A quelques mois de la présentation finale de l’avenir du Parc Lescure, le climat en est encore aux questionnements. Après le duel médiatique qui a opposé depuis 2013 l’ancien président socialiste de la Cub Vincent Feltesse et l’actuel maire de Bordeaux et président de la Métropole, Alain Juppé quant à l’avenir du Stade Chaban Delmas et de ses zones attenantes, la nouvelle « plaine des sports » soutenue par la majorité en est toujours au stade des débats. Reste que le projet, tel qu’il a été présenté il y a trois ans, n’a pas bougé selon les élus en charge : un stade qui passerait de 33 000 à 25 000 places, une salle de réception de 1200 mètres carrés au dessus du virage sud, un espace sport et santé au niveau du virage nord, un parc d’environ 340 logements (familiaux, étudiants et seniors) rue Albert Thomas et rue Léo Saignat, 6500 mètres carrés de commerces de l’avenue Henri Martin à la grande arche, 2500 mètres carrés de bureaux et un parking souterrain de 400 places en constituent toujours les grands axes.
Le premier appel à projet, lancé par la municipalité ayant porté sur l’architecte Féret (avec le partenariat de Philippe Prost) a abouti à une phase de concertations. « Le maire a demandé à vérifier la solidité juridique et financière de l’offre entre octobre et décembre », précise Jean-Louis David, adjoint au maire en charge de la vie urbaine. Durant le mois de janvier, la mairie a installé une permanence au sein de l’édifice sous forme d’une exposition présentant les grandes lignes du projet porté par Adim Sud Ouest, filiale de Vinci.
Des points d’incertitude
Le dossier est ensuite passé entre les mains de deux comités de pilotage composés d’une cinquantaine de personnes (représentants des universités, des centres hospitaliers, ensemble de partis politiques). « Les débats sont compliqués, mais ils donnent la vraie dimension du projet », affirme l’élu. « Nous sommes actuellement à la mi-temps du match. Il y a toujours des interrogations, des suggestions. Nous avons eu pas moins de 350 contributions des riverains par internet, 20 000 vues sur les réseaux sociaux et 500 personnes aux permanences bi-hebdomadaires ». Avec cette requalification partielle du site, l’équilibre budgétaire se ferait essentiellement avec les retombées économiques des logements et locaux commerciaux. Laurent Marti, actuel président de l’UBB résident, a largement plaidé en faveur de cette requalification.
Parmi les inquiétudes qui proviennent majoritairement des riverains, l’ouverture du site fait toujours débat. « Parmi les propositions faites, on a noté un réel souhait des habitants de pouvoir déambuler sans coupure physique entre les deux quartiers d’un côté et de l’autre du stade. Ils sont aussi inquiets sur la sécurité nocturne. Quant aux commerces situé entre Henri Martin et l’arche des boulevards, l’idée serait d’en faire une sorte de marché des halles côté boulevards et des commerces de proximité de l’autre, parce que la population du quartier est en demande sur ce point ». La ville compte mettre en place, d’ici le rendu final de la proposition en mai, des ateliers de discussion à partir du mois de mars, qui porteront à la fois sur le commerce, le patrimoine et les sports, « de nature à enrichir la nouvelle proposition prévue pour être rendue le 15 mai prochain. C’est un dossier dont il est normal qu’il remue autant les esprits ». Autrement dit : les réserves jouent les prolongations.
Un enjeu politique ?
