Pesticides en Gironde : une charte des riverains qui divise


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Pesticides en Gironde : une charte des riverains qui divise

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 02/07/2020 PAR Romain Béteille

C’est une charte qui, un peu partout en France, fait encore débat. Baptisée « charte du bien vivre ensemble », elle a été élaborée par la Chambre d’Agriculture de la Gironde avec l’ensemble des filières, les organisations professionnelles et l’association des maires et vient d’être approuvée par la Préfète. La loi Égalim a en effet fixé des distances minimales entre les zones d’épandage de pesticides et les zones d’habitation : vingt mètres pour les produits les plus dangereux, dix mètres pour la viticulture et jusqu’à trois mètres « à condition d’avoir recours à des matériels de pulvérisation performants sur le plan environnemental », une dérogation permise par ladite charte.

Selon les chiffres officiels de la Chambre, 999 personnes ont contribué à cette concertation publique dont 58% d’agriculteurs et 30% de citoyens. 70% se sont déclarés « satisfaits ou très satisfaits » du proket de charte parmi tous les profils de répondants. La possibilité de réduire la distance à trois mètres, à condition d’avoir un matériel de réduction de la dérive des pulvérisations de produits phytopharmaceutiques « ne prend plus en compte d’autres conditions comme la présence de dispositifs végétalisés en attendant que ces autres dispositifs soient validés par l’ANSES ». En attendant une cellule spécifique mise en place dans le cadre du projet Vitirev, la charte prévoit qu’une cellule de médiation sera « momentanément » présidée par la Chambre d’Agriculture.

Une « farce » dénoncée

La charte, consultable dans son intégralité, est pourtant loin de satisfaire plusieurs associations environnementales. C’est le cas d’Alerte Pesticides Haute Gironde, qui fait état, le 10 mars dernier, de la demande d’une mesure plus contraignante concernant l’abandon des CMR, demande depuis refusée. Dans une lettre envoyée le 12 avril à la préfète signée aux côtés de l’association « Générations Futures », le contenu de la charte est estimé « totalement inadapté aux exigences de protection des riverains comme des professionnels ».

La réponse, reçue le 27 avril, la préfète « ne se prononce pas sur un projet de charte qui comporte des éléments de progrès, notamment en termes d’information préalable des riverains ». Pour la militante d’APHG, Sylvie Nony, la charte est « une farce, une tartufferie », de même que la concertation ayant eu lieu pour la mettre en place. « Elle parlait de tout sauf des mesures principales de cette charte : on ne demande jamais si les gens sont d’accord pour qu’on pulvérise à trois mètres de chez eux au lieu des dix mètres prévus par l’arrêté de décembre 2019.  Elle ne dit pas clairement que personne n’ira contrôler si les agriculteurs ont signé la charte ou pas. Et la charte ne prévoit rien d’autre que l’application de la loi et la possibilité d’y déroger si on un pulvérisateur un peu plus performant. Elle affirme la possibilité de prévenir les riverains par SMS mais refuse d’informer de la nature des produits épandus ». 

Contre-étude

Les deux associations, pour faire face à ce qu’elles dénoncent comme « le niveau zéro de la protection des riverains » (selon Cyril Giraud, représentant local de Générations Futures), ont mené leur propre consultation de leur côté. Elle a recueilli 230 réponses, essentiellement de citoyens et de riverains : onze élus, sept membres d’organismes agricoles, neuf salariés du monde agricole et dix agriculteurs exploitants ont aussi été interrogés. Résultat : 90% juge la réduction à trois mètres « injustifiée compte-tenu de la dangerosité des produits ».

L’engagement d’éviter les produits CMR n’est pas non plus perçue comme « suffisant » par 79,6% des personnes interrogées. L’appréciation de la possibilité de prévenir les riverains « au moins huit heures avant les traitements par sms » n’est pas moins tendre, jugeant la possibilité de donner des informations sur la nature des produits utilisés « indispensable » à 73,5%. « Aucun service administratif ne va enregistrer la signature des agriculteurs », termine la contre-consultation, ce qui est jugé « inadmissible » par 84,3% des sondés.

Ces résultats seront transmis prochainement à la préfète, Fabienne Buccio. La charte du bien vivre-ensemble, elle, doit encore passer plusieurs étapes, notamment des réunions d’informations interprofessionnelles, la transmission par courrier à l’ensemble des maires du département « avec proposition de l’afficher en mairie afin d’informer l’ensemble des habitants de son existence et de favoriser le dialogue dans les territoires ». « Nous voulons que les prochaines négociations soient de vraies négociations avec, sur la table, la nature des produits utilisés », termine Sylvie Nony. « On veut convaincre le monde agricole que, tôt ou tard, il faut qu’il change. Autant que ce soit avec nous ». 

Études nationales

Le débat risque de durer encore un moment, mais les choses avancent un peu du côté de la recherche. Ce jeudi 2 juillet, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a publié une première photographie nationale des pesticides présents dans l’air, présenté au Conseil national de l’Air. Les résultats précisent qu’il n’y a « pas d’alerte » à ce stade mais l’agence recommande tout de même des recherches plus approfondies sur 32 substances « prioritaires » (en raison de leurs effets potentiellement cancérogène ou perturbateurs endocriniens) étudiées, sur un total de 75, à partir d’une cinquantaine de sites en métropoles et outre-mer (50% en péri-urbain, 50% en zone rurale, 18% en viticulture). La majorité des capteurs mis en place pour cette étude, qui s’est déroulée entre juin 2018 et juin 2019, étaient placés à plus de 150 à 200 mètres de la première parcelle, excluant de fait les riverains des exploitations agricoles.

Ces travaux complémentaires devront aussi se pencher sur les autres voies d’exposition (notamment alimentaire ou cutanée). Toutefois, l’étude a aussi pointé du doigt plusieurs substances, notamment le lindane, insecticide retrouvé dans 80% des échantillons et interdit depuis 1998, le glyphosate (retrouvé dans 50% des échantillons) et le Folpel (fongicide, 25%). La majorité des capteurs mis en place pour l’étude de l’ANSES, qui s’est déroulée entre juin 2018 et juin 2019, ayant été placés à plus de 150 à 200 mètres de la première parcelle, excluant de fait les riverains des exploitations agricoles, qui devront donc encore attendre des résultats plus concluants. Ils pourraient être apportés par une autre étude, baptisée PestiRiv et mise en place par Santé Publique France, chargée d’examiner l’exposition des riverains immédiats. Elle débutera en 2021 dans les zones viticoles.

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