Alors jeune journaliste, Raphaëlle Bacqué est reçu en 1991 quai Branly par François de Grossouvre. Chargé de mission auprès du Président de la République, l’homme tient un discours véhément à l’égard de son ami François Mitterrand. Trois ans plus tard, comme une provocation, François de Grossouvre se suicide au cœur même de l’Elysée le 7 avril 1994. Devant un parterre de passionnés de politique à Talence, la journaliste du Monde Raphaëlle Bacqué relate comment elle en est arrivé à convaincre son éditeur à publier cette enquête qui raconte la chute de cet homme de l’ombre devenu « le fantôme de l’Elysée ». « Une bonne histoire est d’abord une histoire qui vous intéresse et intéressera donc le lecteur, explique la journaliste. Celle-ci fait appel à des ressorts affectifs, psychologiques et historiques, en somme elle montre les ressorts du pouvoir. » Et c’est cela qui passionne.
Les deux hommes se sont rencontrés par l’intermédiaire de Pierre Mendès-France et Françoise Giroud, François de Grossouvre étant l’un des financiers de l’Express. Grossouvre tombe en admiration devant Mitterrand avec qui il partage un passé commun. Entrés tous deux tardivement en résistance durant la guerre, les deux François ont ce même amour de la France et de sa Province. Propriétaire d’une maison dans l’Allier, François de Grossouvre y convia régulièrement François Mitterrand et Anne Pingeot et devint même le parrain de Mazarine à qui il apprit à monter à cheval. François de Grossouvre a lui aussi une double vie. Nicole, « une femme très séduisante et très intelligente » selon la journaliste qui a mis plusieurs mois avant de la convaincre de témoigner. Ils vivent quai Branly à Paris durant treize ans au dessus de l’appartement de Anne Pingeot, et en ce soir de 1994, Nicole sera expulsée en à peine deux heures.
« Les lambeaux de ce qu’espérait Grossouvre »
L’industriel lyonnais, médecin de formation, pensait conserver une relation égalitaire avec François Mitterrand. Dès son accession à l’Elysée, le nouveau Président confie les dossiers sensibles à François de Grossouvre qui se rêvait patron des renseignements. « Diriger les services secrets nécessite certaines compétences, François de Grossouvre ne les a pas, » indique Raphaëlle Bacqué provocant quelques rires amusés dans l’assistance. « Au bout d’un an, Grossouvre se voit confier les chasses présidentielles qui sont, à l’époque, l’expression de la monarchisation du pouvoir mitterrandien. Mais pour Grossouvre, ces attributions ne sont que les lambeaux de ce qu’il espérait. »
L’humiliation ressentie par François de Grossouvre se transforme peu à peu en haine envers son ami qui s’est lentement détaché sans jamais rompre vraiment. Un Mitterrand très présent, parfois même « un peu envahissant comme second rôle » dans ce livre où il est décrit comme « séduisant et ignoble » par la journaliste qui visiblement aime ces personnages romanesques. Interpellée par l’auditoire sur ses projets à venir, Raphaëlle Bacqué affirme que « Nicolas Sarkozy est, dans son genre, également un personnage romanesque. Mais il est trop tôt, selon elle, pour écrire quoi que ce soit sur lui. » Présente lors de la dernière visite du Président à Bordeaux, la journaliste avoue avoir été « frappée de voir que Nicolas Sarkozy n’accroche plus la lumière. »
En attendant, Le dernier mort de Mitterrand va faire l’objet d’une adaptation cinématographique avec aux commandes Marc Dugain et dans les rôles principaux André Dussollier et peut être Fabrice Lucchini. Mais rien n’est encore joué.
Crédit photo : Aqui.fr – Le livre de Poche – Tous droits réservés
Audrey Chabal