal de Bordeaux et vice-présidente du Conseil départemental de la Gironde – Je me situe toujours au Parti Socialiste, c’est très clair, je reste loyale à la famille qui m’a permis d’avoir des mandats et fidèle à tous les militants et à un appareil avec lequel je travaille. Même si c’est difficile aujourd’hui, je ne souhaite pas abandonner parce qu’une nouvelle génération arrive et qu’il y a un travail très intéressant qui est en train de se produire au sein du PS, avec de nouveaux adhérents qui arrivent et une remise en question intéressante.

Le Parti Socialiste, pour lequel j’ai mandat, va me permettre de faire ce que je porte depuis plusieurs mois, à savoir l’union de la gauche derrière les écologistes. Je pense que c’est historique et qu’il n’y a pas de débat pour le PS sur la tête de liste. Elle ne sera pas de notre parti, nous ferons campagne derrière Pierre Hurmic. Ça a été très vite décidé devant les militants. J’avais ce mandat et cette mission avec Matthieu Rouveyre qui s’est retiré complètement de ces négociations, je me retrouve donc seule pour le faire. Il y a plusieurs options mais disons que ce n’est pas une action solitaire, je représente le PS. Je ne crois pas aux aventures individuelles en politique, je crois à un collectif qui porte des valeurs et pas juste une personne. J’ai rencontré les autres partis de gauche (PRG, Nouvelle Donne, PC, Place Publique, GénérationS), ils sont tous dans l’option d’une union derrière Pierre Hurmic. Ça veut dire qu’on est tous conscients que nous devons être responsables face à l’enjeu bordelais qui peut enfin nous amener à porter une politique que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs dizaines d’années, une politique alternative sur des sujets qui sont devenus très pesants sur le quotidien des bordelais.

Les discussions sont compliquées avec EELV pour que la campagne s’enclenche très vite, nous perdons un temps fou. J’espère que quelque chose de très concret va sortir de cette réunion, on est à quelques semaines des élections, il faut se lancer dans l’action, dans la réflexion sur la gouvernance de cette campagne et la place de chacun à l’intérieur, tout autant que du programme. Nous avons organisé le forum des forces alternatives de gauche, on a agrégé tout ce travail, on ne sait pas encore si les verts le valident ou non. Est-ce qu’ils nous imposent un nouveau programme qu’on ne connaît pas ou est-ce qu’on part de la base travaillée par chacun ? Une réunion interne (prévue ce vendredi soir) a été l’initiative du Parti Communiste dans le cadre de ses négociations avec les verts. Les verts ont accepté de mettre autour de la table toutes les forces de gauche. C’est très bien parce qu’il y avait une dynamique et un souhait de toutes les forces de gauche d’aller vers une union. C’est une vraie réunion, enfin, où on peut parler du fond mais aussi des listes et de la gouvernance.

Tous les partis de gauche sont d’accord pour reconnaître que l’urgence écologiste est dans les priorités pour les bordelais comme pour les français. Il y a un vrai changement d’électorat et nous l’entendons, nous n’allons pas nous verdir mais le suivre et accepter la tête de liste écologique. C’est positif et ça a généré une dynamique collective, ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas été aussi importante à gauche.

Visions municipales

@qui.fr – On voit déjà apparaître de grandes tendances sur les thèmes de campagne à Bordeaux, dont les idées se recoupent déjà pour certains candidats : mobilité, écologie, place du citoyen dans le débat public n’en sont que quelques exemples. En tant que membre de la commission « développement social » au sein du département, comptez-vous porter le sujet des inégalités sociales bordelaises revenu sur le devant de la scène politique ces derniers mois, notamment avec les questions des squats, du logement ou encore d’un constat de l’Insee sur la hausse des inégalités ?

