Le ton est désopilant, un vrai régal de second degré. On rit beaucoup, compatissant à cette situation de déshérence, à mi-chemin entre le singe au zoo que personne ne regarde, et l’ethnologue qui, lui, ne perd pas une miette de cette France en vacances, plus prompte à découvrir un certain Point de vue illustré des images du monde, plutôt que de lire un livre au sujet jugé trop peu drôle. Exercice difficile, décrit là avec une verdeur rafraîchissante, dans la complicité établie entre l’auteur et le lecteur : « Vous qui me lisez, regardez un peu ceux qui ne me lisent pas » et, en même temps, « qu’il est difficile d’être réellement lu » ; ce qui peut être résumé par la sentence sans appel d’un des estivants, non lecteur mais ô combien philosophe : « c’est trop con de pas avoir de succès ».
C’est dit crûment mais sûrement ! Mais, là tient aussi toute la réflexion du livre, car si l’écrivain fait la signature, la signature fait aussi l’écrivain. Cet être humain étrange qui souvent se balade avec, en tête, une multitude de personnages à naître, mais qui écrit toujours seul. Il observe le monde, tente de tout voir et de tout ressentir, « percer de l’autre son mystère », mais en même temps réalise combien le contact avec cet autre est chose difficile. Il cherche à faire souvent œuvre d’orfèvre, à ciseler ses mots afin d’en trouver le ton juste, pour se heurter enfin au dédain de beaucoup, en attente de quelque chose de simplement « facile à lire ». Réflexion sur l’acte d’écrire, et de « signer » un livre, non pas sur la page de garde, ce qui est finalement bien incongru, mais à l’issu du point final. Réflexion aussi, parce que le formica peut se révéler finalement un fantastique miroir où l’écrivain se découvre avec ses fulgurances et ses incertitudes.
« La signature » est un livre génial de drôlerie et par l’idée qui en est à l’origine. Que le public ose, sans inquiétude aucune, s’en approcher, car c’est un livre facile à lire ! Mais que les amoureux de la littérature, aussi, se rassurent, c’est surtout un vrai talent d’auteur. De celui qui persiste et qui signe, et à qui l’on souhaite un grand succès, d’estime et commercial !
Photo: couverture de l’ouvrage, éditions l’Escampette tous droits réservés.
Anne DUPREZ
La signature, Allain Glykos, l’Escampette éditions. 128 pages, 15€, « très bon rapport qualité-prix »!L’Escampette, BP7, 86300 Chauvigny.