Avant cette fugue, Richard Torrielli, écrivain bordelais, avait publié, il y a quelques années un premier roman, L’anesthésiste ( Éditions Arléa). Son héros, un médecin hospitalier cumulait un certain mal-être personnel avec la situation professionnelle faite aux soignants, en tension perpétuelle. Il en résultait une histoire simple et percutante, douce et tragique. Camille, l’héroïne de la nouvelle œuvre ne partagerait-elle pas quelques traits communs avec le docteur ?
Comme cette difficulté à accomplir sa destinée, qui la fait fluctuer entre une certaine solitude et le principe de liberté. Reprenons les origines de son histoire pour comprendre son échappée belle : adolescente, Camille fuit le domicile parental, à ses risques et périls, y revient, repart : «son but n’était pas l’endroit qu’il ait un nom ou pas, elle voulait partir, seulement partir d’ici, ne pas cesser de partir, seule façon d’atteindre son but » ; l’histoire débute ainsi à la fin des années 70 du siècle dernier, avec cet air de liberté qui nimbait tant l’époque … Plus tard, elle s’attache à un Italien, peut-être mêlé à l’assassinat d’Aldo Moro, ce président de la Démocratie Chrétienne exécuté par les Brigades Rouges ; enseignante au Cambodge, elle connaît la mauvaise conscience des coopérants intervenant dans des pays jadis colonisés. Elle traversera d’autres épisodes de notre histoire contemporaine, jusqu’à notre confinement national. Au fond, elle est comme une créature-témoin d’un certain air du temps. Évanescente, progressant dans une atmosphère trouble, un entre-deux romanesque, elle peine à trouver sa place ; Camille a le charme discret de ces personnages qui ne sont pas assurés de faire de leur existence une vie.