Attention, l’écriture intransigeante de Bernard Manciet ne s’offre pas à la légère. Mais en même temps elle fouaille jusqu’aux sources du vrai. Imaginez une ligne de frissons au creux du dos lorsque la pluie soudain inonde, glaciale et acérée, et en même temps révélatrice d’une autre réalité, comme lorsque la photo émerge du bac d’acide, et avec elle d’autres images que ce que la pensée, au départ, avait attendu. On lit » Un hiver » et on se demande: qui sont ces personnages, aux émotions à fleur de peau, à fleur de sel, de terre, d’espoir et de désespérance? L’un dit « Je » puis « Nous » sans qu’il nous soit dit clairement qui… Mais est-ce là l’essentiel?
Aveugle quant à l’identité de celui ou celle, ou ceux, que l’on suit dans le sillage de leur auteur, l’attention se porte ailleurs. Aux sensations. Du coup, on est celui, ou celle, ou ceux, qui errent, qui s’éblouissent dans la lumière, qui ont froid, qui espèrent ou désespèrent. Et n’est- ce pas cela, la poésie? Donner à ressentir des images…
« Un des plus grands auteurs gascons du XXème siècle »… Bernard Manciet est bien un grand poète, sans concession tendu vers la beauté tranchante d’une écriture aux multiples éclats de lumières et d’ombres. Fascinant, parfois inaccessible en même temps qu’enchanteur. Un poète « gascon »: « Un hiver » est publié dans les deux langues, en une version miroir où Français et Occitan se répondent et apportent chacun une couleur différente à l’autre. Et, en miroir à l’écriture de Bernard Manciet, cette proximité de la langue des origines prend tout son sens. Elle aussi est sensation, musique, vérité originelle.
A lire, et à garder pour y revenir. Comme on revient marcher sur la terre lourde, entre les ombres fraîches de la forêt, ou sur le sable fuyant au vent, pour, comme Bernard Manciet lui-même, être » du grand soleil » et » de la lumière de la nuit ».
Anne DUPREZ
L’Escampette éditions, 5 rue des Rampes, 86300 CHAUVIGNY. 05.49.61.20.87