Libourne veut ajouter son grain de SEL au « business » collaboratif


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Libourne veut ajouter son grain de SEL au "business" collaboratif

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 23/02/2015 PAR Romain Béteille

Comme tous les samedis, la porte est grande ouverte à la permanence du SEL, le « système d’échanges locaux » de Libourne, autrement nommée « Grains de S.A.B.L.E du Libournais », fondée en 1997. On n’y attend pas forcément les 70 adhérents que compte cette antenne locale depuis sa création, mais au moins quelques uns, les plus fidèles, font le déplacement. Au milieu des tables, des chaises ou s’affairant derrière le bar, on y trouve aussi les 6 membres du conseil d’administration, ceux qui font vivre « l’asso ». Il ne reste presque plus personne des débuts, d’autres ont pris leur place. 

Bernard Corbier, le secrétaire du SEL de Libourne, est là depuis 3 ans. Il raconte comment il a rejoint le mouvement. « J’en avais déjà un peu entendu parler. Un jour, je suis allé à la bourse du travail pour régler un problème avec mon syndicat. Dans les mêmes locaux, pas très loin, il y avait une assemblée générale du SEL. Ca m’a intrigué, alors j’ai poussé la porte. Et c’est comme ça que j’ai commencé à m’impliquer », déclare-t-il. Concrètement, quel est le but de cette association ? Leur devise, « le lien est plus important que le bien », est sans doute la plus à même de définir leur utilité. Il s’agit en fait d’établir, pour chaque adhérent, une série d’offres et de demandes de services, réunis dans un catalogue. Les services « demandés » ou rendus peuvent être très variés : cela va du co-voiturage à la garde d’animaux domestiques, en passant par des passions comme la philatélie ou le jardinage collectif. 

Une naissance compliquéeVéritable ancêtre de l’économie dite « collaborative », qui fleurit de plus en plus, les SEL regroupent l’ensemble de ces pratiques dans un seul et même but : la coopération entre adhérents sans avoir recours à aucun échange d’argent quel qu’il soit. Les services sont ainsi rémunérés en grains de SABLE (les monnaies changent en fonction des endroits ou l’on se trouve. Dans le périgord, on appelle la monnaie du SEL la « truffe »… logique !), à raison d’un grain par minute, soit 60 grains pour une heure de service. Ainsi, chaque adhérent, comme quand il souhaite spéculer en bourse, reçoit, après une cotisation annuelle de 12 euros, un « capital » de 150 grains qu’il peut « dépenser » à l’envie. Nés au Canada dans les années 80, les SEL se nommaient alors LETS (Local Exchange Trading System), sur l’île de Vancouver touchée par le chômage de masse. C’est là qu’est né ce système de « troc » détourné, avec la monnaie locale, le « green dollar ». 5 ans plus tard, minés par des problèmes de trésorerie et de logistique interne et une profonde perte de confiance de l’ensemble des adhérents, l’expérience s’arrête, non sans avoir créée des clones quelques centaines de kilomètres plus bas, en Amérique du Nord. 

Ironie du sort, le tout premier SEL de France a été initié en 1990 par un entrepreneur privé à l’entreprise au nom très évocateur : « Trader France ». On gérait alors les échanges par Minitel ! Aujourd’hui, il existe un peu plus de 600 antennes un peu partout en france, qui peuvent aller de 2 ou 3 à plusieurs centaines d’adhérents, pour un total estimé entre 25 et 30 000. Non sans heurts, comme en Ariège ou trois adhérents ont été poursuivis pour travail clandestin en 1996 puis relaxés. Le Fisc ne semble pas vouloir chercher des noises aux SEL, qui n’a connu aucune condamnation judiciaire réelle depuis sa création en France. 

Libourne, une antenne comme les autres A Libourne, c’est en 1997 que l’association a vu le jour, au 36 ter rue du 1er RAC. Pour autant, si Bernard Cormier parle volontiers d’échange, il n’est ici nulle question de troc : « La personne à qui on rend le service n’est pas obligatoirement celle qui doit nous en rendre un en retour. C’est un échange en réseau, avec tous les adhérents. Le but, c’est avant tout de faire découvrir à des gens que tout le monde a quelque chose à offrir ». Renée Charles, ancienne trésorière du SEL de Libourne, confirme : « On ne fonctionne pas vraiment sur le principe de la réciprocité. C’est aussi, parfois, pour sortir de la solitude ». En effet, sur le catalogue d’offres et de demandes, on voit fleurir des propositions comme des « ballades à vélo » ou « de l’écoute et de la présence » : c’est là que l’on constate la différence avec une entreprise de services plus « traditionnelle ». Le SEL a depuis créé diverses initiatives comme « La route des SEL », sorte d’ancêtre du « couchsurfing » qui permet de voyager en faisant des rencontres sans vider son porte-feuille. 

Chaque année, une agence organise des « rencontres nationales », histoire de réunir et de fédérer encore plus toutes les initiatives. La prochaine se tiendra en août en région PACA. En 2014, elle s’est tenue en Ariège, en plein coeur du lycée agricole de Pamiers. « Pendant une semaine, on a un peu fait du camping, on avait installé des tentes, on faisait les repas ensembles, c’était convivial. C’est tout à fait l’esprit », affirme le secrétaire de l’agence libournaise. Et si, de l’aveu même des adhérents, le public de ce type d’initiative est plutôt « âgé », c’est sans doute parce que les plus jeunes se tournent vers une économie collaborative plus ciblées, avec des marques identifiées. Mais « l’ancêtre » se défend encore pas mal. En 2015, le SEL de Libourne comptait environ 70 adhérents, avec quelques renouvellements chaque année. Elle organise régulièrement des animations, des « repas communs », des braderies, « mais pas trop souvent sinon les gens se lassent et ne viennent pas ». 

Et elle n’est pas la seule : d’autres clones ont su s’inspirer de l’idée entre temps. C’est notamment le cas de « Portraits de Famille », centre socio-culturel et lieu de rencontres et d’échanges qui organise des rendez-vous de tous genres, de la visite de théâtre à la sortie au cirque en passant par le « café des parents », le tout pour une adhésion d’une dizaine d’euros par famille. Quand on sait que selon de récentes statistiques, la consommation collaborative pourrait représenter un marché de 335 milliards de dollars d’ici à 2020, nul doute que ce genre d’initiative locale a encore de beaux jours devant lui.

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