Nommé en 2017 en remplacement d’Alain David, devenu le seul député PS de Gironde, le socialiste Jean-François Egron a mis les formes ce jeudi 12 décembre pour annoncer sa candidature aux prochaines élections municipales. C’est loin d’être un premier de cordée : le PS, il l’a rejoint en 1989, et il a depuis été dans les coulisses de nombreuses campagnes. Pour 2020, il a donc décidé de se présenter sur une liste peu commune par les temps qui courent (surtout lorsqu’on regarde sur la rive d’en face) : celle d’une union de la gauche. « À un moment où on pense que les partis politiques se désagrègent et sont isolés les uns des autres, on voulait rassembler la gauche. C’est la raison pour laquelle EELV, le PC, la France Insoumise et le PS se sont rassemblés à Cenon. C’est un objectif que je m’étais fixé, mais nous avons aussi des citoyens engagés qui sont à nos côtés dans la liste, qui n’appartiennent pas forcément à des partis politiques ». On y retrouve ainsi Laurent Peradon (élu EELV dans la précédente mandature), l’adhérente France Insoumise et ancienne conseillère municipale de Libourne Claudine Chapron, le doyen de l’étape Max Guichard (PCF) mais aussi deux citoyennes engagées, Fatiha Barka et Léa Rainier. Le reste de la liste devrait se dévoiler prochainement, mais l’idée est là. En face, Jean-François Egron devra composer avec Communauté d’avenir, groupe majoritaire de la droite et du centre à la métropole (dans laquelle il soutient de nombreuses listes), et son candidat Fabrice Moretti (conseiller municipal en 2008 et 2014).
Battre le fer…
Quid des pistes de réflexion et des priorités de l’actuel maire ? Elles tiennent, finalement, en peu de mots : « une ville plus apaisée qu’elle ne l’est aujourd’hui ». De là naît une logique qui va plutôt à contre-courant de celle de certains maires de la rive gauche : pas question de densifier davantage à Cenon, « parce que ça se voit plus qu’ailleurs. Jean-François Egron préfère opposer à la densification un « abaissement urbain, avec une hauteur beaucoup plus modérée. Il faudra aussi adapter nos équipements (crèches, écoles) à l’arrivée de nouveaux habitants ». L’accueil d’un nouveau complexe de football et d’une piscine dans le Parc du Loret, aux côtés de la transformation du site de La Vieille Cure, font ainsi partie des grands chantiers à venir. Politiquement aussi, il y a du travail : alors même que le visage définitif des candidats sur la rive droite n’est pas encore totalement dessiné, la place de la rive droite dans la politique métropolitaine pose question. Dernièrement, la socialiste Emmanuelle Ajon, conseillère municipale du canton Bordeaux 5, n’était pas tendre en évoquant un « déséquilibre général », autant au niveau de l’économie que des transports ou de la sécurité. Jean-François Egron, d’un ton plus optimiste, ne fait pas vraiment de constat très différent. « Il y a une nécessité de rééquilibrage. On s’est battus pendant des années pour changer notre image, on a réussi à avoir le tramway, à instaurer la zone franche urbaine et le renouvellement urbain, autant de facteurs qui ont permis de changer le visage de notre commune. La seconde opération de l’ANRU (Agence Nationale de Renouvellement Urbain) est intéressante pour nous, elle nous permettra de créer 1100 logements, sauf qu’on a déjà quelques handicaps. Auparavant, les équipes qui accompagnaient, notamment dans les communes, étaient financées par l’État. Aujourd’hui, les personnes qui accompagnent le relogement ou l’opérationnel sur le terrain n’ont aucune aide nationale ».
