C’est parce qu’il sortait de deux jours de répète que les cordes vocales d’Emmanuel Moynot avaient quelque chose de Tom Waits. On dit que musique et BD font souvent bon ménage. Moynot en est la parfaite illustration. Les trois guitares suspendues sur le mur de son atelier, situé en plein quartier St Michel, l’attestent d’entrée. Ce Parisien de la cinquième génération, né en 1960 à… Neuilly- sur- Seine – nous passerons vite sur un lieu de naissance pas vraiment revendiqué – a très vite taquiné le crayon. Passion détrônée dès l’adolescence par un autre rêve : devenir Bob Dylan, à la limite John Fogerty ( chanteur du groupe Creedence Clearwater Revival) ou rien. « Au moment de gagner ma vie, la réalité m’a rattrapé à grand coups de pieds dans les fesses » se souvient Moynot en roulant la première cigarette d’une longue série. « De toute façon, je n’avais pas la maturité musicale nécessaire. La BD me semblait plus accessible. Et puis travailler en équipe, n’était pas mon fort ». Nous y voilà ! L’expression est lachée ! Idée préconçue, mais souvent vérifiée : l’auteur de BD est un ado qui vit dans sa tête. Futur adulte solitaire attablé pendant des heures à sa table à dessin (ou devant son ordi) comme un moine à son pupitre.
De Paris à ici
Un dessin pour Angoulême et un concert à Bordeaux
Moynot ne fera pas Angoulême cette année. Enfin, si ! Il y sera quand même, à travers un dessin réalisé pour la compilation rock année 50 commandée par Baru, le président de la cuvée 2011. Trente et un titres illustrés par autant d’auteurs. Piqure de rappel à ses anciennes amours qu’il vient de retrouver via Jean-Baptiste Béïs, le réalisateur du DVD, Désirs Noirs, réalisé sur lui pour Écla, l’agence du livre et de l’écrit d’Aquitaine. « Au moment où je me suis mis à recomposer, Jean-Baptiste m’a mis en relation avec Laurent Kebous, le chanteur guitariste des Hurlements de Léo ». Un concert est d’ailleurs programmé avec le groupe qu’ils ont formé, The Won’t Do’s, le 2 février au Café des Moines (12 rue des Menuts). Au programme, folk, rock et blues, sa famille musicale, aux frontières desquelles il se situe. Ni vraiment rock, ni vraiment folkeux pour les puristes, comme en BD. Dans la lignée des Pascal Rabaté, Étienne Davodeau ou Jean-Claude Denis, le scénariste/dessinateur qui s’est toujours renouvelé en changeant de style et de direction, se définit aux frontières de plusieurs genres, dont le tronc commun reste le récit noir. « Je suis né du trait et du noir et blanc et puis j’ai évolué vers le modelé en couleurs directes. Dessiner le présent est ce que je préfère ». Et ça ! Moynot le fait plus que bien !
Crédit photos : Casterman/Isabelle Camus
Isabelle Camus