Les « Dealers de Science » s’intéressent aux risques sur le littoral aquitain


GIP Littoral Aquitain

Les "Dealers de Science" s'intéressent aux risques sur le littoral aquitain

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 18/03/2015 PAR Romain Béteille

Les coefficients de marées maximaux arrivent ce week-end, après les grandes marées de février qui se sont déroulées sans faire de gros dégats, en comparaison des douloureux souvenirs de l’hiver dernier. Un coefficient fort qui n’intervient que tous les 18 ans, phénomène exceptionnel même si les responsables des prévisions marines à Météo France ne s’attendent pas à des débordements. A quelques jours de là, les « Dealers de Science », regroupant une petite vingtaine d’étudiants en Master 2 « Médiation des sciences », ont tenu ce mardi leur troisième conférence annuelle sur le cycle du « risque ». Elle s’est déroulée à la maison écocitoyenne et portait sur… les risques du littoral aquitain. Vincent Gallois, président de l’association, nous dit pourquoi les étudiants ont choisi ce thème. « Ce n’est pas un hasard, on sait que c’est un sujet sensible, et on fait évidemment en sorte que les interventions qu’on propose collent avec la problématique choisie. Ce n’est pas une question nouvelle, mais c’est toujours une question actuelle », précise l’étudiant.

Un littoral épargnéA Bordeaux Montaigne, des enseignants chercheurs et scientifiques se penchent d’ailleurs sur la biodiversité du littoral. Les 3 intervenants de ce débat sont des spécialistes de la question. Nadia Sénéchal, maître de conférence en hydro et morphodynamique des littoraux sableux au sein du laboratoire EPOC (Environnements et Paléo-environnements océaniques) de l’université de Bordeaux, a tenu à exposer les particularités de ce littoral composé de plus de 250 kilomètres de côtes, dans une approche très formelle. Une introduction riche qui a laissé place à Anne-Marie Meyer, maître de conférence à l’UFR « Sciences des territoires et de la communication » de l’université, qui participe actuellement à « RisCartEau », un projet du CNRS qui vise à créer une application pour améliorer la « connaissance des risques de submersion ». « La population est de plus en plus attirée par ce littoral (10% de la population est ainsi concentrée sur 4% du territoire, 76% de la croissance démographique étant dûe aux flux migratoires) qui est très mouvant. Elle espère qu’il soit figé, tout comme les élus et les collectivités, mais il est vulnérable ». La spécialiste a ainsi exposé les différents moyens utilisés depuis le « Plan Littoral » pour diminuer cette vulnérabilité, notamment la destruction d’un certain nombre d’habitations (595 en Charente-Maritime).

« Il y a aujourd’hui 10,4% d’espace urbain sur les communes littorales, contre 3,4% dans les autres communes françaises, et même jusqu’à 25% sur la bande côtière », souligne Anne-Marie Meyer. « Cela crée des problèmes de conflits d’intérêts entre les acteurs économiques et les résidents, problèmes liés aussi à la saisonnalité des métiers touristiques ». Pour illustrer son propos de l’envahissement urbain, la spécialiste a choisi sans aucun hasard le cas de La Grande Motte. « C’est une plage en ligne droite sur 180 kilomètres, un univers bétonné. Sur le littoral Aquitain, ce schéma ne s’est heureusement pas reproduit. La MIACA (Mission interministérielle pour l’aménagement de la côte Aquitaine) a tiré des leçons de ce qui a été fait avec le littoral languedocien, elle a crée des alternances de zones protégées. Au départ, 525 000 lits étaient prévus ! La crise économique et les plans d’aménagement ont réduit ce nombre à 65 000 ». 

Des dispositifs à « volonté touristique » ?Concernant les autres mesures prises pour lutter contre « l’aléa », la scientifique n’hésite pas à dénoncer une volonté touristique pour ces stations balnéaires qui se vident pendant la période hivernale : « Des sommes gigantesques sont dépensées dans des actions sur l’aléa, comme des plantations, la pose de filets biodégradables, le rechargement en sable… La plage est refaite après chaque tempête, dans une volonté avant tout touristique. Les méthodes plus rigides, comme les enrochements ou les tétrapodes sont aussi très coûteuses, mais elles n’empêchent pas le recul pour autant. Il faut d’ailleurs attendre les catastrophes pour définir un cadre règlementaire. A ce titre, la loi littoral de 1986 n’a pas vocation à protéger la population, mais plutôt à créer une utilisation plus raisonnée du littoral. D’ailleurs, si le terrain a été déclaré inconstructible sur une bande côtière de 100 mètres, on constate régulièrement des permis octroyés, et très peu d’élus ont le courage d’entamer la destruction de ces constructions ».

Il est vrai que depuis la loi Littoral, de multiples plans et programmes d’actions ont été entamés par les autorités publiques : un plan de « prévention des risques naturels » en 1995, une définition des territoires à risques importants d’inondation (il y en a 10 en Aquitaine), un programme d’action et de prévention des inondations « dont la volonté de réduction de la vulnérabilité a été mise de côté face à l’urgence et à la plus grande visibilité des travaux » et diverses plaquettes, dont celle du Dicrim (Dossier d’information communal sur les risques majeurs) dont « seulement 50% des 10 000 communes se sont dotés » selon Anne-Marie Meyer. « Il reste aux collectivités beaucoup de choses à mettre en cohérence ». Ce n’est pas l’actualité politique qui la contredira : un décret est en effet à l’étude pour améliorer le dispositif d’indemnisation des collectivités territoriales touchées par des évènements climatiques et/ou géologiques, visant à ramener sa durée à 45 jours, au lieu de plusieurs années actuellement. 

Des modes de gestions variésEnfin, Nicolas Castay, directeur du GIP (groupement d’intérêt public) littoral depuis 2012, a rappellé un certain nombre d’approches stratégiques déployées en région pour lutter contre ces phénomènes d’érosion et de tempête (on a chiffré les dégâts de celle de décembre dernier à 20 millions d’euros), qui font reculer le littoral d’un à trois mètres par an. « On est évidemment face à un territoire menacé par l’érosion ». Selon une étude du GIP littoral, ce serait 16 km2 qui seraient soumis à l’érosion d’ici 2020, et 22 km2 d’ici à 2040 ! « Il y a différents modes de gestion de ce phénomène : d’abord la surveillance de l’évolution naturelle, dans laquelle on n’intervient pas. Il peut y avoir aussi un accompagnement des processus naturels, un repli stratégique qui passe par la suppression, le déplacement ou la relocalisation des biens et des activités ». Sur cette méthode, longtemps considérée comme le dernier recours, Nicolas Castay est catégorique : « aujourdhui, ce mode de gestion est chiffré par les élus, il n’est plus tabou. Il est d’ailleurs soumis à un appel à projet national ».

Enfin, le dernier mode passe par une lutte active. Le tout n’est pas d’appliquer un seul mode de gestion pour l’ensemble des zones, « mais d’adapter et de combiner ces modes. En zone urbaine, on préfèrera une lutte active. Mais les démarches qui fonctionnent réellement sont celles ou une concertation avec des associations et des citoyens est mise en place, car ils se sentent directement impliqués », souligne le dirigeant, qui développe actuellement des projets dans l’aménagement touristique durable, la gestion des risques littoraux ou la protection de l’environnement. Concernant la pollution, une récente initiative de la fondation Surfrider vise à mener une étude sur l’Adour et ses affluents afin de faire un état des lieux de la pollution en milieu aquatique, pour prouver l’origine des déchets venant de l’océan. Preuve que la préservation du littoral est plus que jamais une question d’actualité… 

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