« Si l’on continue ce que l’on fait depuis trente ans, le réchauffement climatique sera irréversible et inéluctable »
Les mots de Jean Jouzel, climatologue et expert au Groupe d’experts Intergouvernmental sur l’Evolution du Climat, sont sans appel. Depuis le début du siècle, les émissions de gaz à effet de serre ont connu un accroissement exponentiel de 2 à 3% chaque année. La Terre nous a déjà envoyé des signaux d’alerte : la fonte des glaciers tempérés et le pompage océanique entraînent une élévation du niveau de la mer de 3 mm par an. Plus proche de nous, Anne Walryck, vice-présidente de Bordeaux Métropole, en charge de la transition écologique et du développement durable, regrette le recul du trait de côte girondin, dépassant par endroits les dix mètres. Si aucune mesure n’est prise pour lutter contre le réchauffement climatique, si nous ne changeons pas rapidement de mode de développement, si nous n’abandonnons pas définitivement l’usage d’énergie fossile, le thermomètre terrestre gagnera 4 à 5 degrès d’ici 50 ans. Personne n’ose imaginer l’ampleur des conséquences catastrophiques qu’entraînerait un tel dérèglement.
Depuis les « trop peu ambitieuses » conférences de Kyoto et de Copenhague, auxquelles les diagnostics du GIEC ont servi de bases, un objectif audacieux se dessine dans la tête des experts : limiter le réchauffement climatique à 2° par rapport au climat préindustriel. Traduisez : limiter par trois, à l’échelle de la planète, les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Jean Jouzel l’affirme, nous ne pourrons espérer aucun retour en arrière en terme de température si nous ne remplissons pas cet objectif.
C’est en décembre, et à Paris, que tout va se jouer, lors de la 21e Conférence Climatique des Nations Unies. Près de 200 États s’y réuniront en urgence afin de trouver un accord les engageant durablement vers une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre à long terme. « Nous sommes au pied du mur, j’espère que la COP 21 sera emblématique » averti Jean Jouzel, avant d’ajouter : « Il est indispensable que tout le monde s’empare de cette Conférence, et c’est l’objectif du Tour de France des Solutions pour le Climat ».
De Monaco à Dunkerque : « Le réchauffement, c’est maintenant ! »
Voilà bientôt deux mois que Catherine Chabaud a largué les amarres au port Hercule de Monaco. Cap sur douze villes côtières, avec un objectif : sensibiliser les acteurs et décideurs économiques des littoraux français à l’indispensable déploiement de solutions répondant aux enjeux climatiques contemporains. Aux premières loges de l’élévation du niveau des océans, le bord de mer cumule en effet des enjeux économiques, démographiques et environnementaux prépondérants : « Nous savons aujourd’hui qu’en 2050, 80% de la population vivra sur la frange littorale » projette la navigatrice.
Face aux nouveaux défis qu’engendre, jour après jour, le réchauffement climatique, l’heure est plus que jamais à l’entraide. Aussi, au travers de conférences scientifiques, de rencontres ou d’ateliers de sensibilisation, le « Tour de France des Solutions pour le Climat » entend promouvoir les solutions exemplaires innovantes déjà à l’œuvre en faveur du climat. La traversée entraînera alors dans son sillage un cercle vertueux, incitant les autres élus à se mobiliser dans une même dynamique.
A la barre de l’OceanoScientific Explorer, voilier scientifique de 16 mètres équipé d’un capteur de données océanographiques, Christine Chabaud et Jean Jouzel comptent bien militer à leur manière pour une meilleure prise en compte du rôle primordial des océans lors de la COP 21 parisienne. Longtemps négligées dans le champ des négociations environnementales, ces « pompes à carbone » sont pourtant des éléments clefs de la machine climatique planétaire, aujourd’hui sévèrement impactées. C’est là le message porté par la Plateforme Océan & Climat, alliance d’une cinquantaine d’organisations non gouvernementales et d’instituts de recherche maritimes souhaitant « faire entendre la voix de l’océan ».
D’escales en escales, chacun des marins engagés dans « L’Armada pour le Climat », flotte de navires ambassadeurs des messages de la Plateforme, s’est vu remettre le pavillon bleu et blanc du groupe. Dans cette optique, Catherine Chabaud et Jean Jouzel ne sont pas venus les mains vides à Bordeaux : une fois le pavillon Océan & Climat hissé à leurs mats, les skippers de « La Solitaire du Figaro – Éric Bombard », pourront eux aussi porter le message de la Plateforme par délà les terres !
Jusqu’à présent, les premières escales ont ravi la navigatrice. Optimiste, elle se réjouit d’une prise de conscience générale des enjeux du changement climatique et de n’avoir croisé la route d’aucun climato-sceptique. Et Bordeaux ne fait pas figure d’exception ! Sur les berges de la Garonne, l’équipage témoigne entre autre des propositions de « l’Appel de Bordeaux », l’engagement des élus locaux pour le climat, remis par Alain Juppé à Ségolène Royal à la fin du mois de janvier. « C’est bluffant de voir une vraie mobilisation des acteurs, des collectivités territoriales et des entreprises bordelaises depuis des années. Nous nous enthousiasmons de voir des solutions à grande échelle extrêmement pertinentes, et des acteurs heureux de participer, à leur manière, à ces enjeux » souligne Catherine Chabaud.
Ce jeudi 28 mai, en marge de « Bordeaux Fête le Fleuve », l’équipe du « Tour de France des Solutions pour le Climat » organise une conférence « Énergie et biodiversité : solutions pour le Climat, les Océans et le Littoral » en partenariat avec Engie et CCI France, à la Chambre de Commerce de d’Industrie de Bordeaux.