Cenon, par l’intermédiaire de son maire, n’hésite pas non plus à se poser en garant du parc social métropolitain. « Il y a 40% de logements sociaux à Cenon, il y en avait 55% en 1995, on a réussi cet équilibre parce qu’on a été accompagnés. Je voudrais dire à l’ensemble de la métropole que Cenon répond à la demande sociale, que les logements très sociaux sont sur les quatre villes du GPV et que je m’inquiète beaucoup de savoir, même si on conserve les nôtres, où les futurs habitants en grande difficulté vont trouver du logement très social. Il faut que la solidarité métropolitaine puisse s’exercer, ce n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui ». Mais les choses pourraient changer, puisque des discussions sont actuellement en cours avec la métropole pour envisager la création d’un Opération d’Intérêt Métropolitain à vocation économique sur la rive droite, elle qui va aussi devoir batailler dans les années à venir pour avoir son bout de « RER métropolitain ». « L’évocation de cette OIM est un premier pas, sa réalisation est une nécessité. Le préalable, c’est la résolution du problème des moyens de transports et de mobilité. Si ça n’est pas réglé, la rive droite sera un enfer. Quand on voit ce qui se passe sur les quais, c’est une catastrophe, et avec les nouveaux programmes de Brazza et de Lormont, ça va être encore pire. Il faut donc anticiper », précise ainsi Jean-François Egron, pour qui les autres communes de la presqu’île (à l’image d’Ambarès) devraient être associées à la création de cette nouvelle OIM, qui serait chargée de « mettre en valeur l’économie de la rive droite. La richesse de la rive droite, c’est l’innovation et le fait que des petites entreprises innovantes dans le domaine environnemental, numérique, culturel, viennent s’installer ici ». Des initiatives à valoriser, donc, mais pas sans s’occuper du volet transport. L’idée de prolonger le tram-train du Médoc reliant le Cracovie à Cenon étant depuis restée lettre morte, un BHNS qui passerait par Cenon Gare, le pont Chaban-Delmas et l’avenue Lucien Faure pour rallier les quais serait actuellement une piste envisagée.
Remise en question
Le dernier point évoqué avec le maire en place, et non des moindres, c’est celui de la sécurité. En octobre dernier, Jean-François Egron écrivait à Emmanuel Macron et Christophe Castaner une lettre plutôt remontée pour demander le classement de Cenon en Quartier de Reconquête Républicaine. Quelques mois plus tôt, le QRR de Bordeaux Maritime faisait quelques vagues, notamment à Lormont qui a acté la création en mai d’un nouveau bureau de police partagé entre la police nationale et municipale. « Toutes les incivilités qui nous ont longtemps stigmatisé nécessitent de la prévention et une aide sur la sécurité. Aujourd’hui, le constat est clair : en quinze ans, on a perdu trente policiers et onze îlotiers, on a eu aucune réponse de l’État. J’avais demandé à ce qu’on soit classé en QRR. Visiblement, la rive droite, aujourd’hui en souffrance, n’est pas l’objet de ce type d’attention. C’est très grave parce que tout le travail qu’on a fait depuis 25 ans risque d’être remis en question. Les équilibres économiques, en termes de mobilité et de prise en compte des incivilités ne sont pas faits ». Voilà donc quelques-uns des principaux combats de fond qui attendent le futur maire de Cenon, qu’il soit rose ou bleu, et ce après la dominante bleue marine aux dernières élections européennes. Son programme (pas encore établi) compte s’ancrer dans une dominance participative plus appuyée : budget participatif, commissions extra-municipales sur des sujets précis (chacune dirigée par un(e) seul(e) élu(e)) permettant d’éventuellement capter « ceux qui ne viennent pas dans les conseils de quartier » et point d’étape tous les deux ans avec la population pour faire le bilan des actions réalisées figurent ainsi dans la liste des priorités du candidat. En revanche, s’il revendique avoir pris en compte les nombreuses propositions des habitants effectuées dans le cadre de Cenon 2030 pour bâtir son programme, son calendrier sera serré : les propositions concrètes ne seront pas présentées avant le mois de février. Le porte-à-porte, lui, démarrera à la mi-janvier, et une réunion publique de campagne est programmée le 12 mars.