E.A – C’est un sujet sur lequel je serai plus qu’attentive, mais disons que la question sociale est aussi transversale que l’écologie. Quand je parle logement et urbanisme, je créé une ville différemment si je la veux inclusive ou non. Les squats, les familles à la rue, les jeunes qui dorment dans leur voiture, ce qui est une réalité aujourd’hui, posent moins la question de comment on les accompagne que celle de leur possibilité de se loger à Bordeaux. Ça ne consiste pas à inventer des foyers ou de nouveaux dispositifs, ces bordelais ont le droit d’avoir un logement et à vivre dignement. La mesure fondamentale, ce sera donc de créer rapidement du logement abordable et adapté. Beaucoup de personnes âgées avec de faibles ressources sont coincées dans des RPA (Résidences pour Personnes Âgées) et ne s’en sortent pas, il y a un sujet sur le vieillissement à Bordeaux et la question de l’habitat et de la création d’Ehpads publics et de RPA rejoint celle du logement. Un accompagnement humain est nécessaire. Aujourd’hui, ce qui est social à Bordeaux, c’est travailler pour les mêmes sujets que les autres. Donner le moins possible à faire aux CCAS (Centres Communaux d’Action Sociale) pour faire en sorte que le maximum soit dans le droit commun.

@qui.fr – Vous avez été l’une des voix qui ont porté la gratuité des transports en commun et la tarification sociale, par exemple…

E.A – On a un devoir éducatif, il faut que le jeune puisse avoir accès à la mobilité quel que soit l’endroit où il habite et le milieu social dans lequel il se trouve. Même chose pour la tarification sociale, l’idée c’est que le droit à la mobilité soit accessible à tout le monde.

@qui.fr – Pour l’instant, quelques idées phares dont se sont emparés différents candidats ont occupé le devant de la scène médiatique : le grand emprunt vert, le RER métropolitain ou la gouvernance et le souhait du maintien de l’exception locale de la cogestion, par exemple. Quel regard portez-vous sur ces tendances et par quoi souhaiteriez-vous les abonder ?

E.A – Le grand emprunt vert, pourquoi pas, mais je pense qu’avant ça il faudra réaliser un audit important des réelles capacités financières actuelles de la ville avant de la rendetter de façon complémentaire. Comme pour le pacte finance-climat de Nouvelle-Donne que je soutiens parce qu’il met la finance au service de l’environnement, tout ça si la ville est capable de s’endetter plus. On est assez inquiets, même si les nouvelles mesures sont pour un versus écologique.

Le RER métropolitain, j’y suis favorable, l’idée est portée depuis des années par le Parti Communiste. On l’est d’autant plus quand on est une élue de la rive droite et qu’on s’est vu imposer la fermeture de la gare de la Benauge il y a plusieurs années. Ça permettra de créer des mobilités douces, de désengorger la place de la voiture et de réduire l’impact sur la qualité de l’air.

Concernant la gouvernance, je la porte dans l’équipe municipale actuelle, j’ai beaucoup travaillé avec les verts sur la place du citoyen, celle de l’opposition et la gouvernance avec les autres collectivités. Aujourd’hui, la ville de Bordeaux se positionne sur plein de politiques qui ne sont pas dans ses compétences. Dans un contexte de raréfaction de l’argent public, je pense qu’il faut apprendre à travailler avec les autres communes et ne pas faire de doublons juste pour avoir l’envie d’exister. Il y a une rationalisation à faire, en travaillant en intelligence avec toutes les collectivités, quelque soient leurs couleurs politiques. C’est une voie d’optimisation de l’argent public. Ce sont les idées qu’on développe depuis 2014 : accroître le budget participatif et le décliner par territoire, faire participer librement l’opposition dans les commissions locales (comme l’attribution de logements ou les places de crèches) pour aller vers une transparence, améliorer la place d’expression donnée à l’opposition – au lieu de lui donner un quart de page dans le journal municipal – notamment en lui proposant d’être à la tête d’une commission municipale. Je pense qu’il y a des co-constructions possibles qui n’amènent pas nécessairement une cogestion, qu’on peut sortir de la guerre de chapelles qui consiste à toujours placer l’opposition dans la critique, ce qui l’empêche de travailler de manière constructive. Il faut complètement sortir de ça.

@qui.fr – La métropole a récemment ouvert une grande concertation publique sur l’avenir des Boulevards, qui se déroulera en deux temps : la rive gauche d’abord et la droite dans un an. En tant que conseillère départementale élue dans le canton de Bordeaux Bastide, que pensez-vous de la place pour l’instant réservée à la rive droit sur la scène politique et, plus globalement, dans l’élection à venir ?

