Sur l’ensemble de la côte Atlantique, l’Observatoire Pelagis à La Rochelle estime à quelque 700 dauphins et marsouins échoués depuis début janvier. « Malheureusement, c’est un chiffre qui augmente de jour en jour », précise Vincent Ridoux, professeur à l’Université de La Rochelle attaché à l’Observatoire Pelagis, « comparé à l’an dernier, de date à date, nous sommes en gros sur les mêmes chiffres que l’an dernier. C’est encore trop tôt pour estimer à combien nous serons d’ici la fin de l’hiver, mais on sait déjà que le chiffre sera très élevé ».
Les dauphins retrouvés cet hiver sur la côte atlantique sont essentiellement de jeunes dauphins bien portants ou des femelles allaitantes / crédit Ré Nature Environnement
Encore en ce début 2020, les dauphins échoués sont globalement des animaux bien portants, avec une majorité de femelles allaitantes et de très jeunes dauphins. La plupart présente des blessures type fractures, amputations, marques cutanées, voire des éventrations, correspondant à des instruments de pêche. Concentrés sur une période de début janvier à fin mars, ces pics de mortalité annuels correspondent à la saison de pêche, en particulier du bar et du merlu dans le golf de Gascogne – zone où se nourrissent également de nombreux cétacés.
L’an dernier, l’Observatoire Pelagis et plusieurs associations environnementales avaient alerté sur la situation. Le ministre de l’écologie de l’époque, François de Rugy, avait alors promis un grand plan de sauvegarde des cétacés, censé être présenté fin 2019, pour une mise en application en 2020. Ce plan serait toujours en cours de rédaction et de consultation des experts (1).
Basé à La Rochelle dans le quartier de l’Université, l’Observatoire Pelagis observe une hausse de la mortalité des dauphins depuis quatre ans / crédit Archives Anne-Lise Durif
Quelques avancées ont toutefois été permises. « Un groupe de travail constitué par le ministère de l’écologie en 2017 s’est penché depuis sur la réglementation de la pêche, en vue d’obliger davantage les pêcheurs à déclarer les captures accidentelles de dauphins durant leurs sorties, car nous n’obtenions que trois ou quatre déclarations par an, ce qui n’est rien comparé au millier d’échouages annuels constatés depuis quatre ans », explique Vincent Ridoux. La révision du décret concerné a notamment permis une meilleure mise en adéquation entre les techniques de déclarations de captures et les outils utilisés par les pêcheurs. L’Observatoire Pelagis a ainsi vu remonter 25 rapports de captures depuis mi-janvier. « On constate une petite mobilisation des pêcheurs, mais ça reste encore faible », constate Vincent Ridoux.
Autre initiative : une pêcherie de Bretagne a accepté d’embarquer des observateurs sur ses campagnes de pêche et mis en place des pingers (répulsif acoustique, alarme acoustique) sur ses filets. « L’expérience est concluante : ça a permis de réduire le taux de captures accidentelles de 60% », se réjouit l’universitaire, « malheureusement, une seule pêcherie qui s’y met, c’est trop peu pour avoir un impact significatif sur l’ensemble des populations ». Impossible de dire non plus si l’arrêté pris en décembre par la préfète de région Fabienne Buccio, fermant définitivement la pêche au chalut pélagique (2) sur le plateau de Rochebonne (au large de la Vendée et de la Charente-Maritime), a eu un quelconque effet. Au-delà du manque de moyens de contrôle, le chalut pélagique n’est pas le seul responsable des mortalités de cétacés : les chaluts de fond (3) et les filets maillants (4) auraient également un impact important.
(1) Contacté le 9 mars, le ministère de l’écologie n’a toujours pas répondu à notre demande d’information.
(2) Le chalut pélagique désigne un filet à grande ouverture lesté en partie basse par une gueuse.
(3) Filet longeant le fond de l’eau, à grande ou petite ouverture.
(4) Filet rectangulaire vertical, statique, qui, laissé posé plusieurs heures ou jours, piègent les animaux par les branchies ou par emmêlement des membres.