« Laissons faire la nature » ne cesse de répéter cet élu basque, qui est aussi le vice-président du Conseil régional d’Aquitaine. « C’est vrai que les deux mâles que l’on trouve dans la partie occidentale des Pyrénées sont isolés et qu’ils ne sortent pas beaucoup de leur territoire. Mais, à un moment donné, ils le feront et prendront possession d’autres espaces » estime-t-il. Tout en ajoutant, au risque de faire de la provocation, qu’il n’est pas non plus certain que des femelles réintroduites à l’ouest, plaisent aux célibataires que sont aujourd’hui Néré et Cannellito.
Un même raisonnement est appliqué aux ours qui se trouvent dans l’aire centrale des Pyrénées. « Je ne doute pas qu’ils s’étendront. Viendront-ils en Béarn avant le décès des deux autres ? Je n’en sais rien. Mais il y aura forcément une recolonisation ».
Des femelles qui bougent peuLe moins que l’on puisse en dire, c’est que les partisans des réintroductions sont sur une autre longueur d’onde. Car un ours ne se déplace pas comme nous prendrions notre voiture, rappellent-ils.
« Les jeunes femelles s’installent en périphérie du territoire de leur mère, avec une superposition partielle » explique Alain Reynes, le directeur de Pays de l’ours-Adet, en décrivant ce que les spécialistes appellent la technique du tuilage. « De plus, autant de jeunes mâles peuvent effectuer des déplacements importants, autant ce n’est pas le cas des femelles ».
Résultat : « Depuis 1996, la femelle la plus éloignée de la partie centrale s’en trouve à 40 ou 50 kilomètres. Tout cela va très lentement en termes de territoires. Et cela ne fonctionne qu’à condition que les secteurs intermédiaires, entre le centre et l’ouest, soient favorables à la réintroduction ». Ce qui n’est, dit-il, pas le cas de certaines parties des Hautes-Pyrénées, moins élevées et surtout moins boisées. Car l’ours est d’abord un animal de forêts.
« L’espoir de restaurer une population ursine en Pyrénées occidentales à partie du secteur central n’est donc pas envisageable. Y compris sur plusieurs dizaines d’années ».
Une méthode lente en terrain minéFace aux arguments de ceux qu’il appelle « les groupes écologistes », François Maïtia craint toutefois la surenchère. « On nous dit qu’il n’y a plus d’ours en vallée d’Aspe et d’Ossau et qu’il faut en réintroduire. Ce dont j’ai peur, c’est qu’ensuite on déplore qu’il n’y en ait pas à Arette, à Issor ou dans telle ou telle commune ».
« Encore une fois, les ours sont présents dans le massif. Quand Chantal Jouanno, la secrétaire d’État, est intervenue sur le sujet, il y en avait une quinzaine. Maintenant, on est à la trentaine. Laissons les faire. Évidemment, ce sera plus lent que les réintroductions. Mais ce sera également mieux accepté sur le terrain » poursuit l’élu, qui sait que l’on marche ici en terrain miné.
« Les bergers estiment que cet espace est le leur et, même si certains écologistes extrêmes ne le disent jamais franchement, ils pensent que l’on veut les en chasser. Ce sont des éléments dont je tiens compte. Il ne faut pas poser cette question en termes d’affrontement. Aujourd’hui, une très large majorité du Comité de massif est sur la ligne que je viens de décrire ».
Ségolène Royal invitée dans les PyrénéesUne telle attitude n’a rien à voir avec de l’obstruction, assure François Maïtia. Ainsi, lorsque les tenants de la réintroduction lui reprochent par exemple d’avoir reporté aux calendes grecques le débat prévu sur l’ours au sein du Comité de massif, en mars dernier, il répond que cette assemblée avait d’autres sujets à traiter en priorité. Telle, la convention interrégionale de massif qui met en œuvre près de 165 millions d’euros de crédits d’origines divers (Etat, Régions, Europe etc.).
Débat, il y aura, mais plus tard, dit-il. En souhaitant fortement que Ségolène Royal vienne dans la région pour participer aux discussions. « L’invitation lui a été transmise. Je crois qu’elle y est sensible. Avec son cabinet, la date du 27 octobre a été approchée. Mais, laisse-t-on entendre, il y a peu de chances pour que la ministre soit là. Une autre personne alors ? Oui, si c’est quelqu’un de haut rang ».
Des humains à ne pas oublierPrésent depuis plus d’une dizaine d’années à la tête du comité de massif, François Maïtia quittera ses fonctions à la fin de l’année. « Ce débat m’aura occupé pendant toute la durée de mon mandat. J’aimerais bien conclure » dit-il.
Une réponse nuancée est toutefois apportée lorsqu’on lui demande s’il considère que l’ours est une richesse pour les Pyrénées. « La biodiversité pyrénéenne est extrêmement riche. Je pourrais citer l’exemple du bouquetin ibérique, que l’on vient de réintroduire, ou du déplacement de l’isard dans la montagne basque. On fait beaucoup de tort à l’ours en pensant qu’il constitue le seul élément de cet ensemble. »
« Enfin, selon moi, la biodiversité la plus grande est humaine. Celle qui permet de continuer à avoir des bergers dans nos montagnes, et de les voir aujourd’hui y monter avec leur famille. Mais, cette biodiversité-là, personne n’en parle ».