Ce salon inédit permettra aux agriculteurs, aux experts et professionnels d’échanger sur les solutions innovantes qui permettent de renforcer l’autonomie en eau des exploitations face au changement climatique. Cet événement succède à six rallyes « abreuvement » au cours desquels près de 600 agriculteurs ont été conseillés par la Chambre d’agriculture de la Haute-Vienne.
Situé à Saint-Mathieu, le GAEC Grand Masveyraud qui recevra le salon, n’a pas été choisi par hasard, il a été le premier à mettre en place un système d’irrigation sur le département. L’exploitation s’étend sur 320 ha de SAU répartis sur deux communes avec une double production de lait (720 000 l/an) et de bovins avec un cheptel de 130 mères limousines.
« Une retenue d’eau de 15 000 m³ aménagée »
Les deux frères, associés depuis 1996, cultivent plus de 150 ha de céréales, du maïs et de l’orge pour l’alimentation du bétail, ainsi que du colza pour le négoce. Confrontés à deux sécheresses historiques en 2003 et 2011, ils ont cherché une solution. « Nous avons entamé une réflexion sur l’irrigation en 2015 car nous avions eu de gros dégâts avec un manque d’aliment pour les animaux, se souvient Nicolas Brandy, cela nous avait obligé à acheter du maïs grains et nous étions aussi juste en ensilage. »
En 2011, ils avaient acheté une ferme non irrigable à Maisonnais/Tardoire, demandé et obtenu des quotas d’eau pour pomper 20 000 m3/ an dans un affluent de La Tardoire. Ils ont commencé à irriguer à partir de 2015 après avoir restauré la ferme. « On a vu la différence dès la première récolte de maïs qui est passée de 60 quintaux/ha à 130/ha. L’investissement dans une pompe et un enrouleur s’élevait à 20 000 €. »
Cependant, le sort va s’acharner avec un incendie de cette ferme et la perte de la récolte d’une année. « Pour limiter le risque incendie et l’absence de fourrage, nous avons acheté une deuxième ferme à Saint-Mathieu, le propriétaire partait à la retraite, raconte Nicolas. Le bâtiment principal est équipé en photovoltaïque et il y avait un étang qui a été réaménagé pour créer une retenue d’eau qui contient 12 000 à 15 000 m³.» Les eaux pluviales sont récupérées sur le bâtiment et servent à irriguer la parcelle de 10 ha de maïs juste en face. « Le maïs, c’est le plat principal de nos vaches laitières et aussi notre principale culture précise-t-il. Grâce à l’irrigation, le maïs est régulier en qualité et quantité et le rendement supérieur, ce qui évite de cultiver 5 ha de plus. » Cette retenue a été la première aménagée sur le département en 2019 et opérationnelle depuis 2021.
Autonome pour l’alimentation des animaux, l’exploitant souhaite planter de la luzerne d’ici deux à trois ans pour l’être aussi au niveau des apports protéiniques.
« Il y a beaucoup de tensions sur l’eau »
Une seconde retenue de 15 000 m³ est en projet sur la ferme de Maisonnais/Tardoire, leur site principal, un investissement de 20 000 € pour irriguer leurs 15 ha de maïs. « Le plus difficile, c’est la paperasse concède-t-il, on va passer par la Chambre d’agriculture, il faut compter un à deux ans pour que tout soit validé. C’est compliqué l’irrigation dans ce secteur proche de la Charente et de la Charente-Maritime. On est à la limite de trois départements et en plus, en tête de bassin Adour Garonne. Il faut laisser de l’eau pour le Sud, il y a beaucoup de tensions. »
A mots couverts, il évoquera les conflits sur les usages de l’eau, exacerbés par les sécheresses à répétition, parlant d’une véritable « guerre de l’eau.» Sans irrigation, ce maïs ensilé le 24 septembre, n’atteindrait pas 3,50 m. « Ils sont un peu moins beaux cette année car ils ont manqué de chaleur, on devrait avoir 15 à 18 tonnes de matière sèche/ha, sans irrigation, ce serait autour de 10 tonnes. » L’irrigation a cependant un coût, environ 5 000 € de consommation électrique et une charge de travail d’au moins 2 h par jour « quand il n’y a pas de panne lance-t-il, mais c’est notre assurance récolte pour pallier la sécheresse. Quand il y a de gros coups de chaleur, on est serein pas et la retenue se remplit tous les ans grâce à la pluie. »
Quant à l’abreuvement, un forage existait sur la ferme de Maisonnais/Tardoire pour l’abreuvement en bâtiment. Un système de drainage permet de récupérer l’eau et de l’amener dans les abreuvoirs des pâtures. « L’idée est de faire un deuxième forage sur la ferme de Saint-Mathieu pour abreuver tous les animaux car l’eau de ville, ça coûte cher. » Il sera réalisé le 10 septembre « un investissement de 5 000 à 6 000 € qui sera vite rentabilisé » annonce-t-il.
Le salon eau et agriculture du 10 septembre prochain a pour objectif de donner une dimension plus large à cette problématique. En plus de l’abreuvement des animaux, ce salon abordera l’irrigation afin de sécuriser la ressource en eau et d’augmenter les rendements. Des entreprises spécialisées feront découvrir des solutions et équipements innovants aux agriculteurs désirant mener un projet afin d’améliorer l’autonomie de leur exploitation.