Jouer collectif, telle était l’expression clé de la première Conférence économique des métropoles, organisée le 3 juin par l’association des CCI métropolitaines (CCIM) et France Urbaine, à la CCI de Bordeaux. Dans la salle, élus, chefs d’entreprises, présidents de CCIM et de métropoles, dont Alain Juppé, Alain Rousset et le ministre de l’Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales Jean-Michel Baylet. Retour en arrière. Le 30 juin 2015, les présidents de métropoles et des CCIM avaient signé une Déclaration d’engagement, clamant leur volonté de mieux travailler ensemble.
Un an plus tard, c’est l’heure du bilan-étape. A Toulouse, le schéma de développement économique de la métropole a été élaboré avec la CCI, impliquant 600 acteurs économiques, et a abouti à vingt projets.
Sur le plan de la coopération entre métropole et région, les collectivités sont en train d’adopter des SRDEII, nom barbare pour Schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation des entreprises. Ces discussions doivent s’adapter aux spécificités de chaque territoire. Par exemple, la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon agrège deux régions et deux métropoles, Toulouse et Montpellier. Mais le maire de Toulouse, président de Toulouse Métropole et de France Urbaine Jean-Luc Moudenc l’assure : « J’ai déposé le schéma sur la table de la présidente de région, les discussions se passent de manière très sereine ».
Par ailleurs, un pacte national va être conclu entre l’Etat et les quinze métropoles, « d’ici la fin du mois », annonce-t-il. Il sera décliné en quinze projets et devrait « permettre un dialogue simplifié avec l’Etat ». Jean-Luc Moudenc souhaite lui aller plus loin et construire un pacte tripartite incluant Etat, régions et métropoles.
Les métropoles, réceptacles de croissance
Cette volonté de coopérer naît du constat d’un paysage institutionnel remanié par les récentes lois MAPTAM et NOTRE, et alors que les finances des collectivités territoriales sont moribondes. D’où l’idée d’instaurer entre les métropoles et les CCIM un partenariat volontariste, de rechercher mutualisations et synergies.
Elle est aussi liée à une conviction, celle que les métropoles sont les moteurs de la croissance, de l’emploi et de l’innovation. « Nous sommes entrés depuis les années 1980 dans la troisième révolution industrielle, celle des systèmes informatiques », a rappelé en introduction l’économiste Christian Saint-Etienne. Alors que la proportion d’urbains sera de 67% en 2030, les métropoles ont une carte à jouer. Rappelons qu’elles regroupent 43% des emplois en France métropolitaine et près de 50% de la richesse nationale. Selon lui, « les métropoles ne sont pas seulement des accumulations de personnes, mais des systèmes de connexions et interconnexions. Une bonne gouvernance doit favoriser cela ». Il ajoute « qu’1/10e des entreprises font 70% des créations d’emplois, soit 30 000 entreprises en France. C’est ce dixième merveilleux que les métropoles doivent attirer ». Passant sur le terrain des recommandations politiques, il a décrit « un système équilibré de réseaux qui s’emboîtent » entre métropoles, villes moyennes et zones rurales. Il serait « urgent » selon lui de retrouver « un Etat et des régions stratèges, qui financent de grands investissements structurants », et non plus des « investissements de confort ». « La France est toujours lente au démarrage », a-t-il conclu, optimisme.
Tous ont insisté sur l’obligation de stopper l’étalement urbain, de densifier l’habitat tout en développant un système de transports fluide et propre.
Etat stratège ou Etat décentralisé ?
Mais si la nécessité d’une coopération fait consensus, cela n’empêche pas des divergences sur les manières de la mener. Celles-ci ont été énumérées au cours de deux tables rondes, l’une intitulée « le moteur de croissance métropolitain dans la nouvelle organisation territoriale économique », l’autre « jouer collectif à toutes les échelles ». La première en particulier a révélé des désaccords.
Alain Juppé, maire de Bordeaux et président de Bordeaux Métropole, a rebondi sur les propos de Christian Saint-Etienne. S’il insiste sur un risque de déséquilibre entre « des métropoles et des déserts français », il partage l’idée d’un Etat stratège. Il a été rejoint par la suite par Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris pour qui « la France a perdu la boussole, elle a perdu la DATAR, les lois MACTAM et NOTRE sont inachevées. Dans la décentralisation, l’Etat doit être un arbitre ». Alain Juppé a appelé de ses vœux un « pacte de stabilité », une absence de réformes de l’organisation territoriale pendant quelques années. Dans le même temps, il revendique un « droit à l’expérimentation » pour « des changements qui viennent du bas », favorisant des rapprochements entre départements par exemple.
Au contraire, Alain Rousset, représentant l’Associations des régions de France, qui se décrit comme un « girondin radical », a incriminé l’Etat centralisé, qualifié de « boulet qui déresponsabilise les territoires ». « Notre problème est de faire en sorte que le développement massif des métropoles ne soit pas perçu comme un phénomène de déménagement », a-t-il indiqué. Selon lui, les régions « ne sont pas suffisamment en responsabilité ». Il faudrait leur donner les moyens de compenser et d’anticiper le « phénomène d’aspiration » des richesses par les métropoles, de rééquilibrer les territoires entre métropoles, villes moyennes et zones rurales.
Les invités ont aussi insisté sur leur volonté de rapprocher monde politique et monde de l’entreprise. Pour le président de la CCI de Toulouse, Alain Di Crescenzo, répondant à Christian Saint-Etienne : « vous avez parlé du dixième merveilleux, il ne faut pas oublier les 2 970 000 entreprises restantes. Il faut davantage de lisibilité pour les acteurs économiques notamment ».
Le champ des possibles reste donc ouvert. Les orientations prises dépendront pour beaucoup de la volonté des décideurs au sein des régions, métropoles et CCIM, mais aussi en partie de la vision qui sortira des urnes en 2017.