@qui!- Dans le paysage politique nouveau qui naît de l’élection présidentielle on peut s’interroger sur les intentions du nouveau pouvoir, au regard de la réforme territoriale et, en particulier, de l’idée chère au maire de Lyon, devenu ministre de l’intérieur, selon laquelle dans les départements où il existe une métropole, celle-ci pourrait prendre l’ascendant sur le département… A Bordeaux et en Gironde vous avez, avec Alain Juppé, président de la métropole déjà organisé le transfert des compétences…
Jean-Luc Gleyze – Nous avons appliqué la loi. Ce que j’ai compris des échanges que j’ai pu avoir avec Alain Juppé, c’est qu’il n’avait pas la volonté d’aller plus loin: il était possible, dans le cadre de négociations à mener, d’aller vers le transfert de quatre à neuf compétences, une compétence obligatoire à transférer qui était les routes et, ensuite, à minima, trois compétences complémentaires pour éventuellement aller jusqu’à neuf. Le choix, très clairement, dès la première rencontre que nous avons eue, aussi bien le président de la métropole que moi-même, était une option minimaliste. Il n’y avait pas, de sa part, l’intention de récupérer les compétences du département et c’était une condition sine qua non pour que nos soyons à minima car sans accord entre nos deux collectivités, il y aurait eu transfert automatique de neuf compétences. (1)
J’ai tendance à penser que ce qui a été opéré est plutôt intéressant car en dehors des routes qui ne posaient pas, à priori, de problèmes particuliers quant aux limites des périmètres et la valeur des transferts, ce qui a été transféré n’en a pas posé non plus: le tourisme de la métropole en tant que tel n’a pas posé de problème car ça fonctionnait déjà avec l ‘Office du tourisme métropolitain; notre souci était de le mettre en lien avec Gironde Tourisme pour que les touristes qui viennent sur la métropole puissent ensuite irriguer le territoire départemental. Et que nous puissions les amener à visiter d’autres lieux que les endroits phares que sont Saint-Emilion, la route des châteaux en Médoc et le Bassin d’Arcachon. Cette complémentarité était intéressante.
Le Fonds social Logement est un transfert qui amène la métropole à siéger au sein du GIE du Fonds de solidarité logment; c’est un partenaire complémentaire qui a voix au chapitre sur son périmètre métropolitain, en plus de la Caisse d’Allocation Familiale du département qui siège déjà. Quant au Fonds d’aide aux jeunes, nous étions rapidement d’accord pour le transfert. J’ai donc tendance à penser que la question des transferts ne soulène pas de débats majeurs et que cela est relativement indolore pour les uns et les autres. Pour tout le reste des compétences sociales et associées, il y a du sens à ce que nous gardions, au département, toutes celles liées aux solidarités pour un exercice global de l’accompagnement social sur l’ensemble du département, métropole incluse.
Bordeaux n’est pas Lyon et la Gironde n’est pas le Rhône
@qui! – Pour l’instant on ne sait pas s’il existe une volonté de l’Etat d’aller plus loin, à moins qu’il ne veuille poser la question des effectifs des collectivités…
J.L G – Je crois avoir compris qu’Emmanuel Macron ne semblait pas vouloir à nouveau de réforme territoriale de grande ampleur car il y avait suffisamment de réformes dans les années qui ont précédé En revanche, j’ai vu l’idée selon laquelle sur les départements qui ont une métropole, il pourrait y avoir une réflexion un peu à « la lyonnaise » d’une collectivité unique sur l’espace métropolitain mais qui serait partagée et non imposée. Et j’ai envie de dire que l’exemple lyonnais n’est pas facilement reproductible dans un département comme le nôtre. Là bas, ils sont 59 communes sur l’agglomération dans un département qui compte 218 communes; ici nous sommes 28 sur la métropole dans un département qui en a au total 538!
