Le label I-Site, c’est un peu la Légion d’honneur, l’Ordre du Mérite et le César du meilleur acteur réunis. A la différence que cette distinction-là peut vous être retirée si vous ne tenez pas la route.
En mars 2016, l’UPPA répond à l’appel à projets lancé par le gouvernement dans le cadre des Investissements d’avenir. S’appuyant sur les thèmes de l’énergie et de l’environnement pour lesquels elle développe des programmes de recherche, l’université présente une proposition baptisée E2S (solutions pour l’énergie et l’environnement).
Cette démarche est menée en partenariat avec les chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), ainsi que ceux de l’INRIA qui est spécialisé dans les sciences et technologies du numérique.
L’objectif est à la fois simple et ambitieux : « miser sur des domaines d’excellence pour accroître la qualité de la formation et de la recherche dans le sud de l’Aquitaine ».
Sciences « dures » et sciences humaines
La base, elle, est solide. Le projet E2S tient compte des « compétences reconnues » des structures de recherche existant déjà au sein de l’université. Celles de l’IPREM sont vouées à l’étude des matériaux. L’IPRA s’intéresse pour sa part aux géo-ressources, à la transition énergétique, à l’aéronautique et à la construction écoresponsable. Quant aux laboratoires MIRA, ils travaillent sur les milieux aquatiques.
Autant de domaines qui amènent les scientifiques à plancher aussi bien sur le stockage souterrain que sur le photovoltaïque, les matériaux composites que la durée des batteries, la décontamination des sites que l’aquaculture. Pour ne citer que quelques exemples. Car la liste est longue.
Tout cela sans oublier, bien sûr, la dimension sociétale et juridique des sujets. Car « la question énergétique et celle des changements environnementaux ont un impact important sur la société. Qu’il s’agisse des comportements ou de la réglementation » indique l’université, qui associe aux projets ses spécialistes des sciences humaines.
Université et entreprises : un destin partagé
Ces derniers ne sont pas les seuls à embarquer sur le navire. Car les entreprises implantées dans la région et avec lesquelles l’UPPA a noué des liens étroits sont, elles aussi, concernées.
« Les Pays de l’Adour sont l’un des premiers territoires après l’Ile-de-France où l’on trouve la plus grande concentration de centres de recherche et de développement » note Mohamed Amara. Avant de souligner l’intérêt pour l’université de travailler, grâce à la présence de sociétés de renom, avec des partenaires à « haute valeur technologique ».
« L’une des originalités et des forces d’E2S sera la qualité de ses relations avec les grandes entreprises qui trouveront dans leur environnement immédiat une recherche scientifique de qualité. Parallèlement, le projet a aussi pour ambition de densifier les relations avec les PME et d’intensifier la création de star-up».
Bref, selon le président de l’UPPA, il y a là une belle occasion de continuer à « partager un destin » sur un même territoire.
Un ballon d’oxygène de 6,1 millions d’euros par an
Cerise sur le gâteau : l’avantage est aussi financier. L’attribution du label I-Site – qui sera officialisée à la mi-mars – va en effet permettre à l’UPPA de se voir confier par l’Etat une enveloppe de 300 millions d’euros. Capital qu’elle conservera si, au bout de quatre ans, elle remplit les objectifs définis dans le contrat passé avec les pouvoirs publics.
Si ce n’est pas le cas, l’université sudiste restera malgré tout « gagnante ». Car d’ici là, la somme dont elle disposera lui permettra d’engranger chaque année des intérêts d’un montant total de 6,1 millions d’euros. Bonus qu’elle gardera quoi qu’il arrive.
Quand on sait que les 125 millions d’euros de budget dont dispose l’UPPA comprennent 90 millions de masse salariale et que sur les 35 millions qui restent, 30 composent ses ressources propres, on comprend pourquoi Mohamed Amara parle de « joli coup ».
« Le plus petit projet présenté »
En effet, tous ses collègues ne bénéficient pas d’une telle opportunité. Alors que le label I-Site a été accordé à 9 universités en France (Bordeaux a obtenu celui d’IDEX), des régions comme la Bretagne, la Normandie ou le Centre n’ont rien, note le président de l’UPPA.
« Nous sommes le plus petit projet à avoir été présenté » rappelle-t-il en évoquant les 12 500 étudiants répartis tant en Béarn qu’au Pays-Basque, dans les Landes et à Tarbes. Mais la particularité du territoire sur lequel celui-ci intervient ainsi que les liens étroits noués entre l’université et les milieux économiques locaux illustrent parfaitement ce que doit être un I-Site, a estimé le jury chargé d’accorder le label.
Un pas de plus à l’international
Ce titre « protège » l’UPPA au moment où « des déserts se constituent en France et des universités perdent leurs masters », poursuit Mohamed Amara. Il devrait également l’aider à « construire l’université des années 2030-2040 ».
Articulée en trois grands collèges (sciences, sciences sociales et humaines, études européennes et internationales), l’UPPA verra en effet disparaitre ses 10 unités de formation et de recherche.
Elle aura la capacité de recruter des « pointures » de l’extérieur sur l’énergie et l’environnement. Elle développera le numérique, augmentera le nombre de ses doctorants et de ses publications. Enfin, elle jouera plus encore la carte de l’international. A partir du master, les enseignements seront basculés à 50% en anglais.
Toute une évolution dont quelques idées ont été puisées chez des collègues de renom avec lesquels l’UPPA a été en contact et dont certains feront d’ailleurs partie du comité de suivi du projet. C’est le cas des universités allemande et suédoise de Constance et Göteborg qui, en lien avec leur tissu économique, se sont intéressées à la manière d’attirer des étudiants et des chercheurs, et surtout de les garder. Des échanges ont aussi été pris avec l’université de Chicago et le département énergie-environnement de l’illustre MIT avec lequel « un master commun doit être monté ».
Sourire de Mohamed Amara. « On pourra jouer dans la cour des grands ».