Bordeaux Métropole va passer en gouvernance de majorité


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 16/07/2020 PAR Romain Béteille

Après quelques tergiversations idéologiques et plusieurs jours de négociations, l’accord est donc officiel. Ce jeudi, les écologistes et les socialistes (et apparentés) ont signé un accord validant le fait majoritaire. Terminée, donc, la co-gestion, en vigueur à la métropole et avant elle, à la Cub depuis 1977 et l’arrivée à la métropole de l’ancien maire de Mérignac, Michel Sainte-Marie. C’est donc, en théorie, la fin de ce que le politologue Gille Dupuy nomme une « politisation de contrôle. Les élus municipaux ont constamment cherché à maintenir la CUB dans un registre technique afin d’éviter qu’elle ne devienne l’espace de construction d’entreprises politiques et de la mise en débat de choix territoriaux. Ceci a, d’une certaine façon, fait les affaires de la technostructure intercommunale. Cette situation n’a pas empêché que, par phases, d’autres modes de politisation s’affirment », écrivait-il dans ses travaux parus en 2019.

Deux pieds, deux mesures

Si l’on ne connaît pas encore les noms des vice-présidents, les rôles sont déjà clairement attribués : l’éventuel accord avec l’ancienne majorité formée par Communauté d’Avenir, qui visait à proposer trois postes de vice-présidence, n’aura finalement pas lieu faute d’entente. Les vingt délégations devraient être partagées à part égale par les écologistes et la gauche lors du premier conseil de métropole, ce vendredi 17 juillet. La présidence, elle, sauf surprise lors du vote, devrait être assurée par l’ancien sénateur et actuel maire de Mérignac, Alain Anziani, réélu dans sa commune le 28 juin dernier après une alliance d’entre-deux tours avec… la candidate écologiste.

Pour ce dernier, qui avait il y a peu présenté une ébauche de projet de mandature sans pour autant se déclarer officiellement candidat, il s’agit là d’une « alliance naturelle. Dans nos communes, cette alliance a été constante, soit dès le premier tour soit au second. Elle était d’autant plus évidente qu’il n’y a pas de divergences majeures sur le projet, malgré le fait qu’on pouvait avoir une appréciation différente de ce que nous appelons la gouvernance partagée ». La co-gestion, on s’en souvient, a été un point de divergence majeur entre Alain Anziani, partisan, et le nouveau maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, opposant assez farouche pour rallier d’autres maires à sa cause (notamment celui de Bègles, l’écologiste Clément Rossignol-Puech). Mais exclure Bordeaux du jeu n’était, pour Alain Anziani, « pas acceptable ». 

Cette nouvelle gouvernance s’appuiera donc sur deux pieds : le traditionnel bureau, « très politisé » et donc à gauche, et la conférence des maires, qui sera l’une des principales interfaces avec les maires de l’opposition. Mais, assure le potentiel futur nouveau président, « le fait majoritaire n’effacera pas le fait communal. L’équité demeurera. La loi engagement et proximité prévoit une conférence des maires. Le texte est un peu restrictif, il fixe quatre séances par an, mais on associera l’ensemble des maires de la métropole à sa vision et à sa gestion, même s’il y aura une direction clairement établie ». « Le bureau politique fixera un cap et nous allons faire en sorte qu’il y ait une conférence des maires pour respecter le caractère intercommunal. La loi est un peu chiche, elle se réunira plus de quatre fois par an, il n’est pas question d’en faire le parent pauvre de la nouvelle configuration métropolitaine. Elle se réunira autant de fois qu’il le faut pour que la parole des maires soit entendue et respectée à l’intérieur de cet établissement », lui répond Pierre Hurmic.

Remise à plat

« On est un certain nombre à considérer que les modalités dans lesquelles a été gérée l’intercommunalité ne nous paraissent plus adaptées aujourd’hui à une métropole avec un budget d’1,7 milliards et beaucoup de compétences. Il faut une gouvernance beaucoup plus forte que l’ancien système », ajoute-t-il. La conférence des maires, cela dit, ne devrait en théorie pas avoir d’autre rôle que consultatif, même si, assure l’ancien sénateur socialiste, « ce n’est pas uniquement un lieu où l’on va porter l’information mais aussi en recueillir ». La maire d’Eysines, Christine Bost, va dans le même sens en ajoutant que « chaque vice-président va aussi avoir besoin d’apprendre de la réalité des communes. Il faudra aller à la rencontre des maires. Pour la remise à plat du PLU, par exemple, les choses ne vont pas se faire de façon brutale et uniforme ».

Car des remises à plat, il va y en avoir, promet la nouvelle majorité. Passage de la gestion de l’eau en régie publique, refonte et remise à plat du Plan Local d’Urbanisme, nouvelle délégation de service public des transports en 2023 « avec une vision plus globale et non plus segmentée sur différents modes de transports » ou encore refonte complète du S.D.O.D.M (Schéma Directeur Opérationnel des Déplacements Métropolitains). « Il sera remis sur la table. On souhaite réfléchir de nouveau par rapport aux besoins des habitants, à nos contraintes budgétaires et à notre vision environnementale ». Les contraintes budgétaires, elles-aussi, devraient être scrutées à la loupe. À l’image de l’audit financier qui devrait largement occuper les prochaines semaines de la première adjointe de la mairie de Bordeaux, Claudine Bichet, deux audits devraient être effectués à la métropole dans les prochains mois : l’un sur les finances de la métropole et le second sur la métropolisation et la mutualisation des compétences.

Premières urgences

Les autres grands axes, au premier rang desquels figure « l’urgence climatique », ne diffèrent pas des promesses électorales d’Hurmic ni de celles, également métropolitaines, d’Anziani. »Des maires ne se retrouvent pas autour de l’urgence climatique, certains avaient même été jusqu’à dire que l’on incarnait le déclin. Or, ça doit être un cap affirmé haut et fort et il faut regrouper autour de cet impératif ceux qui sont prêts à en faire le cap numéro un de cette mandature. Il ne faut pas faire semblant, tout le monde n’est pas d’accord là-dessus ». Budget climat, construction de « la ville sur la ville » pour éviter l’artificialisation, création d’une opération d’intérêt métropolitain à vocation écologique sur la rive droite, priorité sur l’économie de proximité et d’une société de coopération d’intérêt métropolitain pour favoriser l’insertion et l’emploi et volonté d’ouvrir une métropole « renfermée sur elle-même en blockhaus devraient notamment partie des grandes orientations politiques des six prochaines années. « Il faut aussi régler le problème des squats, on ne peut pas simplement jeter un voile pudique dessus. Il a été voté la création d’Espaces Temporaires d’Insertion, il n’y en a pas. Il n’y a pas non plus d’itinéraire de grand passage. Il faut traiter le problème », a assuré Alain Anziani.

Sur la question, tendue, de l’urbanisme, l’opposition entre écologie et construction a visiblement vécu. Pour Christine Bost, « c’est aussi à nous de donner aux maires un certain nombre de clés, un cadre différent, pour qu’ils puissent être aussi forts pour ne pas accepter n’importe quoi sur leur territoire. On a peut-être trop donné les clés de la métropole aux promoteurs immobiliers depuis dix ans. Du travail a été fait, tout n’est pas à jeter. L’opération 50 000 logements était faite avant tout pour travailler sur la qualité et les prix de sortie des logements. Il faut garder cet objectif en ligne de mire. Il faut aussi renforcer nos relations avec les territoires extérieurs. Nos destins sont liés : plus on va construire des logements et créer de l’emploi, plus on va générer de l’engorgement et des difficultés de mobilité. Il faut donc ouvrir le spectre à l’extérieur de l’agglo ». « Et pas qu’avec les communes riches », souligne le maire de Bègles, en guise de tacle sympathique aux précédents contrats de coopération signés avec des communes comme Angoulême, Libourne, Marmande, Limoges ou encore Mont-de-Marsan.

Ce dernier ouvre d’ailleurs la porte à 2026, tout comme il l’a fait dernièrement juste avant le second tour, et en profite pour regretter une campagne visiblement un peu trop communale à son goût. « Nous avons vécu une campagne municipale particulière à cause du covid mais aussi traditionnelle dans le fait que les enjeux métropolitains ont été assez peu présents. C’est dommage parce que la métropole a une place prépondérante dans l’avenir de l’agglomération, autant du point de vue financier que de celui des compétences. Il faudrait un débat à l’échelle de la métropole sur les enjeux métropolitains : urbanisme, transports, développement économique, place de la nature, aménagement du territoire, ect. Le fait d’avoir des élus au suffrage universel avec une présidence désignée avant l’élection permettrait plus de transparence démocratique ». À cette annonce, les autres élus sont un peu plus pudiques, mais affirment, malgré une « alliance naturelle », que la droite devrait probablement « grincer des dents » ce vendredi. À la nouvelle majorité (32 sièges pour les socialistes et apparentés, 30 pour les écologistes contre 38 pour Communaute d’Avenir) de faire valider le feu vert… 

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