Les péniches de retour sur la Garonne et son canal dès 2024


Des péniches sur la Garonne et son canal latéral, depuis les plaines de l'Agenais jusqu’au port de Bordeaux, l'image est révolue depuis 50 ans. 2024 devrait assister au retour des premières barges de marchandises, entorse au règne du tout-en-camion.

liaison fret fluvialInfographie Leslie Casties

Si le projet d'ouverture d'une ligne de transport fluvial entre Damazan et Bordeaux doit voir rapidement le jour, d'autres bassins de productions situés entre Agen et la Gironde pourraient s'en inspirer.

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 14/12/2023 PAR Cyrille Pitois

La préfète de région Fabienne Buccio l’avait promis avant son départ, fin 2022. « Alors que la Garonne traverse plusieurs départements, il faut vraiment se poser les bonnes questions sur un mode de transport depuis trop longtemps sous-exploité. Nous visons le lancement d’un trajet longue distance régulier sur le fleuve dès l’an prochain. » Un an plus tard, toujours pas la moindre péniche régulière pour transporter du fret sur la Garonne et son canal latéral, entre l’Agenais et Bordeaux.

Pourtant, le sujet n’est pas en rade. Les équipes du Grand port de Bordeaux, de la métropole bordelaise, de la Région Nouvelle-Aquitaine, une collectivité du Lot-et-Garonne et Voies navigables de France sont effectivement à la manoeuvre pour faire voguer le projet.

Pour transporter quelles marchandises ?

On vise ici un échange de marchandises entre le bassin d’Agen et la métropole bordelaise, via la Garonne canalisée ou fluviale grâce à la navette régulière d’une péniche chargée à l’aller et au retour. En 2020, ce sont d’ailleurs cinq entreprises du côté de Damazan, qui ont évoqué auprès de leur communauté de communes, leur intérêt pour ce mode de transport, alternative au transport routier. On pense naturellement à la production de fruits et légumes qui nourrit les Bordelais, mais il y a aussi des industriels qui font voyager du broyat de pneus, qui après transbordement à Bassens part vers le grand export ou encore des céréales, des granulats, des balles de plastique…

Sur quels bateaux ?

Les écluses du canal latéral de la Garonne fixent la limite. Elles ne peuvent recevoir que des péniches d’une capacité maximale de 200 à 250 tonnes. Le problème c’est qu’il n’y a plus aucune péniche de type Freycinet sur le bassin depuis les années 1970. Il faut donc motiver un armateur exploitant sur la Seine, le Rhône ou le Rhin à venir positionner une unité sur ce tronçon. Or le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît : impossible de faire revenir une péniche de ce gabarit uniquement par les voies navigables. Il faudra donc sortir une péniche de l’eau pour la faire arriver à Bordeaux.

Une péniche de type freycinet sur la Lys, dans le Nord-pas-de-Calais.Vincent Colin (VNF)

Une péniche de fret de type Freycinet sur la Lys, dans le Nord-pas-de-Calais. Un mode de transport de marchandises bientôt de retour entre l’Agenais et Bordeaux.

Avec quelles installations portuaires?

Le port de Bordeaux est prêt. « A Bassens, nos quais peuvent accueillir des barges fluviales et nous disposons d’une grue adaptée à la petite cale d’une péniche, » témoigne Didier Donnens, chef du service développement logistique du Grand port maritime. Pour la navigation, le tracé est toujours utilisé par des péniches de plaisance. Pour autant le gabarit des péniches de fret étant sensiblement plus important, Voies navigables de France a déjà commencé l’opération de curage pour faciliter le passage des barges plus importantes. Les écluses sont en état de fonctionnement.

Où fixer l’extrémité de la ligne ?

Il ne faut pas se tromper pour le site d’embarquement et débarquement de marchandises, du côté du Lot-et-Garonne. Le succès de la fréquentation de la ligne dépendra de la pertinence de la localisation de ce port. « Si il faut parcourir 20 km pour rejoindre la barge, ça perd tout intérêt économique. Les industriels continueront de faire le choix de la route, » prévient Adeline Charré, chargée de mission transition énergétique à la communauté de communes du Confluent et des coteaux de Prayssas.

