Né à Bayonne en 1939, c’est à Urt, dans l’épicerie familiale et la ferme de son grand-père qu’il affinera son palais en apprenant tout le potentiel que recelaient les produits terroirs basques béarnais et landais qu’il révèle dans une ancienne ferme auberge du chemin de halage en bordure de l’Adour, après être passé par Ustaritz : la célèbre Galupe tiré du nom de ces bateaux à fond plat assurant les transports sur le fleuve. Sa spécialité ? Le saumon de l’Adour, la ventrèche de thon qu’il dénichera outre Bidassoa et surtout le boudin noir sous toutes ses formes. Il en écrira un ouvrage : « Mon cochon, de la tête au pied ». Le Guide Michelin aura auparavant vite déniché l’épicurien du Pays basque et lui décerne une première étoile en 1989 puis une seconde en 1996. « Le plus dur, quand on a la seconde est de la conserver », disait-il comme d’ailleurs nombre de cuisiniers de renom.
Outre le piano, devant ses fourneaux, c’est aussi à la guitare que l’homme à la voix de ténor émerveillait sa clientèle et organisait, avec quelques amis des « bœufs », ce qui entre dans la lignée d’un restaurateur à la fin des repas. Car Christian Parra avait aussi la passion de la chanson française. De Brel à Caussimon en passant par Brassens et Jean Ferrat, il régalait certains privilégiés de sa voix de ténor et qui avaient droit à un bonus qui ne figurait sur la carte du restaurant. Parfois les tournées généreuses s’éternisaient et son épouse Anne-Marie, décédée en 2013, devait mettre bon ordre dans les comptes afin que le mot gestion ne rime pas avec indigestion. La fin de l’histoire avec la conserverie Anne RozèsIl y a dix ans, Christian Parra, laisse la Galupe à quai, mais s’ennuie un peu. C’est alors qu’Alain Ducasse fait appel à lui pour apporter de la consistance gastronomique du terroir à l’auberge Iparla qu’il vient d’ouvrir. Mais l’aventure sera de courte durée. C’est alors qu’il est sollicité par les ateliers d’épicerie fine, Anne Rozès à Briscous, sur la route d’Hasparren. Franck Rozès évoquait cette nouvelle association sur sa page de communication sur internet.
« La rencontre a lieu en 2005. Le pari n’est pas évident pour nous deux ; ce sont deux métiers qui se rencontrent. Il a fallu d’abord faire entrer un grand chef dans les cuisines d’Anne Rozès, peu habituée à ce genre de visiteur. Mais vite, nous nous sommes aperçus que nous avions la même rigueur. Il a fallu s’accorder sur quelques détails pour arriver à reproduire le boudin en conserve sans dénaturer la recette de Christian. C’est un pari réussi et reconnu dès 2006 par Le Coq d’Or du Guide des Gourmands d’Elisabeth de Meurville ! Depuis, la conserverie Anne Rozès fabrique et commercialise le boudin noir de Christian Parra, et ensemble nous visitons les belles brasseries de l’hexagone qui proposent à leur clientèle conquise notre fameux boudin noir ! »
Ce désir de transmettre son savoir, Christian Parra l’avait mis àl ‘oeuvre, des années auparavant, au lycée hôtelier de Biarritz dont il développa la réputation. Lionnel Elissalde, un de ses anciens élèves aujourd’hui au restaurant Pottoka de Paris, se souvient : « Mon premier maitre de cuisine, 27 ans déjà. Premier maitre de cuisine et professeur il a su me mettre le pied à l’étrier pour embrasser ce si beau métier. Une grosse pensée émue de matin (NDLR. dimanche) dans ma cuisine. »
Tous les restaurateurs pour lesquels il était le référant de la Côte Basque auront mis du crêpe noir sur leur carte de menu. Le cuisinier et poète Alain Darroze, qui était un de ses proches, pleure son ami, son maître. Comme Philippe Etchebest.
La Galupe, avec Didier Periz, imprimeur et éditeur bordelais vogue depuis quelques années sur d’autres eaux. Avant de la lui céder, Christian Parra avait tenu à raconter son exceptionnelle histoire et lui avait laissé, bien sûr, quelques recettes. Mais Dieu que l’ombre de ce bon vivant planera encore longtemps au-dessus de la Galupe.