La perspective du « bétonnage » dénoncé par certains élus de l’opposition et différentes associations de riverains hostiles au projet a également été réfuté par Arielle Piazza, élue à la mairie de Bordeaux en charge des sports. « Ce projet d’aménagement réaffirme la vocation sportive de ce site. C’est un projet d’avenir, Lescure va évoluer en conjuguant les attentes des usagers. Le but, c’est aussi de mettre les équipements aux normes pour recevoir d’autres équipes dans les gymnases en optimisant le site au mieux ». Problème : dans le calcul effectué par le groupe écologiste adressé à la mairie, cette « surface sportive » passerait de 10 852 mètres carrés actuels à 6238 mètres carrés. Et ce n’est pas les plus de 300 logements prévus qui font décolérer les partisans du patrimoine. « Le programme de logements représente un hectare sur sept, il n’est donc pas essentiel mais donne de la mixité au quartier », juge Elisabeth Touton, adjointe en charge de l’urbanisme. A ceux qui dénoncent une « commercialisation » de Chaban, là aussi, la mairie a un point de vue net sur le sujet. « L’idée n’est pas d’ouvrir sur une concurrence avec St Christoly ou Mériadeck, nous ne sommes pas dans la même offre. Les commerces apporteront des loyers versés à la ville, constituant ainsi une source de revenus, qui sera complétée par les loyers », ajoute Maribel Bernard, élue en charge du commerce et de l’artisanat.
« Il ne devrait pas y avoir d’enjeu politique sur ce projet ni de récupération, la démarche est totalement transparente. Le parti socialiste était d’accord sur le projet initial, aujourd’hui il a changé de position, peu importe. Dans le temps qui vient, chacun s’exprime, chacun prend ses responsabilités. Depuis le départ, l’idée, c’est de remettre le parc Lescure dans de meilleures conditions avec zéro argent public. Si les exigences des uns déséquilibrent le projet, la question se posera de savoir s’il est réalisable ou pas. On a du mal à se mettre d’accord entre nous dès lors qu’il s’agit de son propre patrimoine. C’est difficile à combattre. C’est en ça que les concertations sont compliquées : chacun met en avant son dérangement personnel », a réaffirmé Jean-Louis David.
Une opposition toujours active
Reste que les voix dissonantes, que ce soit celles des élus de l’opposition ou des habitants des quartiers alentours, autrement soucieux d’une probable « affluence de population », sont bien là. Dans la contribution du groupe écologiste auprès du Conseil municipal de Bordeaux, les décisions controversées ne manquent pas, comme le précise Pierre Hurmic, président du groupe des écologistes à la mairie de Bordeaux. « On pourrait perdre un équipement sportif majeur au profit d’une opération immobilière classique. Parmi les 6500 mètres carrés de commerces prévus, 2300 seraient dédiés au sport, autrement dit franchisés. Les bâtiments de bureaux n’ont également rien à voir avec l’identité sportive du parc. On n’arrive pas à remplir le nouveau stade, on finance à millions sur le contribuable le sport professionnel en disant qu’il n’y a plus d’argent pour le sport amateur, on est en déficit d’équipements sportifs et on en détruit. Le patrimoine n’est pas respecté, la vocation sportive diluée », a-t-il dénoncé lors d’une réunion avec une quarantaine de riverains et responsables politiques ce vendredi.
Du côté du PS, on reste plus nuancé. « J’ai pris position pour que le stade Chaban demeure un lieu sportif, rappelle Vincent Feltesse, pour que l’UBB vienne y jouer, que Moga devienne un lieu d’entraînement pour eux et que la Cub puisse reprendre cet équipement sportif. On est globalement dans cette démarche qui est un peu le retour du bon sens. Dans le détail du projet qui préserve l’essentiel malgré une baisse de la jauge du stade, il y a quand même ces questions qui se posent autour de la construction des logements, la mise en place des commerces et surtout l’écornement de ce lieu de pratique sportive de proximité. On est en train de prendre en compte les desiderata des habitants pour faire des contre-propositions les plus pertinentes possibles, on n’est pas dans un tout noir ou tout blanc. Il y a une constante dans la mairie de Bordeaux : dès qu’il s’agit du patrimoine, il n’y a pas d’argent à mettre dessus. On pense que le point d’équilibre, c’est que la puissance publique mette un peu la main à la poche », a notamment déclaré Vincent Feltesse, actuel conseiller régional. Malgré les incertitudes planant autour du devenir du parc Lescure, les résultats des différentes discussions, si elles sont viables, seraient votées en conseil municipal dès le 6 juin prochain.