Cumul des mandales
On ne va pas vous raconter dans le détail ce qui s’est passé samedi 27 janvier dernier dans le quartier Saint-Augustin à Bordeaux, vous êtes probablement déjà au courant. Pour la faire courte, des habitants particulièrement remontés contre l’extension du stationnement payant ont chahuté Alain Juppé et son adjoint, Jean-Louis David, venus prononcés leurs traditionnels voeux annuels. Les 165 euros à fournir par an pour avoir droit à un macaron riverain ne sont pas vraiment le seul problème : les habitants pestent aussi contre le fait que cette politique ne permette pas d’accorder deux macarons par famille, le quartier concerné étant souvent composé de familles possédant plusieurs véhicules par foyer. « Distribuer deux macarons par foyer serait une tromperie », a réfuté le maire de Bordeaux, « cela consisterait à distribuer plus de macarons qu’il n’y a de places en voierie ». En résumé : un macaron, ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes… « À écouter certains commentaires, tout à l’air d’aller bien en matière de stationnement avant que nous n’engagions des mesures. Or, ce n’est évidemment pas la réalité puisque cela reste le premier sujet d’insatisfaction des habitants à Bordeaux. L’objectif est avant tout de faciliter la vie des habitants dans les quartiers, certains ayant du mal à stationner à cause de voitures tampons venues de l’extérieur », a-t-il encore justifié ce lundi lors d’un point presse précédant un Conseil municipal quelque peu agité. « Cette mesure a rencontré un certain succès dans tous les quartiers où elle a été mise en oeuvre, des habitants nous demandant même à ce qu’elle soit étendue à d’autres rues ».
L’autre souci, dénoncé par les habitants à coup de tracts bien sentis dans les boîtes aux lettres du quartier, est « l’absence de concertation », ce que réfute le maire de Bordeaux. « La concertation, cela ne consiste pas à venir empêcher le maire de quartier de venir s’exprimer dans une cérémonie de voeux. Nous nous sommes retrouvés confrontés à une bande d’excités qui sont respectueux de tout sauf des règles minimum de la démocratie. Nous poursuivrons cette concertation en réunissant au mois de février les huit commissions permanentes des huit quartiers de Bordeaux pour examiner ces questions de stationnement et faire un peu de pédagogie et d’information ». Reste que la mesure devrait bien être effective en mars comme prévu initialement (et en juin pour Caudéran). Autre point de friction entre les habitants de Bordeaux et la municipalité : le forfait post-stationnement mis en place depuis janvier, fixant l’amende entre 30 et 35 euros en cas de défaut de paiement. Là dessus, contrairement au tarif de stationnement, les choses pourraient bien bouger. « La loi permet de diminuer le forfait pour ceux qui s’en acquittent dans de brefs délais. Je m’inspirerai du système de Mérignac, je suis en train de regarder comment, si on paye dans la journée, on peut revenir à un forfait sensiblement inférieur à 35 euros, voire même si nous y arrivons à 17 euros ». Contrairement aux voix qui s’élèvent, ce dispositif serait « gagnant-gagnant » pour les commerçants du centre-ville, effrayés par la possibilité d’une désertification de la clientèle de passage. « C’est censé avoir un effet favorable pour les commerçants et permettre la rotation de clients ».
Des pistes de réflexion
Le sentiment de voir la politique de stationnement se durcir dans le centre-ville n’est pas galvaudé. Selon les derniers chiffres dévoilés en fin de semaine dernière, une cinquantaine d’agents du privé patrouillent en ville pour distribuer des PV (Urbis Park), et leur efficacité est apparemment prouvée : selon les déclarations de Nicolas Andreotti, directeur de la police municipale et de la tranquillité publique, les agents appartenant à cette société « contrôlent deux fois plus de places par jour, soit 40 000. Il y a 27 000 places payantes sur la commune donc on peut dire qu’elles sont toutes contrôlées quotidiennement, pour certaines plusieurs fois par jour ». Mais la mairie certifie même que le taux de paiement de l’amende est passé à 80% depuis le déclenchement de la mesure, contre 50% auparavant. On aurait même comptabilisé 2000 PV par jour à 35 euros distribués depuis le 1er janvier. Mais pour la mairie, la contravention ou l’abonnement ne sont pas les seules pistes pour tenter de régler la situation.
Le développement du stationnement dans les parkings de centres commerciaux, celui de projets immobiliers avec plus de places de parking que de logements disponibles (Marie Brizzard à Fondaudège est cité) ou encore, ce qui devrait apaiser un peu les habitants de Saint-Augustin, le développement de 200 à 300 nouvelles places de parking dans le secteur « pelouse de Douet » figurent ainsi parmi les idées en cours de réflexion. La mairie justifie enfin cette politique plus contraignante par un problème de santé publique : « La pollution dans Bordeaux est en train de rejoindre le niveau parisien. Sans obligation ni exclusion, il faut convaincre les habitants de se déplacer par d’autres moyens. J’ai par exemple demandé qu’on accélère la réflexion sur la mise en place d’un péage incitatif au co-voiturage », a terminé Alain Juppé, qui avait déjà évoqué des pistes en matières de transports en métropole ces dernières semaines lors des Assises nationales de la mobilité. Concernant ces 27 000 places payantes évoquées plus haut, précisons d’ailleurs qu’elles représentent un peu plus plus de la moitié des 55 000 places de stationnement à Bordeaux. Mais les quartiers de Caudéran et de Saint-Augustin sont loin d’être les seuls concernés : les Chartrons et le Grand Parc devraient aussi y avoir droit en 2018, Bacalan et la Rive droite en 2019 et même la Benauge en 2020. Sinon, au prochain concert de l’Arena, il reste sûrement encore quelques places, mais vous devrez rester debout…