C’est finalement sur le périmètre de la commune de Damazan, que l’installation portuaire pourrait judicieusement trouver sa place. L’implantation exacte n’est pas encore fixée, entre les deux rives de l’axe fluvial, mais l’infrastructure nécessitera un investissement évalué à 1,2 million d’euros. Si la collectivité locale qui pèse 18 000 habitants peut envisager de porter le projet, elle aura besoin de co-financeurs musclés. «1,2 million c’est à peu près notre capacité d’investissement annuelle totale pour l’ensemble des compétences exercées, » remarque Adeline Charré.

Et la logique économique dans tout ca ?

Que ce soit pour du broyat de pneus, des matières plastiques, ou des fruits et légumes, producteurs et industriels ne confieront leurs marchandises à un opérateur fluvial qu’au regard d’un coût acceptable. « Avec une barge pleine dans chaque sens, pour un voyage de 12 à 14 heures, on peut obtenir un coût aux alentours de 11 euros la tonne, comparable au coût routier, » prévoit Adeline Charré.

Ça commence quand ?

La croisière des marchandises doit commencer dès 2024 sous forme d’expérimentation prolongée, tandis que les études se poursuivront à la fois pour déterminer la meilleure implantation de l’installation à Damazan, et pour la maîtrise d’oeuvre et la répartition des financements. L’utilisation provisoire d’un port pour l’instant consacré à la plaisance, offre la possibilité d’accueillir une péniche de fret dans des conditions moins confortables, mais néanmoins réalistes. « L’idée est acquise de lancer la phase de maitrise d’oeuvre en plusieurs étapes, ce qui permet de garder aussi une possibilité d’arrêter. Pour l’instant, l’alignement est largement favorable. » L’étude pour la construction d’un quai dédié à Damazan devrait aboutir fin 2024 pour une réalisation en 2025.

Un autre projet pour livrer Bordeaux centre-ville

Le grand port, Voies navigables de France et la métropole bordelaise travaillent aussi sur un autre projet de logistique urbaine. Une embarcation, propulsée par un carburant alternatif, chargerait depuis un point périphérique de la ville, tout type de colis destiné aux activités commerciales du centre-ville. Le déchargement de la barge en plein coeur de ville, et l’acheminement du dernier kilomètre en vélo cargo permettraient de soulager le trafic et la pollution d’une noria de fourgons qui assurent les livraisons quotidiennes.

Une expérimentation menée en 2022 avec déchargement quai Richelieu, et acheminement du dernier kilomètre en vélo cargo.

Des tests ont déjà été effectués. L’ensemble des acteurs du dossier sont là aussi en accord. Ce sont des questions techniques qui freinent le dossier. D’une part l’influence de la marée qui conditionnent les horaires, d’autre part les multiples usages des quais devenus zones de loisirs et la proximité des monuments historiques qui empêchent l’implantation d’engins de chargement dans leur périmètre. « Il faut aussi massifier ce trafic, c’est-à dire réunir les flux qui arrivent par la route, le rail ou le fleuve, charger ces flux sur des barges qui vont desservir un ou plusieurs points centraux et s’arranger pour qu’elles repartent aussi à plein dans l’autre sens, » prévoit François Le Gac, directeur de la mission fleuve, pour Bordeaux métropole.

Une étude approfondie financée par l’ADEME et menée par un bureau spécialisé et une entreprise de la filière, va débuter en 2024. Elle devrait durer 18 mois. Ça n’empêchera peut-être pas dans le même temps de mettre en place une première navette qui utilise des installations déjà existantes. « Mais s’il s’avère qu’il faut construire des pontons et modifier des infrastructures, la démarche complète va courir sur plusieurs années avant d’obtenir un impact réel sur l’écologie, et le trafic automobile. »


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2 Comentaires

2 commentaires

  • Cyrille Pitois, le 20/12/2023 à 10h20

    Merci de votre remarque. Effectivement la batellerie est un sujet ancien. Elle a été abandonné sur certains bassins depuis les années 1970, sous l’effet du développement du tout routier, entrainant une disparition des savoir faire, des acteurs et un moindre entretien des voies navigables. Pour s’inscrire de nouveau dans l’économie moderne et compétitive, elle doit réécrire sa feuille de route et convaincre surtout des chargeurs de lui confier des marchandises.


  • Charles Berg, le 19/12/2023 à 20h41

    C’est quand même étonnant qu’on en soit encore à « expérimenter » un mode de transport qui a depuis longtemps fait ses preuves (depuis Louis XIII dans le centre de la France avec le canal de Briare) comme si on le découvrait aujourd’hui ! Ces technocrates me font penser à une poule qui découvre un couteau!


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