« Le XXIème siècle sera religieux, où ne sera pas » prophétisait André Malraux. Aujourd’hui on le sait, Il sera aussi et, avant tout, numérique. Mais ceci, Malraux qui n’aura pas vécu la révolution des TIC, ni vu le fil d’une souris, ne pouvait l’anticiper. Bouleversant tout sur son passage, que ce soit dans nos modes de vie ou de penser, pour Benoît Sillard, au-delà du changement de siècle, le cinquième pouvoir nous fait basculer vers un changement de civilisation. Maîtres ou esclaves du numérique ? Telle est la question qu’il pose dans son ouvrage à travers l’état des lieux de ce nouveau monde virtuel dans lequel nous baignons et qui influe en profondeur sur la sphère économique, politique et sociale. Une analyse et des pistes prospectives au sujet des évolutions en cours, avec en filigrane, « un court récit de fiction sur la vie possible d’une famille en 2049 ». Le scénario, parmi plusieurs hypothèses, où Internet serait devenu notre second cerveau mais où le fin mot de l’histoire se trouve être, quoi qu’il en soit, la maîtrise du savoir.
Glissements progressifs de la norme
E-réputation, prépondérance du groupe et de la tribu sur l’individu, préférence de la notoriété et de l’expérience de vie par rapport aux diplomes et aux biens matériels, jouissance du contenu plutôt que de la possession… autant de signaux de transition qui dénotent une progression lente mais sûre vers une modification des normes. La ligne directrice de ce profond renouvellement des modèles économiques, politiques, sociétaux et artistiques étant le partage de la connaissance. « Le ludique tient une grande part dans cette mutation et donne la possibilité de sortir du cadre judéo-chrétien, souligne Benoît Sillard. Changer la peine en insufflant la notion de plaisir. Avec le numérique, on utilise les mécanismes du jeu et on apprend plus vite et mieux. Nous sommes les héritiers d’un système académique à base de par coeur et de bourrage de crâne. Le jeu peut produire des changement incroyables, autant dans l’éducation que dans l’entreprise. En attendant, l’armée américaine l’a bien compris, qui est la plus grosse utilisatrice de jeux vidéos et les pompiers y ont recours pour apprendre les situations de feu avec des simulateurs ».
Il existe d’autres modèles
La rapidité, l’esprit de décision et de synthèse, l’intuition sont autant d’atout qui favorisent une créativité, aujourd’hui recherchée. Pour Benoît Sillard, « il faut repenser tous nos fondamentaux. Réconcilier « l’homo économicus » avec l’altruisme et l’empathie ». Le modèle n’est plus vertical mais collaboratif, horizontal. J’apporte, tu apportes… C’est la réintroduction de l’échange social et de l’appartenance à une tribu, ce qui du coup, place l’État dans une position inconfortable. Economie du gratuit, propriété intellectuelle et création, à chaque innovation, il y a opposition, quand il faut savoir faire évoluer les modèles économiques et changer la législation. Des idées que Benoît Sillard est justement venu présenter dans le cadre du TEDx Bordeaux, le 28 mai dernier au CAPC. Ce concept de conférences venu des Etats Unis, dédiées à des idées gravitantautourdes technologies, du divertissement ou du designet qui méritent d’être diffusées. Des « Ideas Worth Spreading » (dans le texte) où Ensemble…Together… chaque intervenant a 18 minutes chrono pour changer le monde en mode numérique le plus souvent, mais pas que… En tout cas, c’est tout le propos de Benoît Sillard qui, il le dit lui-même, n’est pas polémique, mais pose et décrit « les contours d’un monde richede possibles, qui invente jour après jour le vivre ensemble numérique « . Y avoir accès c’est en devenir maître, en être exclu, c’est devenir esclave. Savoir c’est pouvoir. Tel est le sens que l’homme des médias, d’aujourd’hui et demain, a mis dans son titre : hors du numérique, pas de connaissance, cette « symphonie », pour citer Edgar Morin, « dont chacun peut devenir le chef d’orchestre pour, au programme de ce nouveau siècle, profiter de sa musique ».
photo : IC & Eyrolles éditions
Isabelle Camus