Les Indications Géographiques (IG), sont le résultat de l’attachement culturel et identitaire d’un produit à un terroir et à des savoir-faire. Mais ils ont aussi une vocation à être un facteur de valorisation économique pour les agriculteurs à travers la protection juridique qu’ils sont sensés garantir. Un équilibre délicat à trouver pour que ces IG n’aient pas vocation à la constitution «d’un »musée de cire des productions du monde » mais soient, bel et bien, le moteur vivant d’une économie assurant des revenus aux producteurs», a souligné Dominique Graciet, Président de la Chambre régionale d’Agriculture, co-organisateur de l’évènement, au côté de Coop de France Aquitaine.
A travers les interventions de Monique Bagal, Charles Perraud et Frédérique Duhart, c’est un tour du monde des démarches d’indication géographique qui a été proposé aux participants des Assises, de l’Afrique à l’Amérique Latine, en passant par l’Asie. Un voyage qui a mis en lumière les perceptions culturelles très variées des indications géographiques, mais aussi parfois, les dérives qui peuvent en découler, quand séduit par les sirènes du marché international, c’est dans la précipitation que se fait la mise en place d’une IG, dans ces pays « du nouveau monde » où l’appropriation du concept est elle aussi toute récente.
Démarche descendanteEn effet, des expériences de terrain remontées par les intervenants de ces Assises, deux certitudes au moins se font jour : d’une part, l’IG n’est pas un passe droit à une exportation réussie du produit ainsi protégé et, d’autre part, une procédure de protection menée à la « va-trop-vite » n’aura souvent pour conséquence (involontaire) que le mépris des intérêts réels et de long terme des producteurs sur le terrain. Autre constat observé par les différents experts dans ces pays, et qui n’est pas sans lien avec les deux précédents, « la logique souvent descendante de ces démarches », là où la conception européenne, et originelle, des IG entend à l’inverse une démarche de protection partant de la volonté collective de producteurs plutôt que de celle d’un Etat ou d’un exportateur, aussi puissant soit-il.
Et Charles Perraud de citer, en Asie notamment, de multiples exemples dans lesquels c’est bien des stratégies descendantes, visant à séduire un marché international plus qu’à protéger un patrimoine, qui se mettent en place. Des choix qui, constate-t-il, se font en dépit de filières souvent insuffisamment préparées notamment à l’aval, via des cahiers des charges « mal ficelés » et des procédures de contrôle rarement opérationnelles.
Culture, frontière et marketingAu final, malgré des efforts réels, un manque d’organisation globale ou d’appropriation de la démarche, qui peut ainsi peser sur les producteurs en lieu et place de les soutenir. Charles Perraud cite par exemple au Laos, la production du Riz « Petit poussin », dont la création de l’IG a eu pour conséquence d’attirer sur la zone en question de grandes productions industrielles vietnamiennes concurrentes aux petits producteurs traditionnels… Autre exemple au Mexique, cité par Frédéric Duhart, où en raison d’une délimitation territoriale approximative, « l’IG protège 3 villages de production d’un piment mais du même coup tue tous les villages voisins», eux aussi traditionnellement producteurs du même piment, mais hors de la zone sous IG…
Autre écueil souvent rencontré dans ces pays : la volonté de s’appuyer sur une IG pour lancer à l’export des produits en réalité déjà peu connus ou peu consommés sur leur propre territoire. C’est notamment le cas de plusieurs essences de café, dans des pays où les populations n’en boivent pas… Là encore le constat est sans appel pour les intervenants : « une IG ne s’exportera bien que si le produit qui la concerne est d’abord reconnu sur son propre territoire ». Un constat qui souligne à lui seul qu’outre une culture du produit, et une frontière qui la détermine dans sa zone de production, qu’il n’y a pas d’IG commercialement efficace sans marketing non plus…
« Vocation à l’universalité »Si, au bilan des ces Assises 2015, il ressort bel et bien qu’un certain nombre de démarches d’IG nouvelles semblent encore perfectibles, leur création est tout de même une bonne nouvelle pour les états comme la France, où le dispositif est plus ancien. Car en effet, ce n’est que par la multiplication des régimes de protection des IG, et donc la compréhension des atouts de ces dispositifs, que la réciprocité de leur protection juridique sera acquise au niveau international… et donc au final, d’autant plus efficace en terme de valorisation pour les producteurs.
Quant aux Etats les plus « sceptiques », selon l’expression de Monique Bagal, sur les politiques d’identification géographique, Jean-Luc Dairien, reste tout de même optimiste. Selon le directeur de l’INAO, dont la structure fête ses 80 ans cette année, ce type d’organisation de production agricole a bel et bien « vocation à l’universalité » ; et ce malgré des regards culturels divers. La multiplication de ces démarches depuis un décennie plaide d’ailleurs dans ce sens, sans que pour autant, et fort heureusement, universalité vaille uniformité.