@qui! – Et la Gironde est le plus grand département de France…
J.L G – Certes, et n’oublions pas que 50% de la population est sur 30% du territoire dans la métropole, et que l’autre 50% habite 70% du reste du territoire. Il y a d’autres enjeux et le résultat des élections témoigne de la nécessité ne pas déconnecter la métropole des territoires périphérqiues et ruraux. Au contraitre, il faut voir de quelle manière nous travaillons à un aménagement du territoire plus équilibré pour faire en sorte que les bassins de vie et d’emploi évitent les sentiments de décrochage, la question des mobilités domicile-travail, les engorgements aux approches de la métropole… Celle-ci ne peut pas considérer qu’elle est hors sol par rapport au reste du territoire et, au contraire, plus nous ajusterons nos politiques, en partenariat, plus nous favoriserons un épanouissemnt de l’ensemble de la Gironde, dans les meilleures conditions possibles. Noublions jamais que la métropole tire son eau potable du secteur rural, que la métropole tire une grande partie de sa main d’oeuvre des secteurs periphériques, que les produits agricoles proviennent pour l’essentiel, hors la zone maraichère de la métropole, du reste du département. Quoiqu’il en soit l’inter-relation et la transfusion entre les deux collectivités sont une réalité, au quotidien.
Besoin de valeurs de gauche à l’Assemblée nationale
@quii – S’agissant des élections, vous avez fait campagne pour le candidat socialiste qui a gagné la primaire, Benoït Hamon. Quand, aujourd’hui, à quelques jours des législatives, vous observez la campagne, est-ce que vous pensez que l’on s’oriente vers une élection sur le mode » il faut une majorité au président », et peu importe que le candidat, la candidate, soient peu connus et implantés dans la circonscription ou pensez-vous, s’agissant du PS, qu’il peut y avoir un retour au bercail des électeurs qui avaient voté » France Insoumise »?
J.L G – Le sentiment qui émerge du terrain est très difficile à évaluer car l’effet habituel observé sur les élections plus classiques, une dynamique aux législatives venant confirmer l’élection présidentielle, débouchant sur une alternance droite-gauche, n’est plus là. Nous sommes dans un contexte nouveau car celui qui a émergé et est devenu président de la république ne provenait pas des partis traditionnels mais d’un mouvement qui tend, d’ailleurs, à devenir un parti. On peut supposer qu’une partie des citoyens qui ont voté pour lui vont vouloir lui confier une majorité. Pour autant, par rapport à la dispersion possible des votes, quand on voit plus de 20 candidats dans certaines circonscriptions, on peut supposer que les électeurs reviendront un peu dans les cases. Les partis traditionnels sont dans une telle capilotade qu’ils ont quelques difficultés à essayer de raccrocher les électeurs dont ils ont besoin. Je crois d’abord, beaucoup, à l’incarnation par les personnes et suis convaincu que même pour des législatives, c’est une dimension qui reste valable. A ce titre, certains peuvent avoir envie de voter pour un candidat, une candidate parce qu’il ou elle peut incarner la fonction. Cependant, une candidate me disait, il y a peu, qu’ il y avait plus d’avantages à se présenter, cette fois-ci, quand ont est peu connue que quand on l’est. Traditionnellement, le fait d’avoir l’expérience, d’avoir un bilan, permettait de consolider la légitimité par rapport à l’électorat. J’ai l’impression que cette envie de renouveau exprimée par les présidentielles peut se traduire aux législatives par rapport aux élections antérieures… Le vrai risque, s’il y avait échec de la mandature qui s’annonce, serait que les extrêmes constituent la réelle opposition dans ce pays, face à ce qui est devenue une grande masse qui n’est plus de droite ni de gauche.
@qui! – L’une des interrogations de ces élections sera de mesurer ce qu’il va rester du niveau du vote Front National dans des circonscriptions où il a atteint de gros scores.
J.L G – C’est une vraie question. Nous avons, en effet, pour le département des indicateurs inquiétants sur certains secteurs et généralement en corrélation avec le croissant de pauvreté. Va-t-il y avoir confirmation du vote présidentiel? Je considère que ce qui s’est exprimé au second tour de la présidentielle me semble fortement marqué, non pas d’une adhésion aux idées du FN, mais plutôt d’une envie de renverser la table en arguant des services publics, de la mobilité, de la précarité….Le vrai risque s’il y avait échec de la mandature qui s’annonce serait que les extrêmes constituent la réelle opposition dans ce pays, face à ce qui est devenue une grande masse qui n’est plus de droite ni de gauche.
Pour en revenir a la question: que peut-on attendre des députés à venir face au programme d’un président qui prétend embrasser large? A un moment donné cela conduira, inévitablement, à différentes visions de la société. Certains textes de loi justifieront l’opposition d’élus de gauche, porteurs de vraies valeurs de gauche, de valeurs socialistes.
Les pactes suscitent un vrai engouement
@qui! – Le département, pour en revenir à ses missions a mis en place, voilà un an et demi une politique territoriale basée sur des pactes en étroite association avec le terrain? Quel premier bilan en faites-vous?
J.L G – Je suis, en premier lieu, satisfait de l’engouement suscité, du nombre de personnes qui sont venues dans la période des réunions d’étapes mais, surtout, de la durée de cet engouement, de cet engagement. On pouvait craindre, au départ, Christine Bost et moi, qu’une fois passées les premières réunions où tous les élus venaient, les présidents des associations, les représentants de l’économie, ces premières réunions où on ne leur vendait pas forcément une politique de guichets, comme à l’ancienne, ils auraient eu plutôt tendance à se dire: ça ne m’intéresse plus, j’ai autre chose à faire que de venir faire de la réunionite pour le département… En réalité, on s’est rendu compte, au fil des mois, que le coté constructif des contributions, la vision territoriale, l’envie de la façonner ensemble perdure et est très enthousiasmante; je vois se dessiner, progressivement, les contours de ce qui deviennent des projets de territoire. C’est une nouvelle manière de construire une politique publique en concertation avec le terrain, de la donner à voir à ceux qui sont nos partenaires, beaucoup moins dans la logique de guichet que dans une logique de construction concertée. Je trouve beaucoup de vertus à ce fonctionnement là. j’ai l’habitude de dire que le contenu des pactes ne sera connu qu’à la fin de la mandature.. Habituellement, nous avions des règlements, des conventions par lesquels nous définissions ce que nous allions aider . Si le projet entrait dans les cases nous l’aidions. Désormais, nous sommes en train de définir, avec le terrain, ce qui peut être utile, intéressant, important et à partir de là ce qui est susceptible de financement, y compris au-delà du régime de droit commun. Et, cela, c’est une nouvelle façon de considérer la politique. Nous avons voté, en décembre dernier, la version zéro des pactes territoriaux qui étaient l’inventaire des projets -3800 sur l’ensemble du territoire – dans un an, avec la version une nous aurons, déjà, la première vision de ce que nous avons aidé, contribué à faire émerger, soit financièrement, soit en apport de matière grise, soit en coordination,. En version 2 nous aurons deux années de pacte et ainsi de suite, jusqu’en 2021 où, en mars, nous serons capables de dire: voilà ce qu’ont été les pactes territoriaux.
@qui! – Et puis il y a ce nouvel outil d’aide à tous les acteurs de la vie du département que vous venez de lancer, « Gironde Ressources ».
J.L G – Il est intimement lié aux pactes et à l’idée de ce que peut apporter le département, hors financement direct, dans un accompagnement en matière grise, en expertise, en ingénierie avec les 125 métiers qui sont, ici, présents au sein du Conseil départemental. Lors de la journée des maires, à la Foire de Bordeaux et au Salon de l’Agriculture, avec 250 maires présents, des présidents de communautés de communes ou d’agglomérations, de syndicats qui ont déjà adhéré à Gironde Ressources l’intérêt manifesté a été très fort. L’engouement va se confirmer pour un moindre coût – 50 euros par an et par collectivité -et avec un déploiement important. L’ambition c’est d’arriver, à terme, à une sorte de catalogue de la Gironde présentant, thématique par thématique et fiche action par fiche action – vous voulez travailler sur la clause d’insertion dans les marchés publics? Nous décrivons l’action, les prestations proposées, l’action en complément, les personnes ressources nous pouvons faire la même chose pour aménager, développer les zones d’activités économiques ou aider à la décision sur le patrimoine communal…. Quand on pense que 90% des communes doivent être à moins de mille habitants, ont un secrétariat de mairie, parfois un deuxième employé et quelques agents techniques et c’est à peu près tout, elles ont vraiment ont besoin d’appui, de compétences juridiques entre autre, qu’elles trouveront dans une collectivité comme la nôtre.
La viticulture touchée par le gel: délibération prochaine
@qui! – La viticulture girondine vient d’être durement affectée par le gel qui a compromis la récolte de cette année. Vous vous êtes rendu compte, sur le terrain, de la situation. Comment le département peut-il apporter son soutien à la profession, à la filière? La région vient de décider une enveloppe de 3 millions d’euros…
J.L G – Cet épisode de gel a, en effet, été d’une rare intensité mais nous nous sommes trouvé confrontés à plusieurs événements du même type, la grêle ou encore la sécheresse qui avait privé les éleveurs de fourrage.. ce n’est hélas pas nouveau une crise climatique sur un environemment agricole et, dieu sait, si la Gironde est un département agricole, et notamment viticole.. Ce qui est nouveau pour nous, c’est que nous ne pouvons plus, de façon autonome et souveraine, décider d’une politique publique, en réponse à cette situation de crise. Il faut, désormais, que ce soit la Région qui donne le la et accepte de conventionner, avec nous, pour que nous puissions être co-acteurs. La région a débloqué 3 millions d’euros, c’est une bonne nouvelle. Maintenant, il faut que nous regardions comment l’accompagner et nous le ferons, notamment, en fonction de la précarité, de la fragilité d’un certain nombre d’exploitations: garantir un accès très rapide au RSA pour faire en sorte que ceux qui sont les plus en difficulté puissent, au moins, faire face avec un revenu qui leur soit accordé, exploitants, comme salariés. Des mesures sociales d’accompagnement peuvent aussi être mobilisées, à notre niveau et c’est un travail, aujourd’hui, qui est accompli par Bernard Castagnet en lien, notamment, avec la Mutualité Sociale Agricole. Nous passerons une délibération spécifique, en ce mois de juin, concenant les aides que nous pouvons apporter pour le gel. Nous continuons, par ailleurs, à aider l’adelfa qui déploie les canons à grêle sur l’ensemble du département et nous nous sommes beaucoup battus pour que les viticulteurs s’assurent et que nous les aidions pour l’assurance grêle pendant les trois premières années, de manière à embrayer la mécanique. J’ai eu l’occasion de rencontrer des viticulteurs en en Nord Gironde qui étaient assurés et ne le regrettaient pas mais il reste encore beaucoup de pédagogie à faire.
1. Bordeaux métropole et le Département de la Gironde ont signé le 20 janvier dernier, par la main de leur président respectif, le transfert de quatre compétences de la collectivité départementale vers la Métropole, en application de la loi NOTRe. Une signature portée par les flots de la Garonne, la cérémonie ayant eu lieu à bord du Marco Polo, amarré au Ponton d’honneur, à Bordeaux.
Un accord reconnu « a minima » par rapport aux obligations posées par la loi, qui autorisat entre 4 et 9 compétences transférées, mais qui visiblement satisfait les deux parties. Alain Juppé signalant là « un accord équilibré », et Jean-Luc Gleyze « une étape supplémentaire dans la collaboration fructueuse de la Métropole et du Département».
Ces transferts de compétence concernent donc, dans la limite du périmètre de la Métropole bien sûr, la gestion des routes, soit près de 130 km de routes et 56 ouvrages d’art, l’aide aux jeunes en difficulté, l’aide aux personnes défavorisées à accéder à un logement, concrétisé par l’entrée de la Métropole dans le Groupement d’intérêt public du Fonds de solidarité logement, et enfin, le tourisme. En termes de ressources humaines, 22,9 équivalents temps pleins sont concernés par ces transferts, ainsi que des biens immobiliers et du matériel roulant.
En contrepartie de ces transferts, le Département versera une dotation de compensation de 6,5 M€ par an à la Métropole. En outre, signe de la bonne collaboration entre les deux collectivités, Alain Juppé a également souligné, dans le cadre de cet accord, le soutien du Conseil départemental dans divers projets portés par la Métropole que sont la rénovation de la digue de la presqu’île d’Ambès pour 5 M€, le projet de champ captant des landes du Médoc pour 10 M€, enfin, la construction du nouveau Hall2 du Parc des expositions pour 5 M€.