E.A – Aujourd’hui, la rive droite, on la voit beaucoup grâce notamment au rayonnement de Darwin. C’est d’une activité privée que cette résonance auprès des bordelais est venue. En dehors de ça, Bordeaux Bastide n’est qu’un grand chantier laissé à l’appétit de la promotion immobilière, sans cohérence ni gestion entre les projets. C’est une catastrophe. Mais le déséquilibre général, qui existait déjà, est en train de se creuser. Il existait déjà sur les mobilités : à la Benauge, il n’y a toujours pas de station vcub. La couverture de stations de la rive droite est déplorable, c’est peut-être un détail mais ça montre le retard qu’on a. Aujourd’hui, on nous dit qu’on va faire partie de la discussion des boulevards mais on met la rive droite en discussion un an après le début de la concertation sur la rive gauche. Il y a un problème de sécurité sur la Benauge qui est dramatique, personne ne s’en occupe. Il n’y a pas de moyens complémentaires, on ne nous a intégré dans aucun groupe de discussion auprès du préfet. Il n’y a pas de réflexion sur la particularité de cette rive droite. On n’associe pas les gens, on leur coupe le pont, ce qui est peut-être une bonne chose, mais c’était essentiel pour les gens. Il y a relativement peu de temps que la rive droite a été investie par la politique bordelaise, ça a quand même été un no-man’s land sous l’ère Chaban, ça a quand même été une terre qui a voté et qui vote encore très à gauche. Il n’y a aucun centre d’excellence universitaire à part la fac de Bastide qui est un petit bout de fac, aucun lieu universitaire, aucune activité économique forte qu’on a cherché à développer sur cette rive qui est en déséquilibre total. On l’inclue pour le calcul du pourcentage de logements sociaux de la métropole, mais pas quand on veut discuter des boulevards. Il y a une vraie question de cette modernisation d’un point de vue bipolaire.

Orientations stratégiques

@qui.fr – Concernant la stratégie de campagne, même si tout est encore un peu flou, comment comptez-vous participer dans les mois à venir ? Organiserez-vous des choses de votre côté et le PS sera-t-il force de proposition, même en cas de liste commune ?

E.A – J’espère bien, on a encore beaucoup de militants qui ont l’habitude de faire campagne et qui peuvent aider. On a des choses à dire, j’espère pouvoir être moteur sur certains sujets. Pour l’instant, les verts ne nous ont rien produit. Je vais me repositionner par voie de presse ou en m’exprimant sur des thèmes particuliers, non pas pour briguer une liste indépendante mais au moins une expression pour que les bordelais connaissent notre travail. Dans l’opposition municipale et en tant que collectivité locale départementale, on porte des valeurs et des messages très clairs qui peuvent-être portés. On a une complémentarité forte à apporter sur l’innovation, l’accompagnement, le développement social et l’Économie Sociale et Solidaire que n’ont peut-être pas autant les verts. Je veux qu’elle sorte. Je vais m’exprimer de plus en plus pour porter les couleurs du PS sur la scène politique bordelaise, d’autant plus quand on sait qu’il y a des gens de la société civile qui ont aussi envie de travailler avec nous pour porter des idées. Ça devrait arriver dans les prochaines semaines. 

@qui.fr – Si on vous dit « Pierre Hurmic maire de Bordeaux », qu’est-ce que ça vous évoque ?

E.A – Le premier mot qui me vient à l’esprit, c’est « alternatif ». Ça peut être un projet et une manière alternative de gérer la ville. Avoir de nouvelles lunettes qui permettent d’avoir une vision réelle des points forts et faibles de la ville, qu’aujourd’hui un héritier refuse de voir puisque c’est lui qui les a créés s’il accepte l’héritage. Une capacité de produire une politique pour résoudre les problèmes qui depuis dix ans, s’enkystent à Bordeaux. Un modernisme de gouvernance des personnes en place. Accepter de regarder différemment et de faire autrement.

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