Dans la magnifique Halle octogonale de la place du Marché des Chartrons la moyenne d’âge des vignerons ne doit guère dépasser les 35 ans. Première indication de la passion qui anime une profession habitée par l’exigence de la qualité. Ici le débat sur les rendements laisseplace àla recherche optimale de l’expression aromatique, à la concentration, à la finesse des vins. Exercice d’autant plus délicat pour ceux qui exposent et s’exposent que ces vins-là n’ont rien perdu, ou si peu de leur jeunesse vigoureuse.
Des blancs secs explosifs
A ce jeu-là les blancs secs se révèlent explosifs! On savait que ce millésime vaudrait d’abord pour ses vins blancs: les voici, impétueux et riches de la maturité de raisins parfaitement sains, ayant aimé le soleil,surtout dans la ligne droite avant les vendanges, entre les beaux joursde la mi-août et les premières pluies. C’est ainsi, que sous le chapeau commun qu’ils ont joliment nommé les « Vinsolites », dix viticulteurs( notre photo) du Bergeracois ( Bergerac,Monbazillac, Pécharmant, Saussignac) offrent à la dégustation des bouteilles prometteuses et, en particulier, des blancs secs de haute volée. Exemples, le château Panisseau de Bernadette Gaspard et Daniel Evrard que l’assemblage du sémillon, du sauvignon à raison de 40% chacun et de la muscadelle(20%) place au niveau des grands crus de Bourgogne mais aussi le Vignoble des Verdots de David Fourtout, originaire de Saint-Emilion, dont le père a fait creuser dans la roche une extraordinaire cave de vieillissement. Un viticulteur qui parvient à ne pas sulfiter ses vins pendant toute la durée de l’élevage en barriques. Des vins dont la charpente est telle qu’ils supporteront de vieillir, ce qui sous nos contrées,s’agissant de blancs secs, n’est pas si fréquent. Il faut dire que les rendements oscillent dans ces propriétés, où les argiles cohabitent avec calcaires et silex, entre 28 et 30 hectolitres à l’hectare… Qualité quand tu nous tiens!
Rouges concentrés
Dans l’éventail desrouges, nombreux et généralement plus riches de complexité que l’on avait imaginé lorsque la pluie vint contrarier certaines récoltes, on a aimé parmi les vins présentés par l’Association des 5 Côtes, un Côtes de Castillon, la cuvée haut de gamme du château Pitray où le merlot impose sa finesse au cabernet franc. Le château de Gueyze des Vignerons de Buzet, synthèsedes trois grands cépages, représentés par tiers, provenant de 20 hectares sélectionnés, vendangés à la main et vinifiés de la façon la plus respectueuse du raisin, est une très belle réussite, avec un évident effort de concentration. Appelé à connaîtreau moinsquatorze mois de barriques, on espère qu’il ne perdra rien de sa typicité, excellente en tant que telle, à une époque où l’on recommence enfin à aimer les vins dans le meilleur de leur expression: le goût du raisin mûr.
La note de dégustation de Pierre Lurton appliquée à Cheval Blanc résume, avec précision, la singularité de ce millésime que l’on avait cru compromis par les pluies abondantes de septembre: « la maturité des raisins était exceptionnelle dès le début septembre…L’expérience et le terroir ont permis de corriger les accidents climatologiques. Il a fallu procéder à une sélection rigoureuse pendant le ramassage. Ce millésime ne produira pas de grandes quantités, du fait également de la chaleur et de la sécheresse de l’été qui ont induit une taille modérée des baies, garantie par ailleurs de concentration. Donc un grand millésime, qui allie l’intensité aromatique, l’élégance et la fraîcheur. »
J